Il ne se passe plus hélas un semestre sans que la presse ne fasse état des frasques d’enfants de "grands" de ce Faso. Le scénario est toujours le même : un enfant aurait extirpé tant de francs à son pater et l’aurait dilapidé dans telle contrée.
Ça commence sérieusement à faire trop, si ce ne sont pas des affabulations à répétition, et on devrait être plus regardant sur ces faits divers qui incriminent parfois explicitement des privés ou, pire, certains membres de la haute administration burkinabè sans qu’aucun démenti ne vienne d’ailleurs de la part des incriminés ou des institutions dont ils relèvent.
Certes, il est devenu coutumier de croire que ce n’est pas la peine de répondre aux écrits de la presse, mais cela ne vaut que quand il s’agit d’une polémique et non d’information de nature à porter un préjudice moral à ceux dont les noms sont cités. Dans leur majorité, les Burkinabè peuvent être considérés comme des aigris, tant ils ont les poches trouées et tirent tous les jours le diable par la queue.
C’est pourquoi ces quelques millions dans des mains innocentes, voire inconscientes, qui peuvent paraître comme des broutilles pour certains, font saliver bien des citoyens et inquiètent d’autres qui ne s’imaginent pas que des serviteurs de l’Etat pouvaient disposer eux aussi de tant de cagnottes, sans "caisse noire" et sans jouer au PMU’B. Les grands serviteurs de l’Etat se servent-ils ou sont-ils servis ?
Ne provenant ni d’opérateurs économiques ni d’industriels, de telles sommes ne sont pas le fruit d’activités louches et pas catholiques. Mais de là à penser que ça provient des caisses de l’Etat, il n’y a qu’un pas, un petit pas, que le commun des mortels ne tarde pas à franchir. Quand la vie est dure, l’imagination est fertile. L’administration, en proie à des déficits budgétaires chroniques, ne peut et ne saurait être une source d’enrichissement quels que soient les bons et loyaux servis rendus.
Passe encore si un promu brille dès qu’on lui confie un portefeuille parce qu’il est logé, nourri, blanchi et véhiculé aux frais de la princesse républicaine, mais qu’en plus il devienne un distributeur automatique de billets de banque ou, pire, que ce soit son mouflet qui joue au "Nobaodo" des temps modernes, ce sont là des signes extérieurs de richesse qui font frémir et scandalisent surtout quand ça se passe chez des gens que l’opinion avait crédité d’un capital de confiance et d’estime.
Faut-il croire en définitive que le Faso est malade, que la morale est toujours en agonie et qu’inexorablement on s’achemine vers l’instauration d’une ploutocratie ? A quelques encablures du nouveau mandat que le peuple va lui confier, Blaise Compaoré devra prendre les mesures qui s’imposent pour arrêter cette dérive.
Dans ce pays de savane où les pintades se voient, on sait qui est qui, qui vient d’où, qui était quoi, qui a quel niveau et les salaires indiciaires de tous les postes de l’administration publique. Même les riches du secteur privé devraient faire preuve de plus de décence. C’est une question d’environnement. Quand les uns mangent et que les autres regardent, si ce n’est pas une révolution que cela suscite, c’est la réaction du chien devant un morceau de viande malgré la présence du propriétaire.
Au-delà du fonctionnement normal des institutions, la vie d’une nation tient aussi à un autre fil : la justice sociale. Un fil très sensible.
JOurnal du jeudi
