Actualités :: NOMINATION D’UN PREFET DE POLICE A OUAGA : L’éclairage du commissaire Drissa (...)

Le 7 décembre 2011, le Conseil des ministres nommait un préfet de police de la ville de Ouagadougou en la personne du commissaire Rasmané Ouangraoua. Commissaire de police à la retraite de grade terminal et de classe exceptionnelle depuis 1985, chef des opérations et de l’information des Nations unies au Burundi, Directeur de la sécurité présidentielle et chef de la sécurité rapprochée du président Sangoulé Lamizana, commandant de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) et Coordinateur général des renseignements généraux du gouvernement sous la Haute-Volta, instructeur de tirs de la Police nationale, diplômé de l’Académie de police de Washington et spécialiste du droit, docteur en criminologie, enseignant dans plusieurs universités de la sous-région et actuellement enseignant au cycle supérieur à l’Ecole nationale de police, Drissa Malo Traoré dit Saboteur se dit avoir le profil pour apporter un éclairage aux Burkinabè sur cette nomination.

Dans les lignes qui suivent, il se prononce sur le rôle, l’utilité et l’opportunité d’un préfet de police au Burkina.

"Le Pays" : Le Conseil des ministres a nommé un préfet de police pour la ville de Ouagadougou avec compétence sur la région du Centre. Dites-nous pourquoi vous avez jugé bon de parler de cette nomination ?

Drissa Malo Traoré : Nous sommes interpellés un peu partout, notamment à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso et beaucoup de gens nous disent qu’ils ne savent pas ce que c’est qu’un préfet de police. Compte tenu du fait que je suis de la corporation de la police et un spécialiste dans ce domaine, j’ai estimé qu’il fallait éclairer l’opinion, ne serait-ce que donner les tendances du rôle d’un préfet de police, même si on ne rentre pas dans les détails.

Justement, qu’est-ce qu’un préfet de police ?

Le préfet de police est un véritable chef de police. Il est chargé de la coordination du maintien de l’ordre et de la sécurité dans une agglomération de plusieurs millions d’habitants, où sont concentrés les pouvoirs publics, le parlement, les institutions internationales, les représentations diplomatiques, les centres d’impulsion vitaux de la nation dans les domaines économique et social.

Quelles sont ses attributions et de qui relève-t-il ?

Ses responsabilités en la matière sont extrêmement lourdes et les problèmes qu’il doit traiter ne peuvent, par leur ampleur, se comparer à ceux de toute autre ville du Burkina Faso. Il est donc indispensable de mettre en place à Ouagadougou une organisation de police fortement structurée, placée sous un commandement unique. Dans les pays comme la France, où la préfecture de police de Paris a vu le jour en 1800, le préfet de police relève du ministre de l’Intérieur.

"Un préfet de police doit maîtriser son environnement"

Tous les pays francophones ayant calqué le système français, ici, normalement, c’est le ministre de l’Administration territoriale chargé de la sécurité qui coiffe le préfet de police.

Et quels atouts un préfet de police doit-il avoir pour mener à bien sa mission ?

Normalement, lorsque le gouvernant doit nommer un préfet de police, il doit très bien connaître le haut fonctionnaire qu’il veut désigner et sur tous les plans. Premier atout, un préfet de police doit maîtriser son environnement. Du point de vue relations publiques, il faut que le préfet sache comment pénétrer le milieu et avoir un sens de communication très poussé. Je prends un exemple. En Corse, lorsque les Indépendantistes s’étaient levés pour troubler l’ordre public, la France a estimé qu’il fallait nommer un homme qui maîtrisait l’environnement. Cela avait été le commissaire Broussard et a été le patron de la Brigade anti-gang. Le second atout, les qualités professionnelles et techniques. Cela veut dire que ce doit être un haut fonctionnaire de police qui a gravi pratiquement tous les échelons de la police et qui est capable en une fraction de seconde de savoir ce qu’il faut faire.

C’est normalement quelqu’un qui est en fin de carrière ou qui est retraité mais qui est toujours apte à servir son pays. Le troisième atout est que le préfet de police a une fonction politique. Il représente le pouvoir central au point de vue sécurité dans l’agglomération où il est nommé. Il doit donc tenir compte de certaines sensibilités politiques pour pouvoir gérer la région. Enfin il doit avoir des connaissances étendues sur le droit car il doit pouvoir interpréter les textes.

Selon vous, à quoi peut répondre une telle décision du gouvernement ?

Je pense que le gouvernement doit avoir des arguments car il a beaucoup de canaux d’information comme l’armée, la gendarmerie, la police et la société. En rassemblant toutes ces données, le gouvernement peut penser qu’à telle période précise, Ouagadougou a peut-être besoin d’une certaine maîtrise sécuritaire ou de prévenir éventuellement certaines situations qui peuvent venir en plaçant quelqu’un qui peut coordonner ses activités de sécurité et de maintien de l’ordre dans la région.

Voulez-vous dire que cette décision a peut-être un rapport avec les récents troubles qui ont secoué la ville et continuent d’ailleurs ?

Dans tous les cas, si vous remarquez, depuis un certain temps, je dirai même des années, chaque fois, les grands troubles se situent au niveau de Ouagadougou. Que ce soit au niveau universitaire, scolaire ou syndical, Ouagadougou est en tout cas la tête pensante de tous les grands problèmes sociaux qui se posent dans le pays. Je pense qu’à la longue, il faudra nommer aussi un préfet de police à Bobo-Dioulasso. On pourra prévenir beaucoup de choses.

"J’ai eu le commissaire Ouangraoua sous mes ordres"

Finalement, un préfet de police, cela a des avantages …

Ah oui ! Moi, personnellement, en tant que spécialiste, si c’est fait dans de bonnes conditions professionnelles…

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire que si on ne nomme pas le préfet de police pour le plaisir de le nommer, pour donner un titre à quelqu’un, comme pour le mettre au garage. Mais si on veut faire réellement comme en France, le préfet de police a un rôle important à jouer. Par exemple, le préfet de police de Paris est en même temps le préfet de la zone de défense et de sécurité de la région de Paris, mais dans le domaine civil.

Justement, la France, ce n’est pas forcément le Burkina. N’y a-t-il pas risque que ce qui est bon à Paris ne soit difficilement adaptable au Burkina ?

Je pense que tout dépend du décret qu’on va prendre pour déterminer l’organisation, les attributions et le fonctionnement du préfet de police. En France, par exemple, le préfet de police a un cabinet, un secrétariat général pour l’administration et un autre pour la défense de la zone de défense et de sécurité, six directions actives de police, deux directions administratives et des services spécialisés. D’une manière générale, le préfet de police est nommé dans un souci d’unification du commandement pour piloter les problèmes sécuritaires dans une localité donnée. Si la volonté politique est manifeste, il est évident qu’il n’y aura pas de chevauchement avec les autres structures.

Connaissez-vous personnellement le commissaire Ouangraoua, le nouveau préfet de police ?

Oui (rires). Je suis un ancien de la police (se référer à l’introduction de cette interview, NDLR). C’est dire que le commissaire Ouangraoua est un élément que je connais très bien. Si je peux donner mon avis personnel, c’est un haut fonctionnaire qui maîtrise très bien l’administration de la police. Il connait tous les rouages et a fait pratiquement toutes les branches de la police. Il est très discipliné d’abord. Je l’ai eu sous mes ordres. Il a travaillé avec moi (dans les années 1970 où Drissa Malo Traoré était alors commandant de la CRS, NDLR). Depuis que je l’ai connu, il n’a jamais changé. Même quand il a été nommé DG (Directeur général de la police nationale, NDLR), il a toujours respecté les gens.

Lorsqu’il a été gouverneur du Sud-Ouest, chaque fois que les gens parlaient de lui, c’était toujours en bien. Il est beaucoup aimé de la troupe et a le contact facile avec la population. Il a été toujours humble. Ce sont des valeurs qui peuvent aller de pair avec la fonction de préfet de police.

Il sera donc à la hauteur ?

En tout cas, de mon avis, personnel (…), c’est un monsieur qui, normalement, peut réussir cette mission.

Le préfet de police : origine

"Le terme préfet de police a vu le jour en France, notamment à Paris, sous Napoléon 1er, le 17 février 1800. Quelques jours après son coup d’Etat, Napoléon 1er rattache ainsi au pouvoir central les attributions de police générale, qui dépendaient de la commune de Paris sous la révolution française. Le préfet de police reprend les attributions du lieutenant général de police, institué par Louis XIV en 1667, pour exercer des pouvoirs de maintien de l’ordre auparavant dévolus au prévôt de Paris. Pendant la seconde Guerre mondiale, la préfecture de police a été utilisée par le régime de Vichy collaborant avec les autorités allemandes. Les mouvements de la résistance les plus actifs dans cette institution sont « Honneur de la Police » et « Front national police »(…). Alors que les Américains sont aux portes de Paris, les Allemands décident de désarmer la Police qui se met en grève le 15 août 1944 ; le 19 août, les mouvements de la résistance organisent l’insurrection en s’emparant de la préfecture de police, caserne de la cité, et s’illustrent dans la libération de Paris, sous la direction de Charles Luizet, nommé préfet de police par de Gaulle. Pour cette contribution à la victoire contre l’occupant, où 167 policiers sont tués, la préfecture de police a été décorée par le Général de Gaulle de la Légion d’honneur. C’est la raison pour laquelle ses agents en tenue d’honneur portent une cordelière rouge à l’épaule gauche, les jours de cérémonie (…)."

Drissa Malo Traoré

Propos recueillis par Abdou ZOURE

Le Pays

An 34 de l’assassinat de Dabo Boukary : L’UGEB annonce (...)
Affaire Lionel Kaboui : Le délibéré de l’audience de ce 16 (...)
Santé mentale : « Lorsqu’une personne développe une (...)
Région des Hauts-Bassins : Un directeur d’école relevé de (...)
Burkina Faso : Hermann Coulibaly/Gnoumou s’engage pour (...)
24e Journée nationale de lutte contre la pratique de (...)
Le Directeur général des douanes dans la région douanière (...)
Campagne cotonnière 2024-2025 : Une subvention de 10 (...)
Elaboration du rapport diagnostic de la sécurité (...)
Sahel : Lancement officiel du projet "YES-ENJEU" pour (...)
Burkina/Agriculture : Renforcement des capacités d’une (...)
Burkina/Loi sur la promotion immobilière : La Commission (...)
32e Convention de la communauté islamique Ahmadiyya : (...)
Burkina / Journée des traditions : « Ce n’est pas (...)
Burkina/Journée des coutumes et traditions : « La femme (...)
Burkina / Journée des coutumes et traditions : « (...)
Célébration du 15-mai 2024 : Le palais de Sa Majesté le (...)
Burkina/Institution du 15 mai : « Si l’Afrique ne décide (...)
Célébration du 15-Mai à Bobo-Dioulasso : Libation et (...)
Journée des coutumes et des traditions à Dédougou : Les (...)
Burkina/Recherche : L’Institut des sciences des sociétés (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36687


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés