Actualités :: Affrontements militaires / policiers : Les comptes qu’il va falloir (...)

Des élections municipales reportées à plusieurs reprises avant d’être organisées finalement le 23 avril 2006 pour se terminer par le raz de... mairies CDP qu’on sait (avec toutefois quelques poches de résistance de l’UPR, du RDB...). Une très bonne pluviométrie dont on a récolté un excédent céréalier qui pourrait nourrir, selon les statistiques officielles, la moitié des Burkinabè.

Le vrai-faux différend au quasi sommet de l’Etat entre le chef du Gouvernement, Ernest Paramanga Yonli (qu’on accuse de lorgner le fauteuil de son patron), et son ministre d’Etat Salif Diallo (qui l’aurait fait roi).

• La mort, le 4 décembre 2006 à 84 ans du Pr Joseph Ki-Zerbo, l’un des derniers dinosaures de la faune politique nationale et, surtout, figure emblématique de l’intelligentsia africaine.

• L’évacuation en catastrophe d’Halidou Ouédraogo, président du MBDHP, de l’UIDH et du Collectif, en France où il a séjourné pendant plusieurs mois après un malaise intervenu au palais de Justice de Ouaga. • Les multiples grèves, marches-meetings contre la vie chère des syndicats qui ont fini par arracher des concessions gouvernementales dont une substantielle baisse du prix des hydrocarbures...

Mardi noir au palais de justice

Tels auront été, entre autres, les faits saillants de l’actualité nationale ces douze derniers mois. Mais entre tous, deux événements d’importance auront marqué d’un sceau indélébile l’année qui s’achève : il s’agit d’abord de l’Ordonnance de non-lieu signé le 18 juillet 2006 par le juge d’instruction Wenceslas Ilboudo au bénéfice de l’adjudant Marcel Kafando, jusqu’alors unique inculpé pour l’assassinat de Norbert Zongo ; ensuite des affrontements entre militaires et policiers qui ont mis Ouaga sous coupe réglée les 20 et 21 décembre derniers et dont on n’a pas encore fini de solder les comptes.

Le mardi (noir) 18 juillet 2006 donc, suite au réquisitoire définitif de non-lieu transmis le 13 juillet 2006 par le Procureur du Faso, le magistrat instructeur commis exclusivement depuis 7 ans à l’Affaire des affaires signe la désormais célèbre ordonnance synonyme de non-lieu pour le sous-officier du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Déjà condamné par le Tribunal militaire à 20 ans de prison dans le dossier David Ouédraogo, il avait été identifié comme l’un des six "suspects sérieux" par la Commission d’enquête indépendante (CEI) avant d’être formellement inculpé le 2 février 2001 par Wens pour "assassinats et destruction de bien mobilier".

Pour lever les charges qui pesaient sur "l’affreux" Kaf, le parquet et le juge d’instruction tirent argument (ou prétexte) de ce que Jean-Racine Yaméogo, sergent-chef de la Base aérienne au moment des faits et ex-ami du mis en examen dont il était pourtant le seul témoin à charge, s’est rétracté le 31 mai 2006 lors de leur deuxième confrontation. Après avoir tenu la même version pendant de longues années, a-t-il fini par craquer suite aux pressions multiples ou au "travaillement" dont il a pu être l’objet ? En tout cas il n’en fallait pas plus pour que Wenceslas Ilboudo, qu’on n’avait plus senti depuis belle lurette, sorte du bois pour abandonner toute poursuite qui pesait sur son client.

Ils veulent justifier l’injustifiable

Pour autant, le dossier n’est pas classé, affirme sans rire l’inénarrable Procureur général Abdoulaye Barry après s’être ruiné en de vaines explications sur les tenants et les aboutissants de cette décision de justice. Le dossier, nous apprend-on doctement, sera en effet consigné au greffe et est susceptible d’être rouvert à tout moment si des charges nouvelles (preuves matérielles, indices irréfutables, empreintes digitales, ADN...) étaient apportés dans les dix ans qui suivent le dernier acte d’instruction (le non-lieu donc), c’est-à-dire au plus tard le 17 juillet 2006.

La belle affaire ! Robert Ménard, le Secrétaire général de Reporters Sans Frontières (RSF), s’y est bien essayé le 20 octobre 2006 sur fond d’arrogance, de fanfaronnade et de one-man-show qui a dû embarrasser ses anciens camarades de la CEI mais l’initiative plutôt cavalière était d’avance vouée à l’échec. L’Observateur paalga ne s’y était pas trompé qui écrivait dès le 20 juillet 2006, au lendemain de la conférence de presse donnée par le parquet pour justifier l’injustifiable, qu’on venait d’assister à un enterrement de première classe. Hélas !

Car ne l’oublions pas, aux termes de la loi, seul le ministère public peut apprécier effectivement la nouveauté des fameuses charges et leur importance dans la manifestation de la vérité et, subséquemment, relancer l’affaire. Autant dire que c’est un cercueil zinqué qui enferme (définitivement ?) ce dossier brûlant et gênant qu’on n’est pas près de voir enrôlé. Mais si ce n’est pas chef Kaf, c’est qui alors ? Faut-il croire, comme ont persiflé certains, que le directeur de publication de l’Indépendant a bel et bien été assassiné mais que personne ne l’a assassiné ?

En vérité, tout semble indiquer qu’après avoir vacillé et tremblé de toute sa carcasse aux heures chaudes qui ont suivi le drame de Sapouy, le pouvoir a repris la main. Et comme les mauvaises habitudes ont la vie dure... On a comme l’impression que les autorités burkinabè qui portaient ce drame comme un furoncle sur les fesses (tant qu’elle est là, impossible de s’asseoir), même si leur implication n’a jamais été formellement établie, ont joué la montre et laissé la lassitude gagner les rangs, aussi bien des croisés de l’impunité que du juge d’instruction qui ne devait pas avoir envie de traîner ce boulet toute sa carrière, avant de porter l’estocade.

Un jour, ça va se savoir

Surtout que le président du pays réel, Halidou Ouédraogo, avait dû être évacué en catastrophe en France, laissant ses troupes sans général. Sauf grosse surprise donc, 2007 ne devrait pas être porteuse de bonnes nouvelles sur ce front-là. Doit-on pour autant faire définitivement le deuil de la Vérité et de la Justice pour notre confrère boucané ce maudit 13 décembre de l’an de disgrâce 1998 ? Pas si vite, car le temps, qui peut être notre pire ennemi peut aussi être notre meilleur allié et un jour "ça va se savoir" pour reprendre le titre d’une célèbre émission de RTL 9.

Oui, un jour, ça va se savoir, nonobstant le non-lieu du 18 juillet ; ça va se savoir malgré la chape de plomb qui entoure depuis 7 ans le crime le plus odieux que cette terre des hommes, cette patrie des hommes intègres ait jamais connu. Et les puissants du moment auraient tort de pavoiser, car notre passé nous rattrape toujours.

Puis vint le mercredi 20 décembre 2006. Blaise Compaoré, qui a renouvelé, voilà tout juste un an, son bail à la présidence du Faso venait à peine de pendre la crémaillère à son nouveau palais de Kos-Yam quand de jeunes soldats décidèrent de venger leur compagnon d’arme décédé par suite d’une altercation avec des policiers à l’entrée du stade municipal.

Les mercredi 20 et jeudi 21 décembre, la capitale burkinabè, qui n’avait plus vu ça depuis la "nuit historique" du 4 août 83 et son dénouement sanglant du 15 octobre 1987, a ainsi été le théâtre de violents affrontements armés entre militaires et policiers. Bilan : 4 militaires et 2 flics tués ainsi que quelques civils qui se sont malheureusement trouvés sur la trajectoire de balles perdues.

Une riposte disproportionnée

S’est-il agi d’un simple mais violent mouvement d’humeur de la soldatesque ou des prémices d’une mutinerie sur fond de revendications corporatistes voire politiques qui aurait pu déboucher sur un coup d’Etat (n’ayons pas peur des mots) si l’incendie n’avait pas été rapidement circonscrit ? En tout cas avec la confusion et la peur-panique auxquelles ces 48 heures folles ont donné lieu, tout pouvait arriver.

Que les bidasses aient ruminé pendant longtemps des couleuvres que leur auraient fait avaler les poulets (et vice-versa), on veut bien le croire, mais le moins que l’on puisse dire est que la riposte était on ne peut plus disproportionnée. Les jeunes gens, pour manifester leur mécontentement et se faire entendre, avaient-ils besoin de tenir ce concert de rafales toute une nuit et de pilonner des commissariats à l’arme lourde ?

Avaient-ils besoin d’ouvrir les portes de la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO), libérant et remettant ainsi dans la nature des bandits de grand chemin à une époque où l’insécurité est l’une des préoccupations majeures des populations ? Avaient-ils besoin de casser, de piller, même s’il est vrai que des vandales et des voleurs ont aussi profiter de la pagaille monstre qu’ils ont créée ? Avaient-ils besoin de terroriser les habitants de la capitale ? Avaient-ils besoin...

Non, quelles que soient leurs motivations, on a beau vouloir leur trouver des excuses et leur voter des circonstances atténuantes, on n’en trouve pas. Que la police ait, dans un premier temps, jouer les fiers à bras ; qu’elle ait même été, comme on l’entend, un peu arrogante en présumant de ses forces ; qu’elle ait, par surcroît, ainsi qu’il se susurre, rejeté la médiation entreprise par la gendarmerie ; qu’elle ait même, selon certains témoignages, ouvert le feu en premier... rien de tout cela ne saurait constituer une excuse absolutoire pour la grande muette.

Dans quelle armée sommes-nous ?

Ces fusils et ces balles qu’ils utilisent, c’est quand même, ne l’oublions, le fruit de nos IUTS, de nos taxes et patentes pour assurer notre sécurité et l’intégrité du territoire, pas pour assouvir une quelconque vengeance, fût-elle légitime. Et ces bâtiments détruits, ces véhicules et motos incendiés, ce sont encore nos IUTS, nos taxes et patentes qui vont les réparer, même si, pour cela, il faudra moins d’huile dans le garba. En ont-ils seulement conscience, ces barbouzes d’un autre temps ?

Dans quelle armée sommes-nous d’ailleurs où la première recrue venue peut aller se servir en RPG 7 et s’en aller tirer sur tout ce qui bouge ? Sont-ce des forces armées ou sont-ce devenues des bandes armées ainsi que nous nous posions déjà la question dans notre livraison de mardi dernier ? Est-ce l’Armée (avec un grand A) ou est-ce l’armoire fourre-tout, les bonnes tenues comme les déchets juste bons pour la poubelle ?

Qu’elle est terriblement pathétique l’image de ce supérieur hiérarchique implorant littéralement un croquant de rengainer sous le regard dédaigneux de son camarade qui semblait demander à son chef "de quoi je me mêle ?". On nous avait pourtant appris que "la discipline faisant la force principale des armées, il importe que tout supérieur obtienne de ses subordonnés une obéissance entière et une soumission de tous les instants". Et que les ordres devaient être "exécutés littéralement sans hésitation ni murmure, l’autorité qui les donne en est responsable et la réclamation n’est permise au subordonné que lorsqu’il a obéi".

Le mythe de la stabilité s’est durablement écorné

Mais de quelle discipline et de quelle hiérarchie peut-on encore parler dans cette armée à deux vitesses où les uns sont engraissés comme des moutons d’embouche pendant que les autres bouffent la vache enragée et se ruinent dans le PMU’B et les crédits tous azimuts ; où, parce qu’ils ont participé à un carnage, des adjudants, des sergents et même des caporaux narguent et humilient impunément des officiers ?

Et le chef suprême des Armées, Blaise Compaoré, est aussi comptable du délitement de cette institution massifiée où les officiers sont noyés dans l’anonymat indifférencié de la caserne. On en vient à regretter l’époque des vrais chefs militaires dont la simple vue ou la seule évocation du nom inspirait à la fois respect, crainte et admiration.

Avec la guérilla urbaine de l’autre jour, c’est, à coup sûr, l’illusion républicaine du bras séculier de l’Etat qui s’est évanouie et, avec elle, le mythe de la stabilité du Burkina qui s’est durablement écorné. Ça n’arrive donc pas qu’aux autres ! Mais si les autres, ces pays de cocagne où coulent le miel et le lait peuvent se payer le luxe de plusieurs années de rébellion ou de guerre civile tout en restant debout, tel n’est pas le cas du Faso où la vie est déjà dure et où la paix sociale est le seul avantage comparatif dont nous pouvons nous prévaloir. Et c’est ce précieux capital que les artilleurs du mercredi soir, qui se plaignent pourtant de leurs conditions de vie, veulent... liquider.

Situer les responsabilités et en tirer les conséquences

Si donc les militaires, qui ont l’habitude de brimer les civils sans que ça ne porte à conséquence, peuvent sortir la grosse artillerie pour se faire justice, il ne reste plus qu’à leur donner le droit de grève pour que le bordel s’installe définitivement. Maintenant que la tempête est passée même si ce n’est pas encore le beau temps, l’heure est maintenant au bilan. Si, pour que l’incendie ne se propage pas, il était bon de calmer le jeu, d’appeler à la retenue voire de négocier, il va maintenant falloir solder les comptes.

Et c’est ce qui devrait se faire en 2007. En effet, on ne voit pas trop comment cette histoire pourrait ne pas avoir de suite dans les prochains mois. Car il faut bien situer les responsabilités et tirer les conséquences qui s’imposent aussi bien pour les jeunes frondeurs que pour la chaîne de commandement militaire, policière et civile.

Le Président du Faso, qui a laissé ce corps social se décomposer et se gangrener n’a plus d’autre choix que la thérapie de cheval pour nettoyer les écuries d’Augias ou, si vous préférez, ses casernes. Sans chasse aux sorcières mais sans faiblesse, la moindre complaisance pouvant être perçue comme une invitation à recommencer. Alors, la chienlit s’installera avec toutes les implications néfastes qu’on imagine pour tout le pays. Déjà, on attend de voir ce que le premier magistrat burkinabè va dire cet après-midi à l’occasion des vœux des corps constitués puis le 31 décembre dans son traditionnel message de nouvel an. On pourra alors avoir des indices de ce qu’il compte faire.

L’absence déplorable d’un front républicain

Mais s’il est quelque chose qu’il faut regretter, c’est l’absence d’un front républicain toutes tendances confondues pour condamner sans ambages la riposte "doum doum" de la soldatesque, quitte à en déceler les causes. Comme l’a fait l’UNIR/MS de Me Bénéwendé Sankara qui, tout en déplorant ce qui est arrivé, estime à bon droit que Blaise ne fait que récolter ce qu’il a semé.

Pour le reste, qu’il s’agisse du CDP en tant que parti ou de l’Opposition, dans ses multiples composantes et regroupements, pourtant si prompte à la déclaration et à faire feu de tout bois, c’est le silence radio. Comme par attentisme dans la mesure où on ne sait pas comment cette situation va évoluer. Comme si, in petto, il s’en trouvait pour se réjouir de ces malheureux événements et pour boire son petit lait.

Qu’on ne s’y trompe pourtant pas !

D’abord parce que Blaise, qui a pris la précaution de barricader les centres et les symboles du pouvoir pendant ces journées noires, ne sera pas forcément la principale victime si ça devrait dégénérer. Ensuite, il n’est pas sûr que ceux qui ne veulent pas le voir, même en peinture, soient les bénéficiaires d’un changement inconstitutionnel de régime si cela devait arriver.

Enfin, n’y a-t-il pas lieu d’éviter les éternels recommencements ? N’est-ce pas mieux, tout compte fait, de travailler à la maturation de ce processus démocratique où il y a, il est vrai, encore d’énormes progrès à faire, plutôt que de se lancer dans des aventures périlleuses pour toute la Nation ? En tout cas la politique du pire n’a jamais mené nulle part si ce n’est dans l’abîme.

Ousséni Ilboudo

Observateur Paalga

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