ActualitésDOSSIERS :: Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou : « Je souhaite qu’un jour vous (...)

Depuis le jeudi 15 juin 2023, les prévenus au procès Vincent Dabilgou sont entendus à la barre. Tour à tour, chacun a donné sa version des faits. Ce lundi 19 juin 2023, a été appelé à la barre l’élément central de ce procès, en la personne de Vincent Dabilgou. Poursuivi pour les faits de détournement de deniers publics, financement occulte de parti politique et blanchiment de capitaux, le président du Nouveau temps pour la démocratie (NTD) est formel et catégorique sur sa position : il ne reconnaît pas les faits.

L’audience de ce jour était très attendue en ce sens que le tribunal devait entendre à la barre le prévenu principal de cette affaire, Vincent Dabilgou. Drapé dans un vêtement Faso dan fani comme depuis le début du procès, le tribunal a fait face à un Vincent Dabilgou décontracté par moments et décontenancé quelques fois. Interrogé sur ses relations avec les différents prévenus dans cette affaire, il explique que certains sont de son parti, d’autres sont juste des agents du ministère.

"Je connais M. Koanda parce qu’il est de la SOPAFER-B et c’est là qu’on s’est connu. On était ensemble dans un parti et il m’a rejoint au NTD. Pour ce qui est de Ousmane Sigué, je ne le connais pas personnellement. Quand on fait nos réunions je ne le vois pas, mais je sais qu’il est du ministère. Jean Gabriel Séré lui, m’a été proposé par un ami que je respecte beaucoup pour occuper le poste de Directeur des affaires financières. En ce moment, mon prédécesseur avait laissé une femme à ce poste. Ce n’est que cinq ou six mois plus tard, quand cette dernière a réussi à un concours et qu’elle devait partir, que je lui fait appel pour la remplacer. Il n’était pas de mon parti jusqu’à l’approche des campagnes où mon ami qui était de mon parti et qui me l’avait proposé m’a fait savoir qu’il voudrait nous rejoindre pour être député. C’est comme ça qu’il a intégré le NTD" a t’il expliqué.

Pour ce qui est du contrat d’approvisionnement en carburant passé entre la SOPAFER-B et Green Energie, Vincent Dabilgou dit ne pas être au courant. De ses dires, la SOPAFER-B est une structure autonome et n’a pas besoin de l’aval du ministère pour contracter. Il soutiendra à ce propos : "La SOPAFER-B est une société d’Etat. Elle ne rend pas compte de sa gestion. Je ne suis pas informé du contrat qui la lie avec Green Energie. Ce n’est pas dans la tradition des sociétés d’état de se référer au ministère. Elles ont un conseil d’administration qui s’occupe de cela. Lors de son passage à la barre, M. Malick Koanda, Directeur général de la SOPAFER-B a soutenu que c’était un don. Si c’en était un, je crois qu’il m’aurait contacté directement pour en savoir plus, on se connait"

De ces observations, plusieurs éléments ont été relevés par le procureur. "Au niveau du ministère vous avez deux comptes à ECOBANK. Le premier est un compte trésor. De ce compte dont vous êtes l’ordonnateur, des dépenses à hauteur de centaines de millions ont été faites sans aucune justification et ces dépenses ont été attribuées à des marchés fictifs, qu’avez-vous à dire sur cette question ?" "Il est vrai que je suis ordonnateur du compte trésor à ECOBANK, mais mon rôle c’est d’attribuer les plans de passation de marché. Je ne signe pas de chèque sur ce compte. Ce n’est pas moi qui m’occupe de ça. Je ne suis pas chargé de gérer des contrats. L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) m’a contrôlé trois fois et ne m’a jamais incriminé pour mauvaise gestion des fonds sur ce compte. S’il est vrai que c’est du même compte trésor dont on parle, ce sont des marchés réguliers qui sont conclus. Pour ce qui est du second compte, je n’ai pas ordonné de dépenses" s’est il défendu.

Au sujet du financement occulte de parti politique, le procureur fait observer au tribunal que dans les procès verbaux, Vincent Dabilgou a clairement précisé que certains fonds lui ont été donnés par des partenaires qu’il a nommément cités. "Aucun d’eux n’a reconnu avoir donné un kopeck au prévenu. Il a affirmé avoir reçu 80 millions de la part de l’APMP, alors qu’il s’agissait plutôt de cinq millions. A la fin de la campagne, un bilan a été établi. Nous avons demandé au trésorier du NTD si le budget du parti aurait pu servir à financer la campagne et il a clairement indiqué que c’était impossible. C’est lui qui gère le patrimoine du parti, si lui même dit que les ressources du parti étaient insuffisantes, je ne sais pas quelle preuve on veut de plus" a pesté le procureur.

En réponse à cette observation, Vincent Dabilgou précise que les financements dans les partis politiques viennent de toute part et que le trésorier n’a par devers lui qu’une partie des ressources devant servir à la campagne. "Tout d’abord, dans notre pays il n’y a pas une loi qui interdit à un privé de financer un parti politique. Il n’y en a pas. Il y a beaucoup de financements et ils viennent de partout. Même aux États-Unis, les partis seuls ne peuvent pas financer leurs campagnes. Ils sont épaulés par le privé. Je ne comprends pas pourquoi aussi ces derniers ont tous nié le fait qu’ils m’aient prêté main forte. Cela dépend aussi de comment l’interrogatoire a été mené. Tout ce que je peux dire c’est que je connais bien ceux qui m’ont soutenu et moi Dabilgou, je ne peux pas mentir sur un opérateur économique. Je ne comprends pas pourquoi c’est ici qu’on se plaint qu’un privé à apporté son soutien pour des élections. En politique, ça ne se passe pas comme vous pensez. Je souhaite qu’un jour vous ayez des ambitions politiques comme je les ai eues pour comprendre certaines choses" a t’il dit avant que la salle n’éclate de rire.

Dans ses interrogations, le procureur s’est appesanti sur l’achat des motos pour le parti. Au prévenu, il a posé la questions suivante : "Connaissez-vous M. Seydou Compaoré ?" A cette question le prévenu répondra : " Non je ne le connais pas." Se saisissant de cette réponse, le procureur brandira le contenu du procès-verbal pour attester que Vincent Dabilgou verse dans le mensonge. "M. le président nous avons ici deux rapports qui ont été versés à notre dossier. Il a dit qu’il ne connait pas M. Seydou Compaoré, vendeur de motos. Mais nous avons des communications Whatsapp qui montrent clairement que Vincent Dabilgou connait très bien ce monsieur, lesquelles communications sont afférantes à l’acquisition de motos. S’il dit qu’il ne le connait pas, c’est archi-faux. Je précise aussi qu’il y a un certain M. Rouamba qui a confectionné des gadgets pour le parti et il a été payé par chèque. Ce chèque a été touché au niveau du compte ECOBANK dont il est ordonnateur. Dans l’un des téléphone du prévenu M. le président, les données ont été savamment et minutieusement effacées. On nous a demandé la somme de douze millions fcfa pour que toutes ces données puissent être rétablies" a relevé le procureur.

A ces propos, Vincent Dabilgou rétorque qu’il n’a jamais demandé à M. Rouamba de confectionner des gadgets pour son parti. Pour ce qui est des motos, il précise qu’il n’était pas le seul a avoir un besoin de motos. "Jean Gabriel Séré et moi sommes du même parti. Il était lui aussi en lice pour la députation. En dehors de ce que nous mettons à la disposition de chaque candidat, chacun apporte ses propres fonds. Il avait lui aussi besoin de motos. Je n’ai acheté aucune moto avec un quelconque fournisseur. C’est avec Megamonde que j’ai eu des motos que je n’ai d’ailleurs pas fini de payer. Ne savez-vous pas que certains remportent les élections sans jamais se rendre dans leurs localités ? J’en connais plein. Je peux les citer. Personnellement, je suis allé carrément à la fin de la campagne chez moi. Mais ça ne m’a pas empêché d’être élu. Quand vous faites la politique vous avez rendez-vous avec l’histoire, pas avec des motos" dira t’il d’un ton menaçant, avant que la salle ne s’esclaffe à nouveau.

L’audience se poursuit au Tribunal de grande instance avec le prévenu.

Erwan Compaoré
Lefaso.net

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