- Gilbert Ouédraogo et P. Ernest Yonli
L’éléphant qu’on disait apprivoisé dans le zoo présidentiel de
Ziniaré va-t-il se révéler un ogre ? La question mérite d’être
posée au vu du cafouillage politique en cours et qui risque de
dérouter plus d’un électeur.
A Bobo Dioulasso, à Gourcy et dans
le Yatenga, des militants du CDP émigrent vers l’ADF-RDA. Rien
moins que le maire de la seconde ville du Burkina y a déposé
ses armes et bagages, accompagné de milliers de partisans. .
Gilbert Ouédraogo devrait donc se frotter les mains.
Lorsque l’ADF-RDA, chef de file de l’opposition a décidé de
soutenir la candidature du président Compaoré, tout le monde
ou presque, a tous crié à la trahison du côté des autres partis de
l’opposition. C’était mal connaître les bénéfices que l’état-major
de Gilbert Ouédraogo en escomptait.
Au partage du gâteau, il
s’en tire avec deux strapontins ministériels. Assez maigre
comme récompense, diront certains. Mais toujours est-il que
cela fait du parti de l’éléphant, la formation politique la plus
attractive de la mouvance présidentielle aujourd’hui. Même s’il
accepte mal le terme de mouvance présidentielle . II lui faudrait
prendre le temps d’expliquer comment soutenir le programme
de Blaise Compaoré tout en continuant à se réclamer de
l’opposition. Malheureusement, c’est le temps qui manque le plus.
L’échéance des élections municipales n’est plus que d’environ
50 jours. Les arrivées de dernière minute venant du parti au
pouvoir avec son cortège de frustrés politiques, renforcent certes
les assises du parti mais peuvent par la même occasion
brouiller l’image de celui-ci auprès de l’électorat.
Cette situation est une occasion en or pour le "premier parti de
l’opposition " d’affirmer son identité propre, de s’appuyer sur la
popularité de nouveaux venus pour décrocher le maximum de
conseillers. C’est un challenge qui s’annonce difficile dans la
mesure où rien ne garantit la conviction politique des nouveaux
transfuges qui ont la possibilité de migrer à nouveau vers leur
parti d’origine ou ailleurs encore.
L’absence de toute possibilité
de candidature indépendante est sans doute déterminante dans
ces migrations massives de dernière heure. Toujours est-il que
le risque est grand de voir le parti d’accueil instrumentalisé par
des individus en quête d’une place au soleil, au mépris de toute
logique politique et en l’absence de toute réglementation sur le
nomadisme politique.
Pour réduire ce phénomène, la révision
du Code électoral au profit du scrutin uninominal pourrait
apaiser les tensions lors de la désignation des candidats.
On l’a déjà vu à l’Assemblée nationale où des députés, une fois
élus, quittent leur parti sans pour autant renoncer à leur fauteuil
acquis grâce au soutien de leur formation politique d’origine. Laurent Bado qui en a été victime avec le PAREN sait de quoi il
s’agit.
Cette absence de morale rend les partis politiques
interchangeables, parce que nés dans la plupart des cas pour
servir un seul homme, et non une idéologie. Mais en réalité, ces
partis ont très peu d’assise nationale. Ils sont plutôt des
monnaies de change aux mains d’individus pour accéder à des
postes administratifs ou politiques. Une sorte d’opportunisme
qui fait perdre à la politique toute sa noblesse.
Le choc des
idées politiques et des convictions idéologiques fait de plus en
plus place à des calculs personnels et égoïstes où tout le
monde court après des prébendes que l’on peut en tirer. Adieu
les belles théories. Le seul repère qui vaille est désormais
l’argent-roi, le dénominateur commun qui fait courir tous ces
"politiciens" vers leurs intérêts personnels et ceux de leur
famille.
Les électeurs sont donc avertis. A eux de faire le bon choix, celui
qui les arrange, eux, leur communauté et leur cité.
"Le Pays"
