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Test de vaccin contre le Covid-19 : Le Burkina n’est ni engagé ni impliqué, clarifie la présidence du Faso

4 avril 2020, 19:22, par OUBDA Bruno

Une malheureuse sortie de Jean-Paul Mira et Camille Locht, dont les propos plus que limites ont créé une polémique et motivé le courroux des Africains. Je partage ce courroux et je salue la démarche de ces personnes qui ont fait leur mea culpa et présenté leurs excuses à ceux qui se sont sentis heurtés.

Cette sortie a aussi donné, hélas, du grain à moudre à des grands professionnels de la théorie du complot qui, sous le couvert d’une Africanité, mélangent torchons et serviettes. Si la forme dans cette séquence vidéo mérite très largement d’être condamnée, il en va autrement de la forme. Et comme d’habitude, plutôt que de s’informer, ceux qui font feu de tout bois sont partis dans une croisade « anti- test de vaccin en Afrique » complètement ridicule dans le contexte actuel. Tant et si bien que des hautes autorités d’un pays que je connais bien ont publié un communiqué pour apporter un démenti à leur supposé accord donné pour participation à de tels tests.

Mais de quoi parle t-on ? Du BCG, un vaccin vieux de plus de 100 ans, qui a rendu et continue de rendre des services (c’est un avis personnel). Il est admis que ce vaccin protège des formes graves de la tuberculose. Ceux qui passent leurs vies à travailler dans l’anonymat le plus total (je parle des chercheurs) et dont la majeure partie de la population ignore même jusqu’à l’existence, on eu l’impression, depuis ces dernières décennies, que ce vaccin semblait protéger d’autres infections, notamment virales. Et dans le contexte actuel, la question d’un éventuel rôle protecteur de ce vaccin contre le COVID-19 s’impose d’elle-même. Voilà donc formulée l’hypothèse que le BCG protège, d’une manière ou d’une autre, du COVID-19. Mais une hypothèse reste une hypothèse, il faut la confirmer et prouver qu’elle est vraie ! C’est exactement ce qui s’est passé avec la Chloroquine…
On parle donc de cela, conduire des études observationnelles qui permettront de confirmer cette hypothèse, pas plus. Si elle se confirme, on peut décider, dans l’urgence, de l’utiliser sans attendre l’étape suivante (ce qui semble avoir été fait un peu partout dans le monde, pour la chloroquine). Cette étape suivante, c’est de montrer que l’hypothèse est vraie : prouver que les personnes vaccinées par le BCG s’infectent significativement moins (ou font moins de formes graves) au contact du COVID que les personnes non vaccinées.
Il ne s’agit pas de tester un nouveau vaccin, il s’agit de voir si un vaccin déjà existant et bien connu peut protéger du COVID-19. C’est de cela dont parlaient les 2 protagonistes de la vidéo. Du reste, cette étude est déjà en cours en Australie et aux Pays-Bas, va l’être en France et en Espagne.
Il ne s’agit pas d’un vaccin sorti de je ne sais où qu’on décide d’aller tester en Afrique, comme certains veulent nous faire croire.
Ne nous trompons donc pas de combat ! Et arrêtons de voir le diable partout ! La communauté scientifique s’étonne du comportement du COVID-19 en Afrique. Ce n’est ni une injure ni un manque de considération, c’est juste une observation. Plutôt que de prêter des mauvaises intentions à ceux qui le disent, nous devrions convenir de la réalité de cette observation et chercher à comprendre pourquoi, ce qui pourrait rendre service à l’humanité. L’APIVIRINE est en test au Burkina. Si ça marche et que nos chercheurs arrivent à le prouver, nul doute que le monde entier va se ruer dessus. Mais si on en reste aux médications empiriques du genre feuilles de neem et autre quinquéliba (dont je ne nie aucunement les bienfaits), on aura du mal à avoir de la visibilité aussi bien sur le plan national que sur le plan international. Nous sommes riches de beaucoup en Afrique mais cela ne nous profite pas. Donnons les moyens à nos chercheurs de faire de belles choses ! Je loue, en passant, les efforts du Dr Nadembèga à la direction de la médecine traditionnelle qui se bat depuis plusieurs années pour l’exploration et la valorisation de ces trésors cachés.
Il est facile de toujours rejeter la faute sur autrui et il est toujours difficile de faire son autocritique, de reconnaître ses faiblesses et essayer d’y remédier.
Les plus anciens d’entre nous se souviennent encore de l’Afrique des grandes endémies, maintenant éradiquées grâce à quoi ? Nous avons tous vu les ravages du VIH en Afrique : des villages entiers décimés ! Il fut un temps où l’on s’indignait que les thérapies anti rétrovirales ne soient pas accessibles Africains…
Et tout récemment, Ebola en Afrique centrale et Afrique de l’ouest, avec des taux de mortalité atteignant 90% (rien de comparable au COVID-19). De nombreux volontaires internationaux sont allés le combattre sur le terrain. Aujourd’hui, il y a un vaccin efficace contre Ebola. Est-ce un laboratoire Africain qui l’a mis au point ?
Alors, chers congénères, militons pour la bonne gouvernance en Afrique, défendons-nous contre toutes les formes de recolonisation, luttons pour une réelle indépendance mais ne dispersons pas nos forces dans une rancœur aveugle qui ne nous fera pas avancer.

Bruno OUBDA
Pédiatre Burkinabè perdu dans un territoire Français en Amérique latine.


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