Accueil > ... > Forum 1225667

Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

27 décembre 2017, 22:28, par Jean Gabriel Yaméogo

Bonjour à tous,

Je remercie le frère Ousmane DJIGUEMDE pour sa contribution de haute portée dans le cadre de la modernisation de notre administration publique. Les internautes précédents ont déjà soulevé les goulots d’étranglement à neutraliser pour y arriver, tout en indiquant la condescendance qui sera réservée à cette brillante réflexion comme déjà, tant d’autres, auparavant.

Pour ma part, je voudrais relever le fait, qu’avant même, le toilettage des textes pour assainir l’administration publique et la moderniser pour qu’elle soit efficace et efficiente, il faut des pré requis solides, stables et pérennes. Ces pré requis ne sont autres que les pendants de la BONNE GOUVERNANCE.

Quand nous jetons un regard sur l’histoire récente de la Haute-Volta devenue Burkina Faso, nous constatons que la culture de : l’impunité, la corruption, du népotisme, l’affairisme des fonctionnaires, l’incivisme, grèves "sauvages" de tous les corps et des scolaires, l’insécurité généralisée et que sais-je, est allée crescendo au fil des temps.

En effet, de 1960 à 1966, l’administration voltaïque naissante, selon nos aînés, était exemplaire. La chute du régime de Maurice YAMEOGO est due à l’incurie de certains membres du gouvernement, notamment son ministre de l’intérieur et surtout aux frasques présidentielles qu’à la mauvaise qualité de l’administration.

De 1966 à 1980, sous le règne du Général Sangoulé Lamizana, la rigueur de l’administration publique était de notoriété, impulsée par le Général Thiémoko Marc GARANGO, avec sa thérapie de Cheval, bien connue des fonctionnaires, sous la célèbre formule de la "garangose". La chute du vieux est surtout imputable aux querelles de chiffonniers des politiciens qu’à la mauvaise qualité de l’administration publique dont les fonctionnaires étaient exemplaires dans la sous-région, notamment pour leur intégrité et leur sens du devoir. C’est pourquoi, les TPR (Tribunaux Populaires de la Révolution) n’ont pas trouvé grand chose à reprocher au Général Sangoulé et sa suite. En réalité, certains révolutionnaires nés de parents très pauvres, par pure jalousie, avaient trouvé là l’occasion de régler leurs comptes à des hauts fonctionnaires de l’Etat, traités de valets de l’impérialisme, de réactionnaires, de bourgeois puis, dégagés, à tour de bras, lors des fameux et sinistres conseils de ministres qui s’apparentaient plus à l’inquisition qu’à autre chose. Je me rappelle qu’à l’heure des comptes rendus de ces conseils, tout le pays s’arrêtait de respirer, qui l’oreille collée à son transistor (radio), qui les yeux rivés à son téléviseur ; les fonctionnaires, la peur au ventre, attendaient, la terrible liste noire hebdomadaire des dégagés soit, pour propos contre-révolutionnaires, soit pour éthylisme notoire ou pour entrave à la marche radieuse de la révolution incandescente.

De 1980 à 1982 (Colonel Saye ZERBO) puis de 1982 au 15 octobre 1987 (Commandant Jean Baptiste et Thomas Isidore Marie Noël SANKARA), c’est-à-dire, sous les régimes d’exception, l’administration sans être idéale, était toujours dans la lancée de ses devancières et les fonctionnaires s’acquittaient convenablement de leurs taches, cahin-caha, sous la menace de l’épée de Damoclès et nonobstant les salaires de misère ou les "perdiems" selon le président Omar BONGO, à eux servis. Les grèves bien que inscrites toujours dans la constitution étaient sévèrement réprimées jusqu’à l’extrême ; les instituteurs en savent quelque chose avec le dégagement massif d’un millier d’entre eux, en mars 1984, pour fait de grève.

Cet accident de la révolution allait sonner le glas du système éducatif au Burkina qui n’a pas encore fini de payer le lourd tribut de cette bévue. En effet, les instituteurs dégagés furent remplacés, à pieds levés, par des instituteurs (des morpions) dits "révolutionnaires" sans aucune formation préalable et avec comme seul bagage, le BEPC, péniblement acquis. Et bonjour, les dégâts incommensurables ! Lorsque Thomas SANKARA, s’est rendu compte de cette erreur coupable, il voulait rattraper le coup en réintégrant les dégagés. Seulement, son frère et ami ne lui laissera pas le temps pour le faire.

Et, arriva la "Rectification", le 15 octobre 1987 ! De cette date au 11 juin 1991, date de la promulgation de la nouvelle constitution adoptée le 2 juin 1991 par référendum, on peut dire que tout le monde se tenait à carreaux, notamment les fonctionnaires ; ne sachant pas encore à quelle sauce, ils allaient être "mangés" au vu de la terreur ambiante dans le pays. C’est à cette époque qu’est apparue, la tristement célèbre formule : "on te fait et y a rien", d’où les crimes en série qui ont jalonné le règne cynique de la "compaorose" et qui a culminé avec l’autodafé de Sapouy et celui du juge Salif Nébié, dernier de la longue série noire des crimes restés, à ce jour, impunis et dont les tiroirs, des hommes en toge, sentent la putréfaction à mille lieues.

Puis, Blaise COMPAORE est élu le 1er décembre 1991 avec 86,4% des suffrages exprimés et un taux d’abstention record de 74,7%. Sous d’autres cieux, ce scrutin aurait été purement et simplement invalidé par l’instance habilitée, mais, on est au "Gondwana"... Là-dessus, Youssouf OUEDRAOGO dirige le premier gouvernement post-révolutionnaire de 1992 à 1994 et est succédé par Roch Marc Christian KABORE, actuel président, de 1994 à 1996.

C’est l’ère de la privatisation, alors en vogue en Afrique, sous le diktat des organismes de Bretton Woods, FMI et Banque Mondiale. C’est le bradage du patrimoine national ! Tour à tour, les Sociétés, ci-après, sont cédées dans des conditions "opaques" sans garantie de maintien des travailleurs (dont la plupart se retrouveront dans la rue du jour au lendemain, et seront, ironie du sort, victimes de certains avocats véreux qui plastronnent aujourd’hui) :

SOBCA, SIFA, SONAPHARM, SONAR, Grands Moulins du Burkina (GMB), FASOPLAST, ZAMA PUBLICITE, SOBBRA, BRAKINA, Société des Chemins de Fer du Burkina, RNTC X9, Société Burkina Shell, Société Nationale de Cinéma du Burkina (SONACIB), Société Nationale de Transit du Burkina (SNTB), SOSUCO, FASO FANI, Imprimerie Nationale du Burkina, FASO Yaar, CITEC, SOPAL, SAVANA, FASO Tours, SOCOGIB, Société Burkinabé de Manufacture du Cuir (SBMC), Société Burkinabé des Cuirs et Peaux (SBCP), ONATEL.

Dans cette liste, trois sociétés juteuses sont cédées à la "belle-mère nationale" ; il s’agit de : la SOCOGIB, la SBMC et la SBCP. Comme par hasard, il n’y avait pas d’autres potentiels repreneurs qu’elle. Mais, à l’époque, qui était assez "fou" pour soumissionner en même temps que la "belle-mère nationale" sous peine de subir les foudres du prince pour crime de lèse-majesté. Ceci donc justifie cela.

A partir de ce moment, la politisation à outrance, l’affairisme pour ne pas dire le gangstérisme économique, la corruption galopante, l’impunité, le népotisme, le clientélisme, les nominations de copains et de coquins, allaient devenir la règle "d’or" dans la fonction publique au Burkina Faso dont le nom deviendra la risée des autres ; sachant que l’intégrité était devenue l’exception dans ce pays jadis cité comme bon élève par le monde entier en la matière.

Voici les maux endémiques et épidémiques qui gangrènent aujourd’hui notre fonction publique dont il faut d’abord trouver le vaccin ou l’antidote avant de parler des normes à y appliquer pour qu’elle retrouve ses lustres d’antan et partant, endiguer les grèves perlées et l’incivisme ambiants.

Et cette antidote passe forcément par la BONNE GOUVERNANCE et UNE DEMOCRATIE bien assumées. Malheureusement les deux ans du règne de l’enfant béni du Gouzourgou ne semblent pas prendre cette direction ; bien au contraire...C’est pourquoi tous ces maux suscités ont encore de beaux jours devant eux, tout au moins jusqu’en 2020 où le peuple espère, non pas le messie, mais au moins un début de changement qualitatif pour enfin sortir de l’ornière et de la risée du reste du monde (avec la randonnée de Macron comme "cerise" sur le gâteau)

Encore un grand merci à Monsieur Ousmane DJIGUEMDE.


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés