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Réformes du système éducatif burkinabè : « Faiblesse du niveau d’instruction, et inefficacité de notre système éducatif… »

23 août 2016, 09:02, par Sidpawalemdé Sebgo

Internaute n°6, Biè : Votre lecture de la problématique de notre enseignement supérieur est bien surprenante. On se demande ou vous avez fait votre parcours scolaire. Laissez moi , sans vouloir polémiquer, vous rappeler certaines réalités du Burkina Faso.

1°) Au Burkina, la scolarité pour un élève de 6ième varie entre 12.500 FCfa et 200.000 Fcfa, selon que l’élève est dans le public ou le privé et qu’il ait l’entrée en sixième ou pas, la moyenne se situant autour de 90.000 Fcfa. La scolarité moyenne est de 20. 000 au public et 150.000 Fcfa au privé pour la classe de Terminale de l’enseignement général, et va au delà pour l’enseignement technique. En 2015, le nombre d’élèves au privé dépassait en effectif celui du public. A ces coûts de scolarité s’ajoutent les frais annexes : uniforme, transport, cantine ou repas, cahiers et autres fournitures. Sachant qu’il n’y a pratiquement plus de bourse au secondaire, ce sont les parents et les élèves eux mêmes qui supportent ces charges.

2) Pendant les premières décennies après les indépendances, le pays avait un besoin criard de cadres pour faire fonctionner l’administration, former d’autres cadres et agents d’exécution et prendre la relève. Pour cela, une politique de bourses et de subventions a été mise en place depuis le CEPE afin de permettre la réalisation de cette "masse critique" de diplômés. Dans ce contexte, ceux qui arrivaient au BAC étaient des "princes" et l’état mettait tout en œuvre pour la bonne fin de leurs études. Depuis lors, la situation a bien changé. Aujourd’hui, non seulement l’état n’a plus besoin d’autant de diplômés, mais au contraire il craint cette masse de diplômés au chômage aptes à remettre en cause l’ordre établi.

De ce qui précède, avoir un diplôme universitaire n’est plus un besoin uniquement de l’état mais surtout un objectif personnel de réussite de l’individu. La priorité est d’avoir des citoyens assez éduqués pour être productifs donc qui ont le CEPE ou le BEPC. Sachant qu’on gagne sa vie avec un BEPC ou un BAC, il apparait de plus que cet individu a de grandes ambitions et veut être dans les cadres dirigeants et l’élite. Alors comment voulez vous que cet individu, qui a accepté de payer plus de 100. 000 Fcfa pour faire la Terminale, trouve que 15.000 Fcfa ou 50.000 Fcfa de participation à l’université ne sont pas raisonnables pour faire de lui un "patron" ? Et pourquoi après avoir "grouillé" pour se déplacer aller à l’école du CP1 à la Terminale, il estime maintenant que c’est l’état qui doit absolument le déplacer sinon c’est la guerre ? Et cela dans un pays ou même le fonctionnaire, qui travaille déjà pour l’état, paye pour se former !

Sachant de plus que les pays qui nous soutiennent font contribuer les parents à la scolarité des étudiants chez eux, comment voulez vous les persuader de financer un pays pour offrir la quasi-gratuité à ses étudiants, qui viendront ensuite concurrencer leurs enfants sur le marché international du travail ? AUCUN pays développé n’a réussit à développer son enseignement supérieur sur la base de la gratuité. Dans une certaine mesure, dans le modèle Européen, une part de subvention permet une démocratisation de l’université, et un système de bourse au mérite complète le système. Dans le système Américain, la réalité des coûts est la pratique. Mais on n’a jamais vu une lourde subvention à TOUS les étudiants réussir. Rappelons que des études des années 90 chiffraient le coût annuel moyen de la scolarité d’un étudiant à plus de 200.000 Fcfa. Sur cette base et sans mise à jour, 50.000 Fcfa représentent 25% de ce coût, ce qui signifie que l’état subventionne encore à 75% les études de l’étudiant, sans compter les cités universitaires, la santé, la restauration et le transport.

Une grande partie des problèmes de notre université sont des problèmes d’argent. Les profs sont les moins bien payés de la sous région. Ce faisant ils s’expatrient ou vont dans le privé. En conséquence, un nombre limité d’enseignants doit former des milliers d’étudiants, ce qui nécessite de grands Amphithéâtres. Les laboratoires et équipements se font rare, et la formation est plus théorique que pratique. De même, la correction de ces nombreuses copies par ce nombre limité entraine des retards et/ou un travail pas toujours irréprochable. Comment comprendre alors que les étudiants, premières victimes de ces dérivent, refusent de participer un peu plus pour résorber ces problèmes, rendant l’état responsable du financement de leur réussite, qui au final est d’abord une réussite personnelle ? Surtout qu’ils ont dépensé beaucoup plus pour arriver à l’université. Voila la vraie question.

Tant que chaque acteur du système ne prend pas ses responsabilités, les problèmes ne seront jamais résolus. Un étudiant responsable et patriote devrait même avoir honte de réclamer encore plus de privilèges sachant que cela risque de priver ses petits frères d’école ou ses parents d’eau potable. Soyons donc tous responsables et partageons les charges qu’imposent les solutions durables à nos problèmes communs.


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