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Mali : Mahmoud Dicko, imam ou homme politique ?

19 mars 2021, 16:23, par Sidpawalemde Sebgo

Mon cher @kuiliga :

Le statut de l’imam Dicko au Mali me dérange autant que vous. Je suis en effet de ceux qui pensent que le phénomène djihadiste islamiste ne date pas de la chute de Kadhafi mais remonte plus loin, au moment où les imams maliens ont marché pour rejeter le nouveau code des personnes et de la famille sous ATT et obligé le gouvernement et l’assemblée à relire la loi. Je pense que cela a constitué un "appel d’air" pour les islamistes qui ont dû se dire qu’ils seraient bien accueillis dans un tel pays.

Le rôle de ces leaders religieux en politique est donc problématique. Mais la question qui se pose dans le cas de l’imam Dicko comme pour d’autres est de savoir comment on en est arrivé là ?

Selon un rituel bien huilé, nos hommes politiques font la cour aux leaders religieux et traditionnels pour se faire élire, pour faire passer leurs idées ou pour calmer le front social.
Et quand ceux ci, voyant que leurs promesses ne sont pas tenues une fois satisfaits, se montrent critiques, on veut les renvoyer à leurs "chères études" au motif qu’ils "sortent de leur rôle".

Mais mon cher, si je parle en ta faveur à mes fidèles, je suis engagé, et donc fondé de critiquer si les promesses que j’ai faites aux électeurs en ton nom ne sont pas tenues. Ce sont donc les politiques qui entrainent ces leaders sur le terrain politique et qui s’en plaignent quand ils cessent d’être de simple pions pour devenir critiques.

Dès son premier mandat, IBK a eu recours à cet imam pour se faire élire. Son soutien a été demandé par le mouvement M5, c’est aujourd’hui le cas de la transition. Et quand ils le sollicitent, personne ne semble confondre être imam avec être islamiste, confusion qui comme par hasard survient quand il critique.
Nous avons le même phénomène au Burkina, il est vrai plus avec les chef traditionnels mais aussi les leaders religieux. Au Sénégal ce sont les chefs de confréries, en RDC, l’église catholique, au Niger les émirs.

La junte au pouvoir au Mali ne fait pas exception à la règle. Notez bien que l’auteur ne demande pas à l’imam de s’occuper de sa mosquée, mais d’être un "soutien indéfectible au régime" !
Comment voulez-vous que quelqu’un soit à la fois un leader charismatique respecté, écouté dont vous avez besoin de l’appui, mais qu’il reste un subordonné "neutre" que vous pouvez faire taire ?

En bref, "impliques-toi, fais nous accepter et soutiens-nous, mais ne nous critiques pas" ! C’est trop facile de vouloir utiliser les gens pour être soutenu, mais d’agiter l’islamisme, le tribalisme, le féodalisme ou que sais-je d’autres quand on est remis en cause.

Au Burkina, personne n’aurait l’idée de vouloir interdire à Smokey, à l’imam SANA, au Moro Naba, au pasteur Moïse Napon ou à Monseigneur Anselme SANOU de s’exprimer sur la gouvernance du pays. De même, l’imam Dicko est un citoyen libre de s’exprimer, y compris en faveur de l’islam (qui est différent de l’islamisme et du terrorisme) et un acteur de fait du paysage politique du Mali.

En résumé donc, même si on demande aux chefs religieux et traditionnels de s’écarter de la politique, ou qu’on accepte qu’ils y jouent un rôle, on ne leur retirera jamais leurs droits de citoyen, dont celui de critiquer.

De grâce, arrêtons de faire de l’hypocrisie partisane !
Me suis-je mieux fait comprendre ?

P.S. : Je ne suis ni malien, ni musulman.


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