ActualitésDOSSIERS :: Guillaume Soro se veut tout à la fois « Ivoirien nouveau » et « homme intègre (...)

Au début de ce XXIè siècle, il n’était rien. Pas même ce qu’il revendiquait – parfois abusivement – avoir été. Aujourd’hui, après avoir été un « chef rebelle », ayant couvert une bande d’assassins et de prédateurs économiques appelés « comzones », il est le numéro deux de la République de Côte d’Ivoire après avoir été le premier ministre de Laurent Gbagbo et celui d’Alassane D. Ouattara. Il est surtout, une fois encore, dans le collimateur de la justice française (la justice ivoirienne étant depuis longtemps une institution fantôme). Et à la « une » des médias pour sa possible implication dans la tentative de coup d’Etat du général Gilbert Diendéré au Burkina Faso.

Guillaume Soro peut bien nous la jouer « Monsieur Propre », chemises, costumes et chaussures sur mesure, montre(s) de luxe, « souverainiste » et respectueux du droit en « homme intègre » qu’il prétend être, adepte de formules qui fleurent bon les fables françaises, il se retrouve quelque peu « l’arroseur arrosé », lui qui a passé la dernière décennie (et même un peu plus) a instrumentaliser les uns et les autres tout en étant instrumentalisé par beaucoup : Omar Bongo, Blaise Compaoré, Abdoulaye Wade…

Soro, sous la menace d’un mandat d’amener alors qu’il se trouvait à Paris à l’occasion de la COP 21, devra être « exfiltré » de la capitale par ADO qui lui enverra un jet au Bourget pour le rapatrier en Côte d’Ivoire. Nous sommes le 9 décembre 2015 au soir. « Je pars en homme libre », proclame-t-il. De justesse. « Nous l’avons voir tout à l’heure » comme le dit Soro lui-même. « Une juge française, avec une stupéfiante brutalité, a voulu m’enlever, me séquestrer et m’arracher ainsi à votre si douce affection et à celle des miens » (« celle des miens » : il faut relativiser, sa première épouse habite au Plessis-Bouchard, dans le… Val d’Oise, tandis que la deuxième Kadidia Sy est installée à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine). La clôture de la deuxième session ordinaire de l’Assemblée nationale ivoirienne, ce vendredi 18 décembre 2015, a donc été l’occasion pour son président de fustiger ceux qui en veulent à sa « personne » et à son « combat politique ».

On espérait qu’il développerait, à cette occasion, l’information qui ne cesse de faire du « buzz » sur ces échanges téléphoniques qui l’impliquent, dit-on, dans la logistique du coup d’Etat du 16-17 septembre 2015 au Burkina Faso. « Que nenni » aurait dû dire Soro qui se contentera d’un « Que de chimères ! ». « J’ai longuement évoqué le sujet avec le président de la République Son Excellence Alassane Ouattara à Paris et ici même à Abidjan. Avec lucidité et fermeté, le chef de l’Etat a tranché. Il ne me revient donc pas de faire vainement perdurer la polémique, même si j’ai été choqué au plus haut point d’être victime de l’une des pires campagnes de dénigrement et de calomnie jamais orchestrées contre ma personne et mon combat politique [« contre ma personne et mon combat politique » devient un leitmotiv dans les discours de Soro]. J’ai été blessé et meurtri. Comment ne le serai-je ? ».

Le style est magnifique. Soro ajoute : « Toutefois, toute douleur et amertume contenues, je m’aligne, en citoyen discipliné sur la volonté, l’orientation et les instructions du président de la République, garant des institutions, qui, en homme d’Etat, a décidé de traiter personnellement cette affaire avec les nouvelles autorités burkinabè élues ». Pour faire bonne mesure, il dit encore : « Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de faire la paix pour son pays ».

C’est donc au nom de « l’excellence des relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire » qui « est un impératif supérieur qui transcende nos petites personnes et nos orgueils personnels » que Soro va couper la ligne de ces « pseudo-écoutes téléphoniques ». On ne fait pas deux fois la même erreur… ! Et pour ceux qui n’auraient pas compris, Soro va expliquer que « le Burkina Faso, vous le savez tous, est un pays fort particulier pour moi. C’est le pays qui m’a accueilli aux heures les plus graves de mon existence en m’offrant l’exil. J’aime le Burkina Faso. L’honneur et la dignité du peuple burkinabè ont été aussi une des raisons de notre combat politique global, parfois au péril de nos vies, quand il fallut faire cesser l’horreur de la xénophobie qui menaçait de déstabiliser notre sous-région ».

Fermez le ban et rangez les mouchoirs. Soro, qui magnifie « l’honneur et la dignité du peuple burkinabè », oublie de rappeler qu’il avait bien plus magnifié Blaise Compaoré il n’y a pas si longtemps que cela : « monument vivant de bon sens et une réserve d’expérience politique précieuse pour nous tous ». En date du 10 janvier 2014, au lendemain du départ du CDP de Roch Kaboré, Salif Diallo, Simon Compaoré et quelques dizaines d’autres, Soro avait rédigé une « lettre-réponse à la jeunesse burkinabè ». Se revendiquant « leader syndical, combattant de la liberté et fils de la région Ouest-africaine », homme de « dignité, courage et lucidité », Soro avait donné son « humble point de vue » sur la situation politique prévalant au Burkina Faso, ne doutant pas qu’il s’adressait ainsi « à ces millions de jeunes Burkinabè qui ont le regard tourné vers mes actes et mes paroles, moi dont ils admirent massivement l’engagement depuis deux décennies pour la démocratisation intégrale et effective de la Côte d’Ivoire ». Au-delà des jeunes Burkinabè, Soro entendait alors se faire entendre, disait-il, de Roch Kaboré.

Ceci étant dit, et Soro ayant entrepris lui-même de faire reluire ses « bottes de sept lieues », dira : « Vous voyez la peine que nous nous sommes donnée pour vaincre démocratiquement puis militairement un Gbagbo qui n’avait que dix ans au pouvoir ! Imaginez la peine qu’il faudrait se donner pour vaincre un chef d’Etat légitime, qui a en plus pour lui, une redoutable maîtrise des arcanes de son pays depuis vingt-six ans. On peut, on doit faire l’économie d’une telle tragédie humaine dans votre pays ». Autrement dit : pas touche à Blaise, « urgemment utile […] inestimable et hautement exemplaire », « visionnaire politique qui tient à transmettre à la postérité un Burkina Faso alerte ». Manifestement, ce n’était pas le point de vue des jeunes Burkinabè, des leaders de la société civile et des chefs politiques de l’opposition qui, dix mois plus tard, expédieront Blaise Compaoré en… Côte d’Ivoire. Ni celui de ces « frères issus du sérail du parti présidentiel burkinabè » et qui venaient de choisir la voie de « la fronde ».

Mais puisqu’il s’agit de ne pas troubler la ligne… téléphonique entre Abidjan et Ouaga (et que la perspective d’un changement d’exécutif, et donc d’interlocuteurs, est une question de jours), Soro va trouver un autre bouc émissaire : « le fils de l’ancien président ». En l’occurrence Michel Gbagbo-Koudou. On parle peu de lui. La famille Gbagbo n’est pas un sujet de conversation à Abidjan. Michel est le fils de la française Jacqueline Chamoix, la première épouse de son père, qui vit à Lyon. Arrêté avec son père en avril 2011, il a été libéré plus de deux ans plus tard, en août 2013 ; sa femme et ses enfants sont au Ghana et il n’a guère l’occasion de les voir, lui étant interdit de quitter le territoire ivoirien tandis que sa famille ne bénéficie que très rarement de visas pour le rejoindre.

Auteur d’une thèse sur la psychopathologie de la vie sociale, spécialiste en criminologie clinique et de la prise en charge des patients psychologiquement dangereux, il est l’auteur, notamment, de « Quelle place pour les fous guéris ? » (éd. L’Harmattan, Paris, 2015) après s’être consacré à la poésie (« Confidences » en 2006 ; « Les Souillons » en 2010). Il enseigne aujourd’hui la criminologie à l’université d’Abidjan. Il n’est que le quotidien La Croix pour s’être intéressé récemment (23 novembre 2015) à Michel Gbgabo. Et c’est Laurent Larcher qui l’a rencontré dans sa maison de la Riviera Golf, à Cocody, la maison de son père, construite dans les années 1970 par des Israéliens pour les professeurs de l’université d’Abidjan. « Rien à voir avec la maison fastueuse, un brin clinquante, de […] l’actuel président Alassane Ouattara », commente Larcher. Ce qui donne le ton de son papier.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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