ActualitésDOSSIERS :: Laurent Gbagbo : La fin de l’histoire d’un mec qui pensait pouvoir niquer (...)

Ah, Dieu, que la paix est plus jolie que la guerre. Mais tellement moins intéressante. Vue de Ouaga, capitale du Burkina Faso, l’évolution actuelle de la Côte d’Ivoire ne passionne pas autant que je le pensais les Burkinabè. Même la presse, y compris privée, est un ton en dessous dans la perception de ce qui se passe du côté de la lagune Ebrié. Et de Yamoussoukro, nouveau paradis des « grottos » reconvertis en houphouëtistes historiques qui entendent s’extirper de la gangue abidjanaise, où la pauvreté a depuis trop d’années (les « années Gbagbo ») laissé la place à la misère pour que les vainqueurs puissent en supporter plus longtemps la vue.

Le conseil des ministres conjoint BF-CI, voici peu (cf. LDD Burkina Faso 0272 à 0276/Lundi 14 à vendredi 18 novembre 2011) n’a pas suscité l’enthousiasme ; juste un intérêt poli. Et le transfert à La Haye de « Laurent le magnifique » ne suscite pas plus de passion que tout le reste. Ici, à Ouaga, question « Côte d’Ivoire », on sature. Trop, c’est trop. Trop d’états d’âme. Trop de laxisme. Trop d’incertitudes… ! Certes, le timing du déferrement de Gbagbo devant la CPI peut être jugé inopportun ; mais, comme on le dit ici, tout, en ce qui concerne Gbagbo et ses séides, semblera toujours inopportun et il ne peut que se réjouir de n’avoir pas terminé comme Mouammar Kadhafi, humilié, torturé et assassiné. Ce qui n’aurait pas contrarié grand monde !

Le pragmatisme des Burkinabè est sans limite. A la veille de 2012, Gbagbo se retrouve là où Blaise Compaoré avait prédit, dès 2002, qu’il terminerait sa carrière ; aussi, pas de surprise. Pour le reste, à Ouaga, on se préoccupe surtout de voir Alassane Ouattara rameuter les bailleurs de fonds et investir dans les infrastructures afin que les activités économiques redémarrent en Côte d’Ivoire. En attendant qu’il passe la main (la prochaine présidentielle c’est, déjà, dans moins de quatre ans !) à Guillaume Soro, son actuel premier ministre, le seul homme politique « émergent » de ces vingt dernières années. Ce qui préoccupe Ouaga, c’est le partage de la « prospérité » ivoirienne après en avoir été trop longtemps exclu et… s’être beaucoup dépensé pour que cela change. Et cette préoccupation s’inscrit dans une vision de long terme dont ne peuvent pas être porteurs les actuels titulaires du pouvoir.

Alors, tournons une fois pour toute et définitivement la page Gbagbo. Qui d’ailleurs, pouvait penser que le FPI jouerait un jeu politique transparent et « réconciliatoire » ? Qui, d’ailleurs, en Côte d’Ivoire, s’intéresse au jeu des partis politiques ? Une assemblée nationale monolithique et « houphouëtiste », ce ne sera pas pire que tout ce que l’on a connu jusqu’ici. Il n’y a que la Constitution pour affirmer que le régime en place est présidentiel et parlementaire. Ceux qui sont au pouvoir s’en foutent ; ceux qui sont depuis trop longtemps dans la galère s’en foutent plus encore. Les législatives du dimanche 11 décembre 2011 ne sont qu’un événement anecdotique ; pas une échéance politique. D’ailleurs, la politique est bien morte en Côte d’Ivoire (si tant est qu’elle y ait jamais été vivante) ; les prochaines échéances seront les jacqueries de ceux qui considéreront que ce qu’ils avaient imaginé n’est pas arrivé et qu’ils sont, une fois encore, les « dindons de la farce ».

Gbagbo c’est l’histoire d’un mec qui voulait niquer tout le monde ; et il fallait être un « socialiste » français pour affirmer qu’il était un remarquable homme politique, un « opposant historique », quand il n’a jamais été qu’un formidable magouilleur sans scrupules ni états d’âme. La meilleure preuve en est qu’il n’a pas traîné à aller chercher du côté de Dieu, de Jésus et de ses anges les motivations qui lui ont rapidement fait défaut du côté de la « dialectique marxiste » dont on a voulu nous faire croire qu’il aimait à se délecter.

De quelles valeurs politiques peut bien se targuer le FPI ? En la matière, il s’est bien plus disqualifié que ne l’a jamais été le PDCI qui, pourtant, n’a jamais été un parti politique modèle. Et qui peut imaginer un seul instant que la « réconciliation » pourrait concerner des hommes qui, pendant une décennie, ont entrepris de mettre en œuvre la pire politique d’exclusion ? Et n’entendent pas faire repentance.

La situation que connaît aujourd’hui la Côte d’Ivoire est l’aboutissement d’un processus marqué par la déliquescence du politique. Déliquescence organisée par tous les acteurs qui se sont succédé au pouvoir : Houphouët-Boigny a voulu une succession-confrontation entre Bédié et Ouattara ; Bédié a voulu l’exclusion des autres, tous les autres, et y est parvenu en faisant l’unanimité contre lui ; Gueï, apprenti-sorcier, a finalement été dévoré par la bête qu’il a contribué à façonner ; Gbagbo restera comme le liquidateur de toutes les illusions politiques dont les leaders et les partis ivoiriens se voulaient les porteurs. Et le meilleur historien de cette formidable arnaque aura été… Simone Gbagbo dans son fameux « Paroles d’honneur » où elle met à nu l’inanité des modes de production politique des uns et des autres.

Alors, dépêchons-nous de balayer toutes les illusions que certains commentateurs veulent bien véhiculer sur la réalité ivoirienne. Gbagbo est « out ». Une bonne chose. Gbagbo est « out » loin de chez lui et sous une autorité judiciaire internationale indépendante : encore mieux. Le FPI est absent de la prochaine consultation électorale : franchement, qu’auraient pu faire des députés FPI dans une assemblée PDCI-RDR dont personne, par ailleurs, ne lui demandera d’être autre chose que ce qu’elle a toujours été : surtout pas démocratique ?

Pas démocratique tout cela ? Mais, convenons-en, la Côte d’Ivoire, depuis qu’elle est indépendante, n’a jamais connu la démocratie politique ; pas plus que le libéralisme économique (sauf à penser que le clientélisme en est la caractéristique majeure). Ouattara est, pour reprendre l’image d’Hamed Bakayoko, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, un président « légal » dont la « légitimité » tiendra à la satisfaction des besoins de la population. On ne saurait mieux dire. Tout le reste n’est que faribole. On peut le déplorer ; il convient pourtant de le constater. Et il y aurait beaucoup d’hypocrisie à présenter la Côte d’Ivoire comme la « vitrine » de la démocratie en Afrique. Ce n’est pas, d’ailleurs, ce qu’on lui demande.

La crédibilité de Ouattara tient bien plus à sa compétence économique qu’à son engagement politique ; et, dans ses propos, il évoque plus souvent « l’émergence » et « l’Etat de droit » que le débat démocratique. Personne ne lui en tient rigueur d’ailleurs. Ni ses partenaires internationaux, ni ses pairs régionaux, ni même la population. Illustration. Elodie Vermeil, dans Afrique Magazine (novembre 2011), citait un certain Souleymane : « Si l’argent entre, je m’en fous d’être un département français ; moi, je veux avancer. La France est notre premier partenaire historique, et Sarkozy a quand même pris sur lui de nous sortir de cette crise. Et puis il n’y a qu’à voir comment se comportent les autres : dans le cas de la coopération chinoise, par exemple, il n’y a aucun effet induit sur les populations vu qu’ils travaillent en vase clos. Les Français, eux, au moins, emploient de la main-d’œuvre locale et essaient de se mettre en conformité avec la loi ».

Ironie de l’Histoire : c’est Gbagbo, présenté comme le plus « politique » des leaders ivoiriens, qui aura été le fossoyeur de sa vie politique. Il enfonce le dernier clou dans son cercueil dès lors que le FPI prétexte sa détention pour refuser toute participation électorale. La question est de savoir si Guillaume Soro pourra être, quant à lui, l’homme qui ressuscitera le débat politique dans le pays. On le dit aujourd’hui. On le disait de Gbagbo il y a vingt ans. Vigilance !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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