ActualitésDOSSIERS :: Gbagbo s’accroche, le Burkina ricane

Les Burkinabè suivent avec passion la politique ivoirienne et leur cœur penche pour Ouattara. Ils s’amusent de la déchéance de Gbagbo et attendent son départ avec impatience.

2 décembre 2010. Entre chien et loup. Avenue Bassawarga de Ouagadougou, Burkina Faso. Un cortège de véhicules défile en klaxonnant. Assis sur le rebord des vitres, les passagers ont le buste à l’extérieur de l’habitacle. Certains agitent des drapeaux ivoiriens. Tous crient leur joie à pleins poumons : « ADO président ! ». En Côte d’Ivoire, le président de la Commission électorale indépendante, Youssouf Bakayoko, vient d’annoncer la victoire d’Alassane Dramane Ouattara à la présidentielle ivoirienne. Le cortège qui fend l’artère ouagalaise dans une ambiance de mariage ne sait pas qu’il faudra plus de quatre mois à ADO pour s’installer effectivement dans le fauteuil présidentiel. Lorsque la Cour constitutionnelle ivoirienne indiquera que Laurent Gbagbo est « son » vainqueur, aucune manifestation de joie ne traversera Ouagadougou…

Avril 2011. « Cette fois, le pouvoir, c’est pour nous », s’amuse un Burkinabè nommé Ouattara. Dans un pays où l’ethnie est plus un sujet de raillerie complice que de conflit, ce n’est qu’un trait d’esprit. Mais il reste vrai que des « Ouattara », il y en a au Faso comme de l’autre côté de la frontière. Il y en a dans le gouvernement –le ministre de la Fonction publique–, il y en a parmi les élus à l’Assemblée nationale, il y en a dans les médias, il y en a cinq pages dans l’annuaire téléphonique, il y en a, ne serait-ce que par alliance, dans de nombreuses familles burkinabè. Si l’on n’avait pas peur d’alimenter le débat sur la nationalité jugée parfois « douteuse » d’Alassane Dramane Ouattara, on dirait que la joie des Burkinabè est comparable à la fierté kenyane qui accompagna l’élection de Barack Obama. Si loin, si proche, il semble y avoir un peu de victoire burkinabè dans les succès des pro-Ouattara d’Abidjan. Sans plus. Mais tout de même.

« Gbagbo a mis la honte à tous les dirigeants africains »

La presse burkinabè s’amuse de la déchéance de Gbagbo. « Dur à cuire mais cuit quand même », ironise L’Observateur Paalga. Dans les forums Internet des quotidiens, les lecteurs condamnent presque unanimement Laurent Gbagbo. L’internaute nommé Sakandé est catégorique : « Gbagbo a mis la honte à tous les dirigeants africains. (…) Aujourd’hui, Gbagbo vient de récolter ce qu’il a semé..."La tempête". Pensez-vous réellement qu’on s’inscrit dans l’histoire par le sang des enfants, des femmes et des vieillards ? » Plus léger, un anonyme exulte : « Une page de l’histoire se tourne ! avec un faux historien qui n’aura pas su orienter le cours de l’histoire vers le développement. » Patrick renchérit dans le même registre : « Un historien qui (…) a sans doute séché beaucoup de cours durant ses études. » Pointe d’humour finale : « L’authenticité de ses diplômes reste à vérifier. »

Quand le leader des Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, est évoqué dans les « maquis » burkinabè, la nuance et l’humour quittent définitivement les commentaires. Lorsque le ministre de la Jeunesse de Gbagbo apparaît, le 5 avril, sur le petit écran, toujours aussi virulent au milieu des ruines, les insultes des téléspectateurs du Burkina fusent : « Imbéciles », « Quitte là-bas » (phrasé typiquement ivoirien qui saurait l’atteindre s’il l’entendait). En prime : quelques onomatopées intranscriptibles qui traduisent le pire dédain. Dans un bureau burkinabè où chacun donne son avis, le comptable Gabriel explique :

« Chacun de nous a perdu au moins un parent en Côte d’Ivoire. Nous soutenons Ouattara pour des raisons historiques. »

Une longue histoire commune

La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso partagent, en effet, une histoire commune. Les deux territoires étaient « Basse Côte d’Ivoire » et « Haute Côte d’Ivoire » avant la reconstitution, en 1947, de la Haute-Volta, futur Burkina Faso. Le développement fulgurant du pays d’Houphouët-Boigny attira massivement les ressortissants du voisin nordiste plus aride. Au plus fort de la fraternité ivoiro-burkinabè, le tiers de la population du Faso vivait en Côte d’Ivoire, en grande partie dans les plantations.

Alassane Ouattara serait même « redevable au Burkina », selon l’enseignant Malick. En effet, si le Burkinabè moyen se sent concerné par la crise ivoirienne, c’est que le Burkina y a été impliqué. Le pays de Blaise Compaoré a tout autant hébergé les préparatifs de la tentative de coup d’Etat de septembre 2002 qu’accueilli les négociations qui ont débouché sur l’accord inter-ivoirien de Ouagadougou en 2007.

Sur le portail lefaso.net, le dénommé Lex s’agaçait : « Les Ivoiriens de l’obédience Gbagbo sont vraiment ingrats ! Ils en viennent même à oublier que sans l’intervention de Blaise Compaoré (qu’ils qualifient de pyromane sans preuve), la paix ne serait pas là, tout comme le processus de sortie de crise qui l’a suivi. »

Les plus fervents partisans de Blaise Compaoré sont encore plus intransigeants. « Laurent Gbagbo a insulté notre Président, donc toute notre nation », s’insurge un menuisier. On rappelle à l’envi que le Président ivoirien sortant fut accueilli au Faso durant ses années de vaches maigres, lorsqu’il était le fer de lance de l’opposition au président Houphouët-Boigny. Ses menaces « d’envoyer le feu du ciel » sur ses voisins, proférées en 2002, paraissent toujours impardonnables. Tout comme ses allusions plus récentes à l’élection de Compaoré qu’il considérait, à demi mots, plus douteuse que la sienne…

Débats passionnés sur la politique ivoirienne

Malgré des rapatriements récurrents de « diaspos » –les Burkinabè nés en Côte d’Ivoire– depuis le début des années 2000, les Burkinabè ont toujours le regard tourné vers Abidjan. Bien souvent, à Ouagadougou ou à Bobo-Dioulasso, l’actualité de la Côte d’Ivoire fait de l’ombre aux informations nationales. Dans les buvettes, les joutes électorales étaient plus houleuses fin novembre que mi-novembre. Comme si les buveurs de bière burkinabè étaient plus passionnés, voire concernés, par le second tour de la présidentielle ivoirienne du 28 novembre que par la réélection –jouée d’avance, il est vrai– de Compaoré, le 21 du même mois. De même, lorsque les forces pro-Ouattara investissaient Abidjan, le 31 mars 2011, les Ouagalais semblaient oublier qu’ils étaient eux-mêmes sous couvre-feu depuis la veille…

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