ActualitésDOSSIERS :: Chez les Yaméogo de Koudougou, Hermann, tout comme papa : « Monsieur Maurice (...)

A travers l’Histoire, le fils a rejoint le père : « Monsieur Maurice » avait été manipulé par Félix Houphouët-Boigny au gré des intérêts d’Abidjan. Hermann Yaméogo, président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), quant à lui, donne l’impression d’être un pantin entre les mains de Laurent Gbagbo.

Il avait déjà joué contre son camp alors que les exactions du régime de Gbagbo à l’encontre des « porteurs de boubou » - et tout particulièrement des Burkinabè de Côte d’Ivoire - étaient avérées au lendemain de la tentative de coup d’Etat du 18-19 septembre 2002. Le lundi 3 mars 2003, à Ouagadougou, avait été publié le Rapport sur les violations des droits humains à l’encontre des Burkinabè de Côte d’Ivoire. C’était la liste des personnes tuées, des personnes disparues, des personnes violées, des personnes ayant été dépossédées de biens matériels, corporels et de sommes d’argent, victimes de pillage, de vol, de détournement, de destruction de biens, des personnes ayant été dépossédées de biens immobiliers, des personnes ayant subi des actes de torture et autres traitement inhumains et dégradants, des enfants victimes de mauvais traitements (cf. LDD Burkina Faso 025/Vendredi 23 mai 2003). Cela n’avait pas empêché Hermann Yaméogo de déclarer dans le quotidien burkinabé Le Pays (mardi 22 juin 2004) : « Je persiste et signe, [le 19 septembre] la Côte d’Ivoire [a] été agressée par des envahisseurs nourris, logés, blanchis, formés à l’extérieur notamment au Burkina Faso ».

Il vient de « remettre le couvert », longuement, dans un entretien accordé au journal burkinabè San Finna (7 février 2011) ; entretien que, bien évidemment, les médias ivoiriens reprennent en boucle. C’est une apologie de Laurent Gbagbo - « que je n’ai pas pour rien comparé à Nkrumah et à Lumumba au plus fort de la rébellion » - « un homme vissé à la tête d’un Etat, en parfaite symbiose avec une armée patriotique, un peuple mobilisé […] Un homme qui n’est pas […] arrivé accidentellement au pouvoir et qui incarne une cause dans laquelle il lui suffisait de savoir se concilier le temps pour en faire éclater la noblesse aux yeux du monde ».

Au passage, Hermann s’efforce de flinguer la France de Nicolas Sarkozy, les Nations unies de Ban Ki-moon, le Burkina de Blaise Compaoré… « Laurent Gbagbo est tout à fait dans son droit. Absolument. La communauté internationale a été embarquée dans une entreprise foireuse par des politiques qui pensaient que, de la même manière qu’ils foulent sans conséquence aux pieds les constitutions de bien des pays africains pour y réaliser des putschs électoraux et placer ceux qu’ils voulaient à la tête des Etats, ils pouvaient ensemble et de concert, en bande organisée, faire la même chose en terre éburnéenne. C’est le bide honteux ».

Que Hermann ait une vision « différenciée » de la « crise ivoiro-ivoirienne » et des solutions à apporter est tout à fait concevable. Après tout, il est un opposant à Compaoré qui a été le « facilitateur » dans ce dossier. Mais on ne peut pas dire qu’il soit nuancé dans son soutien à Gbagbo et qu’il prenne en compte tous les éléments du dossier. Le pire c’est que l’on retrouve chez le fils les frustrations ivoiriennes du père et sa propension à jouer contre son camp.

Je le dis avec d’autant plus de sérénité que, lors de la mort de son père, le 15 septembre 1993 (moins de trois mois avant celle de Houphouët-Boigny), rares ont été les journalistes occidentaux qui lui ont rendu l’hommage qu’il méritait en tant que « père de l’indépendance ». J’ai été un de ces rares journalistes. Il y avait, d’ailleurs, aux obsèques du « Vieux », le 17 septembre 1993, parmi d’autres personnalités étrangères, Alassane Ouattara, alors premier ministre de Côte d’Ivoire. Dans l’entretien que Hermann m’avait accordé au lendemain de la mort de son père, il avait déclaré notamment : « Blaise Compaoré a fortement contribué à l’éclat des obsèques du président Yaméogo. Il y a déjà quelques années qu’il exprimait à notre père de l’attention, voire de l’affection. Nous savons que pendant la période du CNR, quand notre père a été déporté à Pô, dans des conditions dramatiques et humiliantes, c’est grâce au président Compaoré qu’il a eu la vie sauve alors qu’à huis clos on délibérait sur le sort des anciens hommes politiques. Alors que certains jusqu’au-boutistes en appelaient à la solution finale comme en Ethiopie et que les « sursitaires » attendaient dans une pièce attenante, c’est Blaise Compaoré qui a eu l’idée de proposer de les amener à Pô, en attendant la décision à prendre. Il a gagné du temps et, ce faisant, il a évité le pire […] La famille, les amis de la famille, les femmes et tous les hommes de bien ne peuvent que lui être reconnaissants de ce qu’il a fait ».

Le problème avec Hermann c’est qu’il n’est pas un décideur ; c’est un suiveur. Manque de confiance en lui ? Syndrome du fils à papa élevé au palais présidentiel ? Il paraît incapable d’avoir une ligne politique claire et de s’y tenir. Adepte du louvoiement, il est tantôt un « opposant » qui se veut, aussi, un allié objectif du pouvoir (il a appartenu à tous les gouvernements de Compaoré de 1991 à 1997), tantôt un « opposant » qui entend s’opposer à tout, y compris à l’opposition (des « supplétifs », dit-il, quand lui est « l’opposition vraie ») et à son propre pays. Et, parmi les grands leaders burkinabè de l’opposition, il est le seul dans cette situation. Il est vrai que les autres sont, eux, des politiques, pas des héritiers. Et, surtout, pas des nostalgiques de la Côte d’Ivoire coloniale.

A compter de 1940, la famille Yaméogo s’était installée en Basse Côte d’Ivoire, à Abidjan d’abord, à Djibo ensuite. Ce n’est qu’en 1952 (Hermann est né le 27 août 1948), qu’elle reviendra en Haute-Volta (reconstituée dans ses limites de 1932-1933 le 4 septembre 1947). En 1957, Maurice Yaméogo, billeteur du service de santé, entrera au gouvernement d’une Haute-Volta qui a obtenu, le 23 juin 1956, l’autonomie interne. Il y est ministre de l’Economie agricole. Trois ans plus tard, il est président de la République.

« Monsieur Maurice » a pratiqué le vagabondage, d’un parti à l’autre, d’une alliance à l’autre. Et ses rapports avec la Côte d’Ivoire relevaient plus de la psychologie que de la politique. Il y avait été un kanga (esclave), comme disaient alors les Ivoiriens en parlant des Voltaïques. Et il avait mal vécu que la main de Thérèse Larbat lui ait été refusée pour cela. D’ailleurs, le 17 octobre 1965, président de la République, il se remariera avec une jeune métisse ivoirienne : Suzanne Monaco.

Fils de paysan, provincial, il était subjugué par le « médaf » qu’était Houphouët. « Monsieur Maurice » ne cessera plus, alors, de se placer dans le sillage de son prestigieux aîné. En homme lige ; dans un rapport de vassal à suzerain. Tenté de rejoindre la Fédération du Mali, il s’alignera, ensuite, sur les positions antifédéralistes de Houphouët. Il jouera la carte de la double nationalité voltaïque/ivoirienne au lendemain de son mariage avec Suzanne. Ce qui va précipiter sa chute le 3 janvier 1966 à la suite d’un soulèvement populaire. Là encore, c’est auprès du chef de l’Etat ivoirien qu’il cherchera soutien et réconfort.

Dans les « années Sankara », il se voudra médiateur entre le maître de la Côte d’Ivoire et le jeune leader révolutionnaire. Et quand, à la veille de l’arrivée à Yamoussoukro de Sankara, une bombe explosera à l’hôtel Sofitel-Président, il mettra Houphouët en garde : « J’ai dit à Houphouët de faire attention, qu’il jouait avec le feu, car notre pays est tellement mobilisé que, si jamais on touchait à un seul pilier de notre édifice national, il surgirait de partout des forces insoupçonnées pour le défendre ». C’est un message qui reste d’actualité et que Hermann pourrait transmettre, aujourd’hui, à Gbagbo.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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