Le travail de médiation des membres du panel des chefs d’Etat de l’Union africaine dans la crise poste-électorale en Côte d’Ivoire démarre déjà mal avec la marche samedi dernier des partisans du président Laurent Gbagbo pour « protester contre la présence au sein du panel » du médiateur Blaise Compaoré. Preuve, sans doute, que le panel a du pain sur la planche, surtout pour amener le président sortant à céder le pouvoir à son rival Alassane Dramane Ouattara.
Le fait même que Charles Blé Goudé et ses lieutenants aient organisé leur manifestation à la veille de l’arrivée des membres du panel à Abidjan n’est pas fortuit. Au-delà de la raison avancée pour justifier le mouvement, à savoir protester contre la présence du président Blaise Compaoré dans le panel, il s’agit de démontrer encore à l’opinion internationale que le président Gbagbo a le soutien des populations, que sa victoire au scrutin présidentiel n’est pas du tout usurpé.
Et qu’à contrario, c’est le président de la communauté internationale ou de l’ « hôtel du Golfe », Alassane Dramane Ouattara qui n’a pas une aussi grande assise nationale pour remporter la présidentielle. Pour ce faire, les manifestants du 5 février n’ont pas hésité à invoquer l’incapacité du camp adverse à mobiliser les Ivoiriens, tout en prenant soin de taire les menaces de répressions policières qui planent sur chaque appel à manifester du président Ouattara ou de son Premier ministre Soro ; en témoignent les violences lors de la marche sur la Radio télévision ivoirienne (RTI).
L’autre objectif de cette marche, c’est de mettre la pression sur le panel, voire de le disqualifier en vue de contraindre la communauté internationale à rechercher d’autres solutions à l’imbroglio politique ivoirien, pendant que le président sortant gagne du temps, élargit le cercle de ses alliés, renforce son pouvoir. Sinon, objectivement, l’opportunité d’une telle initiative de La majorité présidentielle (LMP) ivoirienne se perçoit difficilement, si tant est que c’est la paix qui est recherchée. La marche n’est pas de nature à permettre aux membres du panel à travailler dans la sérénité.
Le fait même de s’en prendre au président Compaoré est discutable. En tant que médiateur de la crise ivoirienne, sa présence au sein du panel est tolérable, sinon justifiée. Peut-être que le camp Ouattara a également des réserves sur les autres membres du panel. Mais, ils n’ont pas pour autant jugé nécessaire de prendre la rue. En pareilles circonstances, c’est toujours mieux de juger les gens sur les actes plutôt que sur des préjugés.
En cela, cette démonstration de popularité du président Gbagbo n’est rien d’autre qu’une tentative d’obstruction de la mission des émissaires de l’UA. Et sachant la détermination de la LMP à conserver vaille que vaille le pouvoir, il faut s’attendre à d’autres obstacles sur le chemin de la paix en Eburnie. Autant dire que l’on n’est pas encore sorti de l’auberge.
Grégoire B. BAZIE
Lefaso.net
Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 546