ActualitésDOSSIERS :: Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, (...)

Si vous avez, le 11 janvier 2011, détesté les déclarations de notre ministre (UMP) des Affaires étrangères et européennes, Michèle Alliot-Marie, devant les députés de l’Assemblée nationale française, proposant « le savoir-faire, reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité » au pouvoir tunisien qui réprimait déjà durement les manifestants descendus dans la rue, vous allez détester plus encore les déclarations du président (UMP) de la commission des affaires étrangères de cette même Assemblée nationale, qui, le dimanche 23 janvier 2011, lors de l’émission « Internationales TV5 Monde-RFI-Le Monde » a évoqué, sans rire, « une partition de la Côte d’Ivoire ».

« La situation étant complètement bloquée », a-t-il expliqué, c’est « une perspective qu’il ne faut plus écarter » dès lors que « toute cohabitation entre MM. Gbagbo et Ouattara et par conséquent entre les régions qu’ils représentent » serait « impossible ».

C’est incontestablement la plus ahurissante proposition jamais formulée par une personnalité politique française depuis… celle de Alliot-Marie. « La partition de la Côte d’Ivoire… ! ». C’est l’ethnicisme et le tribalisme érigé en mode de production politique, une vision ancestrale et coloniale de l’Afrique noire, la dénégation de la démocratie et l’affirmation - déjà formulée par Jacques Chirac - qu’elle n’est pas faite pour les « nègres ». Puisqu’ils ne peuvent pas régler leurs problèmes, eh bien ! qu’ils retournent chacun dans sa « chefferie ». Le plus effarant dans ces deux affaires, qui donnent une couleur « berlusconienne » à notre diplomatie, c’est que ces propos ne sont pas tenus par des imbéciles, des incompétents, des ignares, des opportunistes… Non, Alliot-Marie et Poniatowski sont des personnalités qui, au-delà de tout jugement politique partisan, « tiennent la route ».

Je rappelle que Alliot-Marie porte encore le nom de son mari (dont elle est divorcée depuis longtemps), Michel Alliot, figure majeure de l’anthropologie juridique africaine, conseiller de Léopold Sédar Senghor (après avoir enseigné à Dakar), président d’université, recteur d’académie. En 1967, il m’a assuré l’essentiel de ma formation juridique en matière africaine ; j’en garde un souvenir ébloui. Michèle Alliot-Marie n’est pas arrivée au Quai d’Orsay (avec un titre de ministre d’Etat) - par hasard. C’est l’aboutissement d’une longue carrière au sein de la droite, au gouvernement comme dans les rangs de l’UMP et du RPR dont elle a été la patronne.

Axel Poniatowski, quant à lui, est un des fils du prince Michel Poniatowski. Un baron du giscardisme. Homme politique d’envergure, écrivain prolixe, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur de 1974 à 1977. Michel Poniatowski, mort le mardi 15 janvier 2002 à 79 ans, avait radicalisé son discours politique au lendemain de l’arrivée des socialistes au pouvoir en France ; ainsi, il défendra des « arrangements électoraux » avec l’extrême-droite.

Son fils, Axel, est un héritier. Né à Rabat, au Maroc (où son père était chef de cabinet du directeur des finances), ayant une formation de manager et ayant exercé en entreprise (groupe Thalès), il va conquérir le fief électoral de son père : la mairie de l’Isle-Adam, en région parisienne, puis son mandat de député dans le Val d’Oise. Ce n’est que depuis 2002 qu’il siège au Palais Bourdon.

Axel Poniatowski, qui siègera alors à la commission Défense de l’Assemblée nationale, défendra une position atlantiste (en rupture avec la position officielle de l’Elysée) à la veille de l’invasion de l’Irak par les « Bush-Men ». Et pour comprendre sa prise de position en faveur d’une partition de la Côte d’Ivoire, c’est du côté de Paris, Washington et Bagdad qu’il faut aller.

Atlantiste certes, Poniatowski n’était pas pour autant un pro-« Bush-Men ». « M. Bush n’est malheureusement pas M. Clinton, qui aurait probablement géré cette situation différemment et plus adroitement », disait-il à l’époque. Il « redoutait » la guerre contre l’Irak mais jugeait qu’elle était « cependant, peut-être nécessaire ». Saddam Hussein était un des pires dictateurs, mais était-il « réaliste de vouloir imposer un nouvel ordre démocratique sur la planète entière ? ». Sauf « si nos intérêts [étaient] menacés directement ou indirectement », Poniatowski était « de ceux qui pensent que le statu quo dans la péninsule arabique est le meilleur garant de la protection de nos intérêts économiques et politiques » ; il considérait que « l’équilibre politique de ces Etats [du golfe] repose sur une légitimité ancestrale dont le bouleversement ouvrirait la porte au fondamentaliste religieux ». Conclusion : il nous fallait donc « être aux côtés de [nos] alliés américains comme nous l’avons toujours été, l’un pour l’autre ». En fait, Poniatowski prônait la partition de l’Irak en « trois Etats indépendants et souverains » qui regrouperaient les « Kurdes sunnites au nord, les Arabes sunnites au centre et les Arabes chiites au sud ».

Remplacez « Irak » par « Côte d’Ivoire ». Et vous comprendrez mieux ce que voulait dire Poniatowski dimanche lors de son interview. Les interventions de la France aux côtés de la « communauté internationale » (ou de ses « alliés », ce qui revient au même) ne seraient justifiées que dans une perspective de « protection de nos intérêts économiques et politiques » et de barrage au « fondamentalisme religieux ». Si on reporte sur le « dossier ivoirien », la grille de lecture qu’emploie Poniatowski pour le « dossier irakien », on comprend mieux sa démarche.

J’ajoute que sur ce dernier dossier, Poniatowski ne débarque pas. Quand au lendemain du 18-19 septembre 2002, la France va s’y embourber, il sera le seul homme politique français à apporter une réponse sans ambiguïté aux questions qui se posaient alors. Dans Le Figaro du 18 octobre 2002, un mois après les événements, il dénonçait une « politique du ni-ni, ni intervention, ni ingérence » qui conduira Paris à « assister à la dégringolade de son ex-colonie ». Il écrira alors : « Pourquoi la chute de Laurent Gbagbo est-elle inévitable ? D’abord parce que les forces loyalistes de l’armée ivoirienne sont incapables de résister aux mutins. Seuls les mercenaires ou une intervention étrangère pourraient aujourd’hui y parvenir. Ensuite à cause de l’élection tronquée de Gbagbo à la présidence de la République […] Ce dernier serait finalement bien inspiré de faire aujourd’hui ce qu’il n’a pas fait ce jour-là : se démettre et annoncer des élections libres. Faute de quoi la Côte d’Ivoire se dirige soit vers la guerre, voire vers une solution militaire, forcément provisoire ». Il ajoutait : « Je pense enfin que la libre candidature d’Alassane Ouattara à la fonction présidentielle s’impose ». Il précisait : « Ex-premier ministre, ex-directeur adjoint du FMI, il reste un des seuls véritables hommes d’Etat de l’Afrique de l’Ouest africain. Et bien que musulman du Nord et malgré les passions qu’il suscite, il a l’intelligence et le doigté politique pour réussir. Il est une des solutions possibles quand toutes les autres ont échoué ».

En 2002, Poniatowski était un député tout neuf, membre de la commission Défense. Aujourd’hui, il préside la commission des affaires étrangères. C’est dire que, tout comme Michèle Alliot-Marie, il sait le poids des mots et il les utilise à bon escient, même s’il ne livre jamais le fond de sa pensée. La partition de la Côte d’Ivoire c’est, selon lui, sauver les apparences « démocratiques » tout en sauvegardant les intérêts français et « occidentaux » dans le pays.

Reste à savoir s’il roule pour notre gouvernement ou pour Bolloré, Bouygues et les autres dont personne n’ignore leur connexion avec Laurent Gbagbo et leur hyper-puissance dans le Sud de la Côte d’Ivoire. En quelque sorte, une Côte d’Ivoire « utile » pour les intérêts (privés) français.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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