ActualitésDOSSIERS :: Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel (...)

“Alassane Dramane Ouattara est et demeure le vrai vainqueur de la présidentielle ivoirienne. Le Conseil constitutionnel a tout dit sauf le droit. Il a, en réalité, inventé le droit”. Ces propos sont de Venance Konan, écrivain et journaliste ivoirien indépendant, venu hier en fin de matinée à notre rédaction pour un entretien dans lequel il dénonce le climat de terreur qui règne en ce moment à Abidjan où lui-même aurait échappé de peu à la mort ; c’est ce qui l’a conduit à fuir son pays pour se réfugier au Burkina Faso dans l’attente du départ de Laurent Gbagbo du pouvoir.

Qu’est-ce qui vous amène à Ouaga ?

• J’ai pris un peu de distance par rapport à certaines personnes qui ne me veulent pas du bien suite à mes prises de position qui n’ont pas été de leur goût. Et comme vous le savez, Laurent Gbagbo aime faire taire ceux qui sont contre lui. C’est ainsi qu’il m’a envoyé ces tueurs à travers une unité qui s’appelle le CECOS (Ndlr : Centre de commandement et de sécurité). Heureusement ces tueurs se sont trompés de maison. J’ai alors profité pour quitter Abidjan via Bouaké avec l’aide d’amis.

Vous êtes donc en exil à Ouaga ?

• Je n’irai pas jusqu’à utiliser ce mot. C’est simplement un repli stratégique de ma part et j’espère que les choses vont se dénouer rapidement afin que je puisse rentrer chez moi. Personne ne peut accepter ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo a fait un hold-up électoral, c’est du banditisme de grand chemin. La Côte d’Ivoire a organisé une élection claire et transparente avec tous les observateurs et de nombreux journalistes. Le vainqueur s’appelle Alassane Dramane Ouattara mais Laurent Gbagbo refuse de reconnaître les résultats et veut confisquer le pouvoir.

Pourquoi avez-vous choisi la capitale burkinabè comme refuge ?

• C’est le pays le plus proche où je compte de nombreux amis. Je me sens donc chez moi.

Les autorités burkinabè sont-elles informées de votre présence ?

• Oui.

Donc, vous bénéficiez de leur soutien ?

• Pour l’instant, je ne me plains pas (rires). Qu’on se comprenne bien : je n’ai pas encore demandé l’asile mais les autorités savent que je suis à Ouaga avec mon ami Tiburce Koffi, lui aussi journaliste indépendant et écrivain, qui vit les mêmes problèmes que moi.

Pourquoi le régime Gbagbo vous en veut particulièrement alors qu’il y a d’autres journalistes ivoiriens qui tirent à boulets rouges sur lui ?

• Je ne suis pas le seul à être menacé. Beaucoup de confrères vivent cachés. Ma particularité, peut-être, c’est que ma voix porte parce que j’écris dans de grands journaux français comme Le Monde et Libération.

On dit que la loi est dure mais c’est la loi. Le Conseil constitutionnel a proclamé Laurent Gbagbo vainqueur. Pourquoi ne pas se plier à cette décision ?

• Si le Conseil constitutionnel avait dit le droit, on se serait plié. Or, ici le Conseil constitutionnel a tout dit sauf le droit. La loi dit que s’il y a des fraudes et des irrégularités qui sont de nature à entacher le résultat final, on annule tout et on organise de nouvelles élections dans 45 jours. Le Conseil constitutionnel a été le seul à voir des fraudes là où personne n’a rien vu. Tous les rapports produits par l’ONU, l’UA, la CEDEAO et même les préfets et sous-préfets nommés par Laurent Gbagbo sont clairs : il y a eu quelques incidents, comme dans toutes les élections, mais qui ne sont pas de nature à affecter le résultat final. Ces incidents ont été enregistrés dans six bureaux de vote, mais Paul Yao N’Dré (Ndlr : président du Conseil constitutionnel) a annulé des voix dans 3 000 bureaux de vote. Personne n’a contesté le fait qu’il y ait eu des incidents. Il y a eu des bagarres devant les bureaux de vote, des gens ont été molestés et des voitures ont été incendiées mais cela n’a pas influencé les urnes.

Même les militaires des Forces de défense et de sécurité (FDS) envoyés au Nord n’ont pas dit le contraire. Pourquoi c’est dans la zone fidèle à ADO qu’on annule les voix alors qu’il y a eu des incidents dans d’autres régions ? La crise ivoirienne dont on espérait trouver une issue heureuse avec cette élection est partie de l’ivoirité qui consistait à harceler les populations du Nord et on annule les voix de sept départements de cette partie de la Côte d’Ivoire qui se trouve du coup exclue du processus.

Quelle est l’ambiance en ce moment à Abidjan ?

• C’est la terreur. Laurent Gbagbo a instauré le couvre-feu à Abobo et à Anyama. La nuit, les gens se barricadent parce qu’ils ont peur des tueurs qui peuvent les surprendre.

Alassane Dramane Ouattara soutient que 63% des militaires ont voté pour lui. Pourquoi l’armée n’a jusque-là pas basculé en sa faveur ?

• L’armée a basculé mais le problème c’est qu’elle n’a pas les moyens. Laurent Gbagbo, depuis toujours, a une garde républicaine surarmée et a embauché des mercenaires libériens et angolais.

D’aucuns estiment que la CEDEAO et la Communauté internationale n’ont pas eu la même détermination lorsque les rebelles ont pris les armes contre Laurent Gbagbo ?

• Je vous fais remarquer que c’est la CEDEAO, à travers le ministre sénégalais des Affaires étrangères, qui a fait signer le cessez-le-feu. Ensuite, le Président Eyadema a conduit les négociation avant Marcoussis. Le conflit a duré en réalité trois semaines. L’usage de la force est le dernier recours. La CEDEAO a procédé à des négociations à Lomé, à Accra, à Pretoria pour enfin aboutir aux Accords de Ouaga. Si la CEDEAO devait utiliser la force, comment allait-elle procéder face à une rébellion dispersée dans une ville comme Bouaké ? On pensait que tout était réglé avec les Accords de Ouaga. Malheureusement on est en face d’un boulanger qui roule tout le monde dans la farine. C’est Laurent Gbagbo qui a voulu que cette élection soit la plus transparente possible. On s’est plié à tout ce qu’il voulait comme un enfant capricieux.

Quelle est, pour vous, la solution à cette situation d’impasse ?

• Que Laurent Gbagbo ait un peu de dignité en reconnaissant sa défaite.

Maintenant on fait quoi puisqu’il refuse de partir ?

• On continue les négociations. Raïla Odinga est à Abidjan et on espère qu’il va réussir à le convaincre car il ne gagne rien en massacrant les Ivoiriens. On espère que les différentes sanctions auront des effets mais si au bout de tout cela, il ne part pas, il faut utiliser la force. Comme l’a dit quelqu’un, mieux vaut une fin effroyable qu’un effroi sans fin. Tout le monde hésite à utiliser la force pour éviter des morts. Mais chaque jour, on tue en Côte d’Ivoire et on découvre des charniers. Le représentant spécial des Nations unies, M. Choi, a failli se faire tuer pour avoir voulu constater de visu un charnier.

Il y a de nombreuses tueries et les chiffres qu’on donne concerne les cas recensés officiellement. Dans les campagnes, on massacre des citoyens. Si la situation reste ainsi, c’en est fini pour la démocratie et les élections en Afrique.

Entretien retranscrit par Adama Ouédraogo Damiss

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