Actualités :: Meurtre d’Idrissa Ouédraogo : Le récit du Consul du Liban
Joseph Hage

"D’abord (silence). Je vous remercie vivement d’avoir répondu à notre appel (silence) pour cette conférence de presse (silence) suite aux événements malheureux et douloureux qui se sont passés la semaine dernière à Ouagadougou (silence) et qui se sont soldés par la mort de notre frère Ouédraogo Idrissa. (Silence).

Un acte crapuleux a été commis par un de nos compatriotes en l’occurrence Abbas Damen. Et qui est également un citoyen ivoirien, puisqu’il a la nationalité ivoirienne (long silence). L’assassin est marié avec une femme ivoirienne et il a un enfant de cinq mois (long silence). Il est entré au Burkina et est installé à Ouagadougou depuis le mois d’août 2007 (silence).

Cette personne n’est presque pas connue de l’ensemble de la communauté, puisqu’elle ne fait pas partie de la vraie communauté libanaise vivant au Burkina Faso depuis longtemps (long silence). Et je remercie les organes de la presse écrite et la radio de n’avoir pas profité de la situation pour mettre l’huile sur le feu. Vous avez réagi comme de vrais professionnels, de vrais patriotes. Vous savez, c’est souvent la presse qui enflamme les choses, et Dieu merci, vous avez été tous à la hauteur de votre responsabilité et du patriotisme.

Nous avons senti que personne n’a voulu profiter de la situation pour essayer de créer des mouvements contre la communauté libanaise. Et pour cela, je vous remercie du fond du cœur au nom de toute la communauté libanaise vivant au Burkina Faso (long silence). Nous n’avons pas encore le rapport définitif de la police, je ne peux pas donner des détails, mais je vais parler de quelques aspects ; si je dis que je ne vais pas entrer dans les détails, ce n’est pas pour éviter de taxer le compatriote d’assassin.

Il est assassin, ça c’est sûr. Depuis qu’il est là, ce n’est pas un patron, c’est un employé qui vient de la Côte d’Ivoire parce qu’il y travaillait. Il est venu ici à Ouaga pour gérer un magasin d’un autre Libanais qui est à Abidjan, son patron. Il a voulu ouvrir une succursale à Ouagadougou et il a envoyé cette personne pour venir gérer le magasin.

Jusqu’à maintenant nous n’avons pas eu beaucoup de renseignements sur lui à partir de notre communauté libanaise à Abidjan pour savoir depuis quand il est en Côte d’Ivoire. En principe, il a la nationalité ivoirienne, cela veut dire qu’il y a longtemps qu’il est là-bas. Est-ce qu’il a commis d’autres actes pareils, sûrement non, sinon il n’allait pas se trouver dans ce pays.

On ne sait pas, on va attendre l’investigation de notre communauté sœur à Abidjan pour connaître l’histoire de cette personne.

Ce qui s’est passé à Ouaga

Il paraît que le mercredi (NDLR : 9 janvier 2008) le sieur Abbas, le Libanais qui était d’ailleurs ami avec Idrissa, il paraît qu’ils partaient manger ensemble dans les restaurants. Est-ce qu’ils étaient des amis, ou est-ce qu’il faisait ses manœuvres pour pouvoir gagner sa confiance, sa sympathie pour exécuter ce crime crapuleux ?

Je ne sais pas ! Je crois qu’il échangeait de temps en temps des devises avec le regretté Ouédraogo, de petites sommes quoi. Et le mercredi dernier, il avait demandé à son ami, puisqu’ils étaient des amis, s’il a besoin d’échanger 50 000 dollars contre des CFA. Il paraît qu’il n’avait pas suffisamment de sous et avait sollicité ses amis de lui donner un coup de main.

Et d’après ses collègues, il était parti avec 40 000 dollars dans une valise. C’était donc le mercredi. Il est parti, la journée est finie, personne ne s’est souciée de son absence.

Le lendemain jeudi, certains compatriotes ont vu que le magasin était fermé pendant toute la journée, les collègues du regretté aussi ont senti son absence, qui n’était pas habituelle. Ils ont essayé de l’appeler sur son cellulaire, il ne répondait pas. C’était la journée du jeudi.

Le lendemain, il y a des Libanais qui s’inquiétaient, les collègues et la famille du regretté aussi. Il paraît qu’ils sont passés à la maison du Libanais et que tout était fermé, il n’y avait aucun signe de vie. Ils sont allés avertir le commissariat, la police est venue défoncer la porte, et malheureusement, ils ont vu le corps d’Idrissa par terre.

Le Libanais n’était plus là-bas. Il a pris la voiture de son patron, parce que son patron vient de temps en temps ici au Burkina. Ils ont remarqué l’absence de la voiture également. Tout de suite, le crime est parfait, on ne va pas chercher trop loin.

Immédiatement, les parents du patron l’ont appelé et l’ont informé de la situation, de l’assassinat. Il était déjà informé de l’arrivée du Libanais, puisque son chauffeur arrivé à Abidjan a appelé le patron pour lui dire "patron on est arrivé", et le patron de demander "arrivé où" ? et le chauffeur de répondre "à Abidjan", "comment et pourquoi vous êtes arrivés à Abidjan ?" Comment vous avez traversé la frontière avec ma voiture ?

Le chauffeur lui a répondu que le Libanais à la frontière a expliqué aux douaniers, à la police qu’il aurait sa fille malade à l’hôpital à Abidjan, puisque sa femme est ivoirienne, c’est pour cela que la police l’a laissé partir.

Le patron de l’assassin à Abidjan avec la communauté libanaise en ont été informés tout de suite, l’ambassadeur du Liban en Côte d’Ivoire aussi, le président de la communauté libanaise également. Ils ont avisé la police ivoirienne et immédiatement l’Interpool de Ouagadougou a envoyé un message à Abidjan pour le rechercher.

Il fallait absolument l’arrêter

Un autre message est parvenu à Beyrouth pour la recherche. On ne l’a pas trouvé à Abidjan.

Le fugitif avait déjà mis pied dans l’avion. Le temps qu’Abidjan s’en rende compte, il était parti par Air Maroc. L’avion faisant escale au Maroc, on a demandé à la police d’envoyer un mandat aussi à Casablanca. Il avait devancé tout ce qui se faisait et était donc arrivé à Beyrouth. Mais la communication avec Interpool de Ouagadougou était arrivée avant qu’il n’atterrisse et quitte l’aéroport.

Il est donc rentré au Liban. Avec nos relations au Liban et la police libanaise, on nous a confirmé qu’il est arrivé et qu’il est sorti comme tout le monde. Nous avons commencé en ce moment à utiliser nos relations pour que le Liban puisse faire la recherche. Il y a même des Libanais qui ont quitté la Côte d’Ivoire pour aller faire des recherches et donner des renseignements. Fort heureusement, on sait d’où il vient (son village, sa maison).

Mais quand l’assassin commet un tel crime il ne retourne pas toujours à la maison. On savait qu’il était arrivé, mais où ? Donc nous avons utilisé nos relations ici, moi et quelques membres de la communauté libanaise, l’ambassadeur du Liban à Abidjan et le président de la communauté libanaise et une grande partie de la communauté avons pesé de tout notre poids pour qu’on arrête l’assassin. Il fallait absolument arrêter l’assassin.

C’était la principale préoccupation pour nous que de rechercher l’assassin. Si par malheur on faisait toutes les recherches et que la police n’arrivait pas à mettre la main sur le criminel, certains de nos frères burkinabè allaient penser qu’on ne veut pas le dénoncer, pour le couvrir.

Toutes les autorités libanaises étaient au courant : le premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères. Ils ont envoyé même des correspondances aux autorités d’ici, pour présenter leurs condoléances et avaient promis de tout faire pour arrêter l’assassin.

L’Interpool a envoyé le message le vendredi après-midi et le samedi, le monsieur était arrêté au Liban (silence).

Dès hier matin (NDLR : la conférence de presse a eu lieu le mardi 15 janvier 2008) il a été déféré en prison en passant par le juge d’instruction. Au Liban la police et les autorités judiciaires l’ont arrêté sur notre intervention, parce qu’il n’y avait pas encore de mandat d’arrêt international ni un document de justice qui l’inculpe comme assassin, toutes les autorités ont pris cela au sérieux, et l’ont arrêté.

Mais elles nous ont sollicité d’envoyer rapidement le mandat d’arrêt international signé par le juge d’instruction le présentant en tant qu’assassin, et ça été envoyé hier à 13h 30 au Liban (long silence).

Suite à cet événement, nous avons marqué notre solidarité avec la famille en décidant d’observer trois jours de deuil, c’était le samedi, le dimanche et le lundi (long silence). Voilà comment s’est passée cette affaire, un crime abominable, condamné par l’ensemble de la communauté libanaise au Burkina, au Liban et en Côte d’Ivoire ainsi que les autorités au Liban. Cette affaire est tellement prise au sérieux que tout le Liban en est au courant.

Je reviens sur la situation à Ouagadougou

. Franchement (silence) nous avons cru qu’il y a certaines personnes qui allaient profiter de la situation pour venir saccager les magasins ou casser des voitures comme ça se passe en pareils cas. Mais franchement, jusqu’à ce jour, on n’a eu aucun dégât, aucun Burkinabè n’est venu insulter les Libanais ou essayer de créer un problème quelconque. Et ça, c’est d’abord grâce à la famille du regretté.

Après l’enterrement, qui a eu lieu à 23 heures, la famille a appelé tous ceux qui étaient là, tous les jeunes qui étaient un peu excités pour demander la vengeance, à rentrer chez eux, car il ne faut pas commettre un crime pour répondre à un autre ; si ça nous ramenait notre regretté, peut-être, mais ça ne nous ramène rien, ça va encore agraver la situation.

Et Dieu seul sait où on peut aller dans une situation pareille. Malgré la douleur qu’ils ont subie, et je sais ce que c’est, parce que tout un chacun a des enfants, surtout que le défunt n’avait que 28 ans, avec un bébé d’un an et demi et une femme (silence), ils ont été à la hauteur, ils ont mis la vengeance de côté (silence), ils ont mis la souffrance de côté, ils ont procédé de façon à préserver et à garder la paix, d’abord sur le territoire et surtout à ne pas offenser les Libanais et garder l’amitié, la fraternité qui ont toujours existé depuis plus d’une centaine d’années.

Nos premiers ancêtres sont venus au Burkina il y a 120 à 125 ans. Et Dieu merci, jusqu’à cet accident, en dehors des petits problèmes de démarches avec des commerçant on n’a jamais eu le moindre problème avec nos frères du Burkina ni de près ni de loin.

Nous étions l’exemple, parce que dans certains pays africains malheureusement il y a eu quelques accidents. Ici, nous sommes tous de vieilles familles libanaises qui vivent au Burkina Faso. Nous ne sommes pas nombreux. Aujourd’hui, on est à peu près 800 personnes sur tout le territoire du Burkina Faso.

Merci aux autorités

Je veux également remercier à travers vous les autorités politiques, les forces de maintien de l’ordre, le ministre de la Sécurité, remercier aussi les autorités coutumières notamment Sa Majesté le Larlé Naaba, Sa Majesté le Mogho Naaba qui étaient au courant, et qui étaient tout le temps à la disposition des deux communautés, entre la famille et la communauté libanaise pour assumer leur responsabilité qui est d’assurer la paix, l’accalmie et maintenir la paix entre les deux communautés. Je les remercie du fond du cœur.

Nous avons assumé notre responsabilité, parce qu’il fallait absolument aller présenter nos condoléances aux familles. La famille a donné son accord, mais comme elle ne maîtrisait pas la situation, il se pouvait que des personnes viennent mettre le désordre et ils nous ont conseillé de reporter cela quelques jours.

Le rendez-vous était pris pour dimanche. On nous a conseillé d’attendre. Nous avons trouvé, moi avec les conseillers de la communauté libanaise, qu’on ne peut pas, après le deuil de trois jours, travailler avant de présenter nos condoléances, ce n’est pas logique.

Le dimanche à 7h du matin, je suis allé avec un responsable de la communauté libanaise, le prêtre de notre paroisse et puis l’imam libanais pour présenter nos condoléances. Nous sommes arrivés, il n’y avait aucun mouvement.

La famille nous a reçus, avec calme. On est resté quelque temps avant que la famille ne demande à travers un représentant de Sa Majesté le Larlé Naaba, si l’imam peut prier pour la paix de l’âme du regretté. Après on a prié un quart d’heure avec le prêtre.

Maintenant l’assassin est arrêté au Liban. C’est devenu une affaire de la justice du Liban et de celle du Burkina Faso. Nous avons décidé de commettre deux avocats, un qui représente la communauté libanaise au Burkina Faso et un autre qui représente la famille du regretté. Nous irons jusqu’au bout et l’assassin doit subir le maximum de châtiment pour l’acte qu’il a commis.

La famille et quelques amis nous ont posé la question de savoir si le jugement sera bien suivi. Nous leur avons assuré que nos deux avocats vont être là-bas rien que pour cela. En plus, je vais prendre contact avec la communauté burkinabè vivant au Liban (environ 600 personnes travaillent au Liban et ont un bureau) pour que leur bureau puisse assister et accompagner les avocats pendant les audiences au parquet.

Nous avons promis de prendre en charge deux membres de la famille de la victime afin qu’ils puissent assister au délibéré du jugement au Liban.

Des informations qui nous ont été données, nous apprenons que la victime était partie chez le Libanais avec une mallette pour échanger 40 000 dollars, il paraît qu’il y a 1 ou 2 millions qu’on a trouvé sur les lieux du crime mais tachés de sang. Et nous avons pris, surtout le responsable de l’assassin, la décision de rembourser aux uns et aux autres l’argent qu’ils avaient donné au regretté pour l’échanger chez le Libanais.

Du côté du patron du Libanais, les gens se sont engagés à assumer toute leur responsabilité, et un cousin du Libanais qui est à Abidjan s’est engagé à dédommager la famille et en plus de payer 100 000 F/mois pendant 5 ans à la femme de la victime. On a annoncé une certaine somme pour indemniser la famille éplorée.

Nous avons promis de prendre des précautions pour éviter des situations moins graves que celle-là.

Nous promettons de continuer à travailler dans l’efficacité, l’égalité, la prospérité et l’intégration pour développer l’économie du Burkina Faso, qui est notre pays. Plus de 50% de Libanais ont la nationalité burkinabè. C’est vraiment malheureux, ce qui est arrivé. Je souhaite que personne ne lie cette affaire à l’existence de la communauté libanaise au Burkina Faso. C’est un acte individuel.

A la question de savoir si c’est possible qu’Abbas Damen soit extradé, le Consul du Liban, Joseph El-Hage, a dit qu’il n’y a pas une convention entre le Liban et le Burkina Faso qui autorise l’extradition de prisonniers.

"Mais nous avons sollicité les autorités libanaises et nous allons continuer à le faire ; d’après les responsables ici, il ne faut pas trop espérer. Même avec des conventions, ils refusent d’extrader leur compatriote.

Même s’il est jugé sur place, considérez qu’il est en train d’être jugé à Ouagadougou".

Agnan Kayorgo

L’Observateur

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