Actualités :: Burkina / Coutumes et traditions : Les femmes du chef dans le (...)

Dans le royaume Mossi, le roi a le droit d’épouser autant de femmes qu’il veut, selon ce que ses désirs lui commandent. On retrouve alors dans le palais royal plusieurs catégories de femmes, chacune jouant un rôle particulier comme le veut la coutume. Si le roi peut épouser le nombre de femmes qu’il souhaite, cela se fait dans le strict respect des coutumes et chaque femme, une fois devenue Napoaka (épouse du chef), doit suivre scrupuleusement les règles qui régissent le Napogré (la tradition qui encadre les femmes du roi). En fait, n’est pas femme du roi qui veut, mais qui est digne de l’être. Dans cette rubrique, nous allons tenter de décrypter la tradition dans le Moogho qui régit les épouses du roi, c’est-à-dire le Napogré en mooré.

Pour devenir Napagha (femme de chef), l’observance d’un certain nombre de rites est nécessaire. Ces rites se passent généralement chez la Pougtiéma (première épouse du chef). Pour Dim Delobsom, « On fait chauffer de l’eau, dans laquelle on met un peu de beurre de karité et d’autres ingrédients et, après avoir fait complètement raser par des vieilles femmes la tête, les aisselles et mêmes les poils pubiens de la jeune fille, la Pougtiéma ou le vieillard trempe la main dans l’eau, prononce quelques paroles cabalistiques en même temps qu’il ou qu’elle cite le nom des chefs qui se sont succédé, jusqu’au nom du père de celui qui règne. L’eau est ensuite remise aux vieilles femmes qui baignent la jeune Napagha. On lui dicte à ce moment-là les devoirs et obligations du Napogré, ce qu’elle peut faire et ce qu’il faut éviter ».

Ces rites terminés, la Napagha est habillée en kobré (sorte de robe longue), parée de bracelets et mise à la disposition du chef. Alors, le chef peut immédiatement l’épouser ou la destiner à quelqu’un d’autre au palais. Une fois que le chef déclare que la nouvelle femme lui revient, celle-ci lui doit fidélité totale. La Napagha ne doit pas connaître d’autres hommes que son mari dans la vie. Elle est tuée sans pitié si elle déroge à cette règle.

Pour se distinguer des autres femmes, la Napagha ne porte pas de chevelure. Elle porte une rangée de bracelets aux poignets et parfois aux bras. Certaines vielles femmes du roi aiment porter ces bracelets aux pieds. Tous ces ornements contribuent à élever la Napagha au rang de femme extraordinaire.

La Napagha n’est pas la propriété exclusive d’un seul roi. Elle est considérée comme une femme qui peut être léguée de roi en roi. Elle fait partie du patrimoine de succession. Toujours selon Dim Delobsom « le nouveau Naaba (chef) prend quelques vieilles femmes et des jeunes et le reste est distribué à la famille des Nabissi. C’est ainsi qu’il n’est pas extraordinaire de trouver dans la maison d’un Naaba des femmes qui ont été épousées par deux ou même trois chefs décédés. Si elles n’ont pas dépassé l’âge des plaisirs, elles peuvent donner naissance à des enfants du chef sous le toit duquel elles vivent en deuxième ou troisième noce. »

Les femmes dans le palais royal se divisent en plusieurs catégories, installées dans des localités différentes. D’abord, au niveau de « la Zagkassanga (la grande maison) se trouvent les vielles femmes du roi, celles qui n’ont plus l’âge du plaisir et sont sous le contrôle du Poutiema, propriétaire de la case où se trouve les kimsés (les mânes des ancêtres).

Ensuite, dans le Zagbilin (petite maison), se trouvent les femmes d’âge moyen, qui reçoivent toujours de temps en temps la visite de leurs époux. Enfin, il y a le lieu des Dogoudba (maison de garde) qui regroupe les femmes jeunes, très belles et pimpantes qui sont les gardiennes de la case du Naaba. Elles qui bénéficient des faveurs et des privilèges du chef et sont vêtues des plus brillantes parures et les plus beaux pagnes. Elles habitent ensemble dans une ou deux cases dans le palais.

Les femmes dans le palais ne sont pas dispensées des activités agricoles ou commerciales. Elles ne sont pas seulement des ménagères. Le chef ayant plusieurs femmes, il revient à chaque femme de travailler pour assurer les besoins complémentaires en matière de nourriture et d’habillement. Dim Delobsom précise qu’« elles sont obligées pour cela de cultiver et de vendre une partie de la récolte. Chaque Napagha a son petit champ de mil, d’arachides, de haricots et de petits pois. »

Pour terminer sur le Napogré, il faut retenir qu’il est interdit de jouer de la guitare lorsqu’une Napagha passe. Jouer de la guitare dans le Moogho est un acte de séduction, une invite à une relation intime. Cela est vu comme une aubaine pour courtiser la Napagha, ce qui est un sacrilège.

Réf : Le MORHO-NABA et sa Cour, Dim Delobsom, p398

Wendkouni Bertrand Ouédraogo
Lefaso.net

1932 – 1947 : De la suppression de la Haute Volta à sa (...)
L’organisation politique des Liéla avant et face à la (...)
Burkina / Histoire : Ouattara Aldjouma, de l’esclavage à (...)
1950-1952 : Le fétiche de San, l’histoire d’un mouvement (...)
Al Kari Demé : Du Djihad à la résistance anticoloniale
Burkina / Coutumes et traditions : Les femmes du chef (...)
La bataille de Yaooko dans la conquête du Moogo
Le Mogho Naaba s’en va à Lâ : Voici l’histoire
Karamokoba Sanogo : L’exécution d’un érudit pacificateur
Laurent Ghilat Paré : Un pionnier de l’église et de (...)
La révolte d’Alassane Moumini en 1908 : Un très grand (...)
Les TPR : Zoom sur une justice révolutionnaire
Jacqueline Ki-Zerbo : L’éducatrice, l’intellectuelle et la (...)
Burkina : Le 17 octobre 1958, le Mogho Naaba Kougri (...)
La guerre du Baní-Volta : Le colon humilié
Mogho Naaba Wobgo : L’éléphant qui n’avait pas peur des (...)

LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés