Actualités :: Le Mogho Naaba s’en va à Lâ : Voici l’histoire

Dans le Mogho, la coutume veut que le roi se lève chaque matin en prenant la direction de Lâ, à la recherche de sa bien-aimée -son pùug-nongré en mooré-, celle qui savait lui préparer ses menus préférés. Mais cette coutume, celle que l’on appelle communément le faux départ du Mogho Naaba, a une histoire. Essayons de la decripter.

Tout a commencé avec Naaba Warga, un Mogho Naaba qui avait une femme préférée dont il n’imaginait pas un jour dormir sans elle. En fait, cette femme qu’il considérait comme sa favorite avait un talent : elle savait cuisiner le plat préféré du roi. Elle comblait le roi de ce désir aristocrate. Ce désir, c’était le fruit d’un arbre que l’on appelle en mooré léla, et prunier sauvage en français. Seule cette femme savait comment apporter au roi cette nourriture succulente.

Naaba Warga s’était rendu à Yako un jour pour protéger ses sujets des Mossis pillards du Yatenga. En son absence, ses ennemis ont envahi l’Oubritenga et ont pris d’assaut la cour royale. De retour au palais, il constata que son pùug-nongré a pris la poudre d’escampette et s’est réfugiée à Lâ, son village natal qui se situe à quelques kilomètres de la capitale royale. Il va sans dire que le roi sera privé non seulement des sollicitudes de sa favorite mais aussi et surtout son menu spécial : le léla. Pendant plusieurs jours, le roi espérait le retour de son pùug-nongré en vain. Il était profondément affecté de l’absence de sa femme favorite.

L’attente devient très longue et insupportable. Alors il décida d’apprêter son cheval, prenant tout ce qui est nécessaire pour le voyage à Lâ, à la recherche de son épouse qu’il aime tant.

Chaque matin, il fait sortir un de ses chevaux et le fait amener dans la cour. Après avoir répondu aux saluts de ses ministres et de toute sa cour, réglé quelques petites affaires, il déclare qu’il veut aller à Lâ. Les autres épouses du roi, ne sont pas en en reste dans cette aventure. Elles aussi préparèrent leurs corbeilles pour suivre leur mari afin qu’il se rende à Lâ pour retrouver la fameuse épouse.

Mais les ministres du roi, ses conseillers et les notables de la cour ne peuvent laisser passer cette décision qui va créer des ennuis dans la cour. Ils le supplièrent de reporter son voyage pour le lendemain. C’est Kamsoro Naaba particulièrement qui lui adressa les supplications en ces termes « Sire, ordonnez qu’on descende votre cheval, vous partirez demain ». Le roi, un peu courroucé accepte finalement de retourner au palais au lieu de se rendre à Lâ, il remet son voyage au lendemain. Le cheval sera ensuite défait de sa selle et conduit aux écuries. Mais à chaque fois, ce sera toujours les mêmes démarches, les mêmes préparatifs pour son voyage et les mêmes supplications de ses ministres jusqu’à la mort de Naaba Warga. Après sa mort, son fils qui lui succéda emprunta son chemin. De père à fils, cette pratique est devenue une coutume. Voilà ce qui explique ce qu’on a appelle le faux départ du Mogho Naaba, une coutume quotidienne toujours présente de nos jours au palais royal.

Actuellement, la coutume ne tarde plus sur la lourdeur des préparatifs et des démarches. Le Mogho Naaba chaque matin se contente de voir le cheval que l’on promène au moment où il reçoit les salutations de ses ministres, et puis l’animal est ramené aux écuries avant que le roi ne tente de le monter ou de recevoir les supplications de Kamsoro Naaba.

Réf : LE MORHO-NABA ET SA COUR, DIMDÉLOBSOM

Wendkouni Bertrand Ouedraogo
Lefaso.net

Photo : Yamakultur.info

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