Actualités :: La bataille de Yaooko dans la conquête du Moogo

En revisitant les conquêtes coloniales, on ne peut perdre de vue une bataille qui a été décisive dans le processus de la conquête de Ouagadougou. La bataille de Yaooko a failli mettre en échec le projet du colon de conquérir le territoire Moogo. De par sa position géographique, Yaooko était une localité stratégique et à la fois complexe, non seulement pour le royaume de Waogdgo, mais aussi pour le colon. Situé à l’ouest du royaume, c’est une région qui regorge d’importantes ressources commerciales, animée particulièrement par les Yarsé qui, de plus, font figure de foi dans l’islam.

Le royaume de Moogo était un vaste territoire avec des chefs conservateurs qui faisaient tout pour maintenir l’équilibre dans la zone. Avant les conquêtes coloniales, les Mossis avaient déjà montré leur bravoure et leur détermination face aux incursions des guerriers de l’empire Songhai. Jusqu’à l’arrivée des colons, le Moogo conservait son mythe d’invincibilité et était réputé pour ses guerriers redoutables.

La ruée vers le Moogo par les colons se manifestait par la présence des Allemands, des Anglais et des Français dans la zone. Tous avaient intérêt à contrôler le Moogo pour des raisons stratégiques. Pour les Français, l’enjeu de contrôler ce territoire était de taille : relier le Soudan français et le Dahomey déjà conquis.

Malgré que les Allemands et les Anglais aient mis pieds dans la zone à travers successivement les personnages de Krause et Ferguson (celui-ci a même pu signer un traité d’amitié et de paix avec Bukari Kutu), les Français vont profiter d’une une crise de succession dans le Yaabtenga pour lancer la conquête. Il s’agit pour eux de devancer dans le Moogo les Anglais et les Allemands qui éprouvent des difficultés chez les Gurunsis et dans le nord-Togo.

C’est d’abord le capitaine Destenave qui, après avoir passé Yûma, Yaba et Lâ-toodê, fut accueilli chaleureusement par le Naaba Saaga, chef de Yaaoko. Celui-ci le déconseilla d’aller au centre du royaume, c’est-à-dire à Waogdgo parce qu’il va rencontrer une vive protestation. Effectivement, le centre avait déjà envoyé des cavaliers aux environs de Yaooko pour empêcher toute tentative armée de prendre le Moogo.

Il y avait aussi la présence à Yaooko des guerriers d’Ali Kari (un musulman extrémiste tué par le capitaine Bonascri dans sa mosquée à Boussé) qui a transformé la zone en un point important de commerce et d’échanges culturels et religieux pour les Mossis, mais également un foyer de résistance face au colon. Ces guerriers musulmans yarsé, tout en vivant paisiblement avec les Mossis dans la zone, étaient farouchement opposés à toute collaboration avec le colon. Le capitaine Destenave va payer cher les frais d’une avancée vers la zone.

En fait, il a tenté une avancée vers Yu (Nion), un village voisin de Yaooko. Là-bas, la population lui refusa de l’eau, de nourriture et toute collaboration. Destenave raconte en ces termes : « J’ai dû m’arrêter au village de Sassa au Sud-Est de Yako. Là, malgré les ordres des envoyés du Naba, il ne m’a pas été possible d’acheter le mil nécessaire à la nourriture du personnel de la mission et j’ai constaté une mauvaise volonté évidente de la part d es habitants de ce petit village. »

À Tengsoaga, il rencontra une résistance armée qui a écourté son chemin, même s’il y a aussi une pluie qui a rendu ce chemin difficile. En tout cas, il y laissa un véhicule avec une roue brisée. On raconte à Yaooko que les Français ont même dû laisser une voiture aux gens de Yaooko et qu’un sabre maintenant dans la possession du Yaook-naaba qu’on sort annuellement lors de la fête de napuusm vient de ce butin. La mission du capitaine Destenave se solda alors par un échec. Les colonels Voulet et Chanoine vont prendre le relais.

Voulet et Chanoine savaient que la conquête de Yaaoko n’allait pas être facile. Ils tirèrent des enseignements de l’échec de la mission de Destenave et renforcèrent solidement leur colonne armée. Ils ajoutèrent un médecin et deux sergents français, ensuite 23 tirailleurs sénégalais et 10 spahis, puis 180 auxiliaires fournis par le Maasina et Barn (Barani). Ils sont au total 220 combattants armés à l’européenne.
Voulet avança vers Tiu, frontière nord-est du Taabtenga. Bakare et Mamudu, les protégés des Français, ajoutèrent à la colonne de Voulet 200 cavaliers et 400 fantaisiens.

Le 26 août 1896, c’est une véritable armée de conquête qui avança sereinement vers Yaaoko en passant par Samba. Le Yaaoko Naaba Saaga ordonna la résistance et appela ses soldats à l’action. La bataille fut rude et sanglante. Voulet raconte : « Cependant, arrivés au village de Samba, dépendant de Yako, nous avons à repousser une violente attaque. Ce jour-là, notre envoyé arriv au bivouac et se rend compte que le Naba interdit formellement l’accès de ses États. Il n’y a plus à discuter. » En effet, c’est la guerre totale que Voulet déclara au Yaook-Naaba.

Le 27 août 1896, la cour de Naaba Saaga fut envahie par la colonne armée. Yaaoko est pris et le chemin vers le centre du Moogo devient facile. Mais Avant l’arrivée de la colonne, le chef de Yaaoko fit un repli tactique à Kùni, un village situé à quelques kilomètres du nord-est de Yaooko qui fait figure de lieu de sacré dans la tradition. En fait, ce repli à Kùni se justifie par la tradition selon laquelle un chef ne doit subir l’humiliation et qu’il est préférable de se cacher que de se laisser capturer par son ennemi ou se faire décapiter.

Wendkouni Bertrand Ouedraogo
Réf : cent ans histoire, p496

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