:: Migration et occupation des paysages ruraux : cas de la commune de Kourinion (…)

INTRODUCTION

Les pays de l’Afrique de l’Ouest sont sujet à une variabilité pluviométrique de plus en plus marquée qui provoque tantôt des sécheresses, tantôt des inondations, dérèglement climatique planétaire oblige. Et le régime des précipitations est sérieusement bouleversé, avec une diminution du nombre de jours de pluies et une incertitude sur le début et la fin de la saison des pluies (Kaboré et al 2019) […].

L’agriculture est lésée par de nombreuses contraintes qui sont une faible fertilité des sols, une demande de nourriture en raison de la forte croissance démographique, l’urbanisation et les variations et changements climatiques. La présente étude analyse l’évolution des paysages ruraux dans la commune rurale de Kourinion et les facteurs responsables de leur dynamique à partir de l’imagerie satellitaire et des données de terrains pour une meilleure gestion de la biodiversité.

Elle veut aussi vérifier l’hypothèse selon laquelle, les formations naturelles ont régressé au profit des formations anthropiques que sont les cultures et jachères. La télédétection est, à cet égard, un moyen efficace d’identification, de caractérisation et de suivi des changements paysagers. Elle permet de couvrir une zone donnée en peu de temps, de réduire les coûts, de décrire visuellement une situation donnée et son évolution dans le temps, mais aussi d’évaluer rétrospectivement les changements (FAO, 2012).

La zone d’étude dans l’espace géographique

L’étude a été conduite dans la commune rurale située entre les longitudes 4°38’30’’ et 4°55’00’’ Ouest et les latitudes 10°55’30’’ et 11°12’00’’. Elle couvre une superficie d’environ 62253 ha.

La commune de Kourinion est Située à environ 70 km de Bobo-Dioulasso, capitale de la région des Hauts Bassins dont elle relève et à environ 10 km de Orodara (chef-lieu de Province du Kénédougou). Plus précisément, elle se situe sur le trajet Bobo-Dioulasso-Orodara via la route nationale numéro 8 (RN 8). La commune de Kourinion est limitée par les communes de Moussodougou au sud, de Toussiana à l’Est, de Karangasso-Sambla au Nord- Est, de Djigouéra à l’Ouest et au Nord-Ouest et de Orodara au Sud-Ouest. La zone d’étude a un climat de type sud soudanien caractérisé par 2 grandes saisons : une saison humide et une saison sèche. La saison des pluies dure 6 mois environ et le mois le plus pluvieux demeure le mois d’Août.

Carte1 :Localisation du site d’étude

METHODOLOGIE

Pour répondre à ces préoccupations, nous avons mené une enquête à la fois quantitative et qualitative sur le terrain. Ce travail de terrain s’est déroulé dans six villages de la commune de Kourinion. Il a concerné l’entretien semi-structuré des exploitants agricoles autochtones et allochtones, les agents des services techniques et des observations de terrains. Au sein des villages, les producteurs ont été choisis de façon aléatoire car ils mènent presque les mêmes activités agricoles dans leur exploitation. Les enquêtes ont été effectuées sur un échantillon de 60 cela du fait que tous les producteurs cultivent presque les mêmes spéculations.

RESULTATS
1. Facteurs de dégradation des formations naturelles
 Migration et consommation en bois-énergie

Dans la zone d’étude, les mouvements migratoires se sont effectués en 2 ordres.
Les premiers ont bénéficié des terres du fait de l’hospitalité des populations autochtones. Ces derniers ont fait venir leurs proches des zones plus arides du fait de la clémence du climat. Ce sont les Mossé, les Peulhs, les Bobo, les Lobi et les Dagara.

La plupart de ces migrants sont en général originaire du Plateau Centrale, de la région du Nord et du Sahel. Afin de subvenir aux besoins immédiats, ces migrants ont développés des moyens de survie. Parmi ces moyens, nous retenons entre autres, vente du bois énergie, la cueillette des PFNL, les travaux journaliers dans les exploitations, etc. Dans commune de Kourinion, la vente du bois énergie s’est beaucoup accentuée.

Graphique 1 : Moyens de subsistances des migrants

Sources : Données terrain, TRAORE S. 2022

Photo 1 & 2 : Activités de vente du charbon et du bois
 Agriculture
Lorsque les jachères ne sont plus suffisamment longues pour permettre la reconstitution de la forêt, la culture n’est plus une intervention temporaire sur la forêt : elle modifie le couvert végétal de façon durable (Dossoumou, 2010 op.cit. Todan et al, 2017). Cet état de fait est à mettre à l’actif de l’augmentation de la population et par ricochet de l’espace cultivable. Dans la commune, l’agriculture est en partie responsable de la dégradation des ressources naturelles. La culture itinérante sur brûlis, dominée par la culture du coton et les cultures céréalières, ont provoqué la dispersion des agriculteurs dans la commune et majoritairement dans sa partie nord.

 Migration et exacerbation des conflits fonciers

L’accroissement de la population entraîne ainsi une pression foncière qui se manifeste par une surexploitation du milieu et par conséquent, une dégradation de l’environnement, mettant en péril la durabilité de l’agriculture (Abdoulaye, 2015 op.cit. Todan et al, 2017).

Les potentialités physiques de la zone ont contribué à développer un brassage culturel et savoir-faire des populations, stimulant de fait ainsi une bonne cohésion sociale. La saturation foncière est de nos jours exacerbée par les mouvements migratoires et la santé financière des produits fruitiers engendrent de plus de plus des conflits fonciers. Les données récoltées sur le terrain et la revue documentaire appuient cet état de fait. Le contrôle de l’espace et des ressources naturelles opposent couramment des individus, des quartiers ou parfois des villages ; les uns, à la recherche de terres fertiles et les autres, motivés par l’abondance des pâturages. Plusieurs sources de conflits ont été identifiées. La colonisation des terres arbres fruitiers (Anacarde) par de exploitants non propriétaires (53,7%) occupe une place importante dans la Commune

L’élevage transhumant, difficile cohabitation entre agriculteurs et éleveurs
L’occupation des espaces ruraux impulsée par l’arborisation artificielle du milieu naturel et la coton culture se fait le plus souvent sans tenir compte du besoin des zones de pâtures ou de couloirs d’accès à l’eau pour les animaux. Or, la stratégie de gestion et d’exploitation de la ressource animale dans la commune comme partout ailleurs repose beaucoup sur la mobilité des troupeaux dans le temps et dans l’espace.

Photo : Troupeau de bœufs er dans un verger d’anacard

Photo : Fumiers épandus dans un champ, fruit .
1. Évolution de l’occupation des terres entre 2000 et 2020

La commune de Kourinion est située dans le domaine climatique sud soudanien qui présente des atouts pour l’agriculture, avec notamment une saison des pluies bien marquée qui permet une diversité de cultures pluviales et arboricoles. A cela, s’ajoute le niveau de fertilité assez favorable des sols qui entraine par la suite l’afflux massif des étrangers à la recherche de terres. Les actions anthropiques ont une forte influence sur les formations naturelles. Ce qui n’est pas sans impact sur l’organisation du terroir de la commune.

 Mutations d’utilisations des terres entre 2000 et 2020

L’analyse du tableau croisé des états d’occupation de 2000 et 2020 révèle que sur les huit (08) unités d’occupation du sol identifiées dans la zone d’étude, trois (03) ont connu une progression importante. Il s’agit entre autres des cultures pluviales (22%), les vergers (41%) et les zones d’habitat qui ont progressées de 30% de 2000 à 2020. Contrairement à ces formations, d’autres ont connu une baisse au cours du temps. Ce sont les forêts galeries avec un taux de régression de 6% ; les savanes arbustives et herbeuses (20%) et les sols nus qui ont régressé de 246% entre 2000 et 2020. Cette évolution régressive de la superficie des savanes est liée au fait qu’une part de l’unité soit convertie en champs, formations ripicoles, plan d’eau, vergers et en zone nue. Cette dynamique n’est pas sans effet sur la biodiversité, confère la carte n° 2 ci- dessous.

CONCLUSION

Dans le processus de d’occupations terres, les populations transforment leur espace jadis presqu’inoccupé en zone fortement saturée. La formation du front pionnier est à mettre à l’actif de la migration. Si la recherche des meilleures conditions de vies, des terres arables et des contraintes climatiques sont les vraies raisons des vagues de migration ; elle s’est encore exacerbée du fait de la situation sécuritaire.

Les populations sont à la recherche de zones plus paisibles. L’analyse des données d’occupation terres dans la commune a montré des progressions entre 2000 et 2020. Les vergers (plantations arboricoles) ont évolué de 41% c’est-à-dire de 3927,95 ha à 6647,31ha de même que les cultures pluviales qui occupaient 17771,85 ha sont passées à 22654,25 ha. Les d’habitations ont également évolué de 30%. Cependant, le couvert végétal a régressé de 20% pour la savane arbustive et de 6% pour la forêt galerie.

Dr COMPAORE Jérôme
Maître de Recherche CNRST/ INERA, TRAORE Souleymane, Laboratoire LDES /UJKZ

Ouagadougou
jcompaore2003@yahoo.fr

BIBLIOGRAPHIE

1. COMPAORÉ J. (2017) « Effets de la communication dans le processus de prévention de l’inondation au Burkina Faso : Cas du Canal de Zogona au secteur n°22 de la ville de Ouagadougou » INERA/CNRST, Burkina Faso.

2. FAO (2012) : Situation des forêts du monde 2012. Édit. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, 52 p. + carte.

3. SANOGO F. (2008) : Migrations et dynamique d’occupation des terres a Dissanga dans la province du Kénédougou ; Mémoire de Maîtrise de Géographie, ESLSH, UO, 93 p.

4. TODAN A. et al (2017) : Pression Agro-foncière Et Mutations Agraires Sur Le Plateau Adja Au Sud-Ouest Du Benin, Doi : 10.19044/Esj. 2017.v13n8p177 URL :http://dx.doi.org/10.19044/esj.2017.v13n8p177.

5. TRAORE S. (2021) : Dynamique d’occupation des paysages ruraux : arboriculture fruitière et culture du coton dans la commune rurale de Kourinion, Province du Kénédougou, Mémoire de Master, Université Joseph KI-ZERBO, 111 p.
8.Jérôme COMPAORE, TRAORE Souleymane, Corentin Y.S. SOME, MIGRATION ET OCCUPATION DES PAYSAGES RURAUX : CAS DE LA COMMUNE DE KOURINION A L’OUEST DU BURKINA FASO, pp.

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