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Burkina : Quand les pouvoirs peinent à assurer la pérennité des institutions et initiatives nationales !

jeudi 11 avril 2024.

 

Les pouvoirs, au Burkina, ont ceci de commun qu’ils peinent à déposer une brique sur une brique. On s’approprie l’existant (meilleur des cas), on dénigre ou le fait disparaître carrément, pour parfois, reprendre la même chose ou même faire moins. Le rouleau compresseur suit son cours. Ainsi donc..., vive la dynamique avec le MPSR II, tant pis pour le pays, ses ressources et le legs en matière d’esprit de gouvernance !

A bas la Caisse des dépôts et consignations ! version MPP, vive la Caisse de dépôt et d’investissement version MPSR. A bas la CAMEG !, vive la CAMEG ! A bas le CES ! (Conseil économique et social) et le Médiateur du Faso, ... en gestation, le Conseil national des communautés

Des initiatives nationales subissent le même sort. A titre illustratifs, en fin avril 2022, au quartier Patte d’oie de Ouagadougou, sous le MPSR I, le Premier ministre Albert Ouédraogo lançait l’opération « Mana-mana : mon acte patriotique pour ma ville ». Elle est enterrée avec le ‘’réaménagement’’ ayant conduit à l’avènement du MPSR II. En fin mars 2024, l’actuel Premier ministre, par une circulaire, instaure ce qu’il est convenu d’appeler “les journées nationales d’engagement patriotique et de participation citoyenne”. Cette dernière initiative consiste, explique l’autorité, à organiser chaque année, en deux phases, sur une période de quinze jours chacune, (dont la première à compter du 26 mars)la promotion des valeurs de civisme, de tolérance, de patriotisme, de courage, de respect et de solidarité.

A côté, on a une initiative similaire, lancée il y a deux décennies :la Semaine nationale de la citoyenneté (SENAC). La 20è édition s’est tenue du 23 au 27 octobre 2023. La SENAC “se veut aussi un cadre d’information, de sensibilisation, de plaidoyer et d’interpellation de l’ensemble des acteurs nationaux à différents niveaux sur l’importance de la prise en compte des valeurs de civisme et de citoyenneté. Et ce, dans tous les secteurs de construction de la vie nationale. Elle offre l’occasion à chaque burkinabè de marquer un arrêt pour exprimer de façon symbolique sa citoyenneté et son attachement à sa patrie”.

Bien plus, dans le cadre de la 20è SENAC, à Kaya, le Premier ministre Apollinaire Kyelem de Tambèla lançait une autre initiative, qu’il a dénommée ‘’Opération ville propre’’. « Cette journée sera marquée par des opérations de balayage, de nettoyage et d’assainissement de lieux insalubres au sein des structures publiques et privés d’utilité publique, notamment les institutions et départements ministériels, les collectivités territoriales, les organisations de la société civile, les organisations non-gouvernementales, les sociétés d’Etat, les entreprises privées », a justifié le chef du gouvernement, qui a souligné que l’initiative “entend susciter l’engagement citoyen au service du vivre-ensemble et du développement national”.

Toujours de ces initiatives, en abandon ou en léthargie, le Centre national d’appels (CNA), présenté aux populations en avril 2023. Ses missions étaient, entre autres, de recevoir et traiter tout appel téléphonique ayant pour objet la dénonciation des faits ou d’actes entrant dans le cadre du terrorisme, de la criminalité organisée et de la bonne gouvernance ; renseigner les citoyens sur les mécanismes de contribution ou de participation citoyenne à la lutte contre le terrorisme. Les populations ont été invitées à se l’approprier. Après quelques points mensuels faits à travers des conférences de presse, l’initiative, dont la pertinence a été à l’époque relevée, ne s’est plus signalée.

L’on est plutôt passé, et sans pipé mot sur l’existant, à autre chose, avec cette note du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité, fin février 24 février 2024, qui invite les populations à alerter les Forces de défense et de sécurité (FDS) sur tout comportement suspect.

Ce qui pose également, soit dit en passant, un véritable problème de lisibilité. Pour ne pas dire que les populations se perdent dans ces initiatives tous azimuts qu’on décrète, les unes ressemblant aux autres, sans se donner les moyens et le temps de travailler à leur appropriation.
Tout se passe comme si les pouvoirs et dirigeants se préoccupent plus de leurs propres image et renommée, que de l’intérêt réel du Burkina Faso.

L’histoire apprend que le Front populaire s’est comporté ainsi avec la Révolution à laquelle il a succédé. Le pouvoir MPP en a fait pareil avec le pouvoir du CDP (né des cendres du Front populaire) et le MPSR est aussi en passe d’être digne héritier en la matière et dans bien d’autres actes qui ont été combattus par les Burkinabè.

C’est dire qu’il est difficile d’énumérer, au fil des pouvoirs/dirigeants, les institutions qui ont été abandonnées, dissoutes, sabotées/snobées, au gré des humeurs.
Si les dissolutions, parfois suivies de leurs remplacements, ne sont toujours pas mauvaises en soi, tout comme l’abandon d’une initiative en faveur d’ autres, de tels actes ne doivent cependant pas être une règle, un principe de gouvernance.

Et même dans ces cas de figure, les Burkinabè méritent d’avoir des explications conséquentes, surtout lorsque pour une initiative nationale, leurs ressources ou leur concours de diverses natures ont été sollicités. Expliquer pour dire pourquoi l’on veut passer à autre chose, plutôt que celle initialement prévue : quelles ont été les insuffisances constatées, à quel niveau et ... surtout quelles sont les leçons à tirer et les dispositions à prendre pour non seulement éviter les inconséquences, mais également pour mieux avancer...

Tout ne doit pas se passer comme si les ratés pour le pays sont des actes normaux, à la limite, banals. En cultivant un tel esprit, il sera difficile de capitaliser les acquis et expériences au profit du pays et pour le bonheur de tous. Car, ce serait comme tenter une construction sans jonctions.

N’a-t-on pas applaudi le président américain Barack Obama, en juillet 2009, lorsqu’il a déclaré que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes » ?
Mais, quels attitude et état d’esprit pour parvenir à asseoir des institutions fortes ? Là pourrait surtout être le principal défi à relever, tant cela comporte beaucoup d’implications, surtout un dépassement de soi.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net



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