Actualités :: Obsèques du pape Jean Paul II : Le Burkina y était

C’est à une cérémonie sobre, comme il le voulait lui-même, qu’ont assisté ceux qui ont accompagné Jean-Paul II à sa dernière demeure en ce vendredi 8 avril.

Sans revenir sur cette cérémonie suivie en direct par plusieurs millions de personnes dans le monde, on peut noter qu’elle pouvait s’assimiler aussi bien à une rencontre au sommet des religions ou des Etats car on a rarement vu dans l’histoire, une telle concentration au mètre carré de dignitaires religieux ou de têtes couronnées ou « élues ».

L’Afrique n’était pas en reste avec une dizaine de chefs d’Etat dont les présidents Obasanjo, Bouteflika, Kufuor, Mugabe, Kabila, Obiang NGuéma, Biya, etc.

La délégation burkinabè était conduite par la ministre Monique Ilboudo, chargée de la Promotion des droits humains, accompagnée de l’ambassadeur Filippe Savadogo, accrédité par ailleurs entre autres, auprès du Saint Siège. A la fin de la cérémonie, nous avons recueilli leurs sentiments, ainsi que ceux de S.E.M. Mamadou Sissoko, accrédité auprès de la République italienne*.

Monique Ilboudo, ministre de la Promotion des droits humains, chef de la délégation du Burkina Faso ?

M. Ilboudo et l’ambassadeur Henri Lopès du Congo

Je crois que la mort du pape Jean-Paul II a ému tout le monde, parce que déjà sa souffrance, du fait que le monde soit si médiatisé, a été pratiquement vécue en direct. On souffrait avec lui, de le voir continuer jusqu’au bout, de vouloir se battre, de vouloir assurer son ministère. Cela nous a émus, moi, comme tout le monde. Et ça va au-delà des religions.

La cérémonie des obsèques en elle-même a été une très belle cérémonie et j’ai été frappée par l’organisation de l’Etat italien qui a pu accueillir tout ce monde quand on sait que Rome compte en général 3 millions d’habitants et que cette population a pratiquement doublé et qu’il a fallu organiser cela en quelques jours. Tout s’est bien passé dans le calme et c’est formidable. C’est sûr que tous les fidèles n’ont pas pu accéder à la Place Saint-Pierre pour suivre ces obsèques mais c’était évident, pour des questions pratiques.

Il signaler aussi que ce cérémonial paraissait si bien millimétré que c’est impressionnant et cela nous rappelle que c’est l’organisation religieuse qui a prêté certaines de ses pratiques et de ses cérémonials aux Etats modernes.

Tout cela est très émouvant et j’ai été vraiment chanceuse et honorée de représenter le Burkina à ces obsèques et de les vivre en direct. Quand j’ai vu comment le cercueil est transporté, quand on a l’a mis à l’oblique pour que le pape dise une dernière fois au revoir aux gens, c’était des moments très pathétiques.

Sur le pape lui-même, c’est peut-être des choses déjà entendues que je vais dire mais je le pense aussi. Car c’est un homme qui a effectivement beaucoup travaillé à l’ouverture de la religion catholique vers les autres religions. Il a voulu montrer aux chrétiens, aux catholiques que la religion catholique ne doit pas être fermée sur elle-même et que Dieu est bon pour tout le monde et que la pratique de la religion ne doit pas éloigner des autres être humains. La tolérance, c’est un mot qui m’est cher personnellement, même en dehors de la religion et de voir qu’il a, lui, lutté toute sa vie pour l’ouverture aux autres, cela m’a beaucoup impressionnée.

Voilà ce que je dirais sur lui. Mais on pourrait citer les autres qualités car c’est vrai que c’était un homme exceptionnel à l’écoute de sa biographie. On sait comment il a vécu, comment il s’est battu, comment il a souffert depuis son jeune âge, jusqu’à sa mort. Ce que je retiens aussi, c’est une de ses phrases récentes quand, vu son état de santé, certains s’impatientaient de le voir démissionner, il a dit qu’il offrait sa souffrance au monde, avec tous ceux qui, à travers le monde, souffrent avec lui. C’est ce courage, cette générosité qui sont exceptionnels et qu’il faut admirer. Voilà ce que je ressens même si ce n’est pas simple de parler après une telle cérémonie qui a été grandiose.

S.E.M. Filippe Savadogo, ambassadeur du Burkina auprès du Vatican

S.E.M. F. Savadogo (G), C. Paré et l’ambassadeur du Mali, S.E.M. Sokona

Après avoir vécu cette cérémonie, c’est un sentiment de satisfaction, et de leçon que nous tirons dans la mesure où depuis la disparition du Saint Père, nous avons vu une mobilisation jamais inégalée de fidèles, surtout de la jeunesse. La jeunesse était mobilisée encore aujourd’hui lors de ces obsèques et elle a redit toute sa sympathie pour ce grand homme d’Eglise qui a marqué son temps. C’est aussi des leçons de la vie que nous tirons dans la mesure où le Saint Père avait des projections de la vie et des visions très proches des hommes.

C’est ainsi que l’on peut dire que la première leçon, c’est d’abord l’acception de son prochain, la capacité de transcender les obstacles et les difficultés lorsque l’on veut atteindre des objectifs et c’est aussi de comprendre que les religions, en les prenant pour ce qu’elles sont, devraient contribuer à mieux rapprocher les hommes et à mieux sédimenter les êtres humains.

Aujourd’hui, nous avons vu, au-delà des pays de croyance catholique, une forte mobilisation du monde arabe musulman, du monde protestant, etc. C’est une grande leçon car il a fait le consensus autour de lui, par sa vision simple de la vie, par sa vision que l’Homme doit être au milieu de toute préoccupation.

En tant qu’ambassadeur auprès du Saint-Siège, c’est un sentiment de tristesse que j’ai eue après sa disparition car c’est un grand apôtre, un grand meneur de l’Eglise catholique qui disparaissait, après avoir marqué son époque. Quand il accédait au trône, j’avais moins de 25 ans et c’est vous dire qu’il a marqué une période de la vie de chacun d’entre nous et aussi une période de la vie de l’Eglise du Burkina. Parce que le pape est venu deux fois au Burkina, en 1980, dès le début de son pontificat et en 1990 où il a lancé l’appel de Ouagadougou qui a donné lieu à la création de la fondation qui porte son nom pour venir en aide aux plus pauvres dans les pays du Sahel.

Pour nous, la disparition du pape marque également la disparition d’un homme qui était près de l’Afrique, près de l’Eglise où elle était, près des plus pauvres. Pour moi, c’est un grand ami de l’Afrique que nous perdons, un défenseur des causes de l’Afrique, une personne qui, culturellement était près de nous.

Quant à l’état des relations entre le Burkina et le Vatican, je peux dire qu’elles sont excellentes. Dans la mesure où nous avons toujours eu des relations assez suivies entre les deux pays et une oreille toujours attentive quant aux grandes questions de développement comme les difficultés de développement de nos pays et enfin, durant son pontificat, il est non seulement venu deux fois au Burkina mais le président Compaoré, chaque fois qu’il est venu à Rome, a eu une audience avec lui.

Pour moi, ce qui est à souligner, c’est cette qualité des relations et aussi la qualité de l’Eglise du Burkina. Depuis quelques années, il y a une dynamique dans notre Eglise qui est insufflée effectivement par les fidèles mais également par le Saint-Siège. J’en veux pour preuve que nous avons de nouveaux diocèses dont le dernier est Dori depuis quelques mois seulement et cela est un élément fondamental.

Nous avons aussi entendu qu’il était possible que nous ayions une représentation du Saint-Siège à Ouagadougou à travers une nonciature et nous nourrissons donc l’espoir que cela va se faire. En tous les cas, nos relations sont excellentes.

Mamadou Sissoko, ambassadeur du Burkina auprès de la République italienne

S.E.M. Mamadou Sissoko

Je dois dire que nous avons assisté à des obsèques exceptionnelles ; exceptionnelles à plusieurs titres. D’abord, parce que l’on a vu pour la première fois des chefs d’Etat de pays que la géopolitique présentait comme étant dans des situations conflictuelles qui se sont retrouvés côte à côte : on avait ainsi à quelques chaises près les présidents américain et iranien, etc. Des obsèques exceptionnelles qui ont regroupé 44 chefs d’Etat, sans compter les différents chefs de délégations de rang de Premier ministre ou de ministre.

Exceptionnelles aussi en ceci que de mémoire de romain, pour ne pas dire de mémoire tout simplement de l’homme, on a rarement vu tant de monde pour célébrer des obsèques. Tout cela révèle l’immensité de la personnalité du Saint Père Jean-Paul II qui nous a quittés. Voilà un peu les sentiments qui m’animent.

J’ai été très heureux de constater que l’Afrique a été grandement présente à l’occasion de ces obsèques. En ce qui concerne le Burkina, le président du Faso a immédiatement dépêché, dès communication de la disparition du Saint Père, le ministre des Affaires étrangères, le ministre d’Etat Youssouf Ouédraogo qui est venu et que j’ai eu l’honneur de conduire aux autorités vaticanes chargés de l’intérim où les condoléances du peuple burkinabè, du président du Faso et du gouvernement, ont été présentées. Par la suite le cardinal qui nous a fait l’honneur de nous recevoir a dépêché un évêque pour nous conduire afin que nous puissions nous incliner devant la dépouille du Saint Père qui était encore dans les chambres du palais apostolique avant qu’elle ne descende dans la basilique.

Je suis très heureux que des délégations africaines soient venues en grand nombre, (celle du Burkina comme vous le savez, est conduite par madame le ministre Monique Ilboudo), plusieurs chefs d’Etat ont fait le déplacement, tout cela pour rendre hommage à la personnalité « africaine » de Jean Paul II qui a témoigné de beaucoup de compréhension pour l’Afrique. Pour ce qui concerne le Burkina, vous savez que la Fondation qui a été mise en place est très active et pourrait bénéficier bientôt, me semble-t-il, d’une allocation supplémentaire au regard des activités qui sont menées.

Propos recueillis par Cyriaque PARE



Jean-Paul II, pape-star des jeunes

Vingt ans après, j’ai la chance de fouler de nouveau le sol de Rome, la ville éternelle, dit-on. Comme par un clin d’œil de la providence, j’ai le privilège d’accompagner Jean-Paul II à sa dernière demeure, dans la délégation du Burkina Faso à cette grandiose cérémonie.

Vingt ans plus tôt, en fin mars 1985, nous étions une trentaine de jeunes du Burkina, conviés au Vatican par le même Jean-Paul II pour assister à une rencontre internationale des jeunes ; ce qui allait devenir deux ans plus tard les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) qui rassemblent tous les deux ans des millions de jeunes du monde entier dans une ville différente. Un événement qu’il a créé, lit-on, dans la brève note biographique qui a été placée dans son cercueil, « par amour pour les jeunes ».

Je me souviens encore de cette chaleur et de cette douceur dans la voix et dans le geste quand Jean-Paul II est venu saluer la délégation burkinabè sur le parvis de la place Saint-Pierre. « Ah le Burkina Faso ! » s’était-il exclamé avant que nous l’entourions pour le toucher, attirés par ce magnétisme que décrivent beaucoup de ceux qui l’ont approché.

Je me rappelle aussi le sourire au coin, mi-surpris, mi-amusé, quand, profitant du brouhaha des effusions, j’ai voulu lui arracher un cheveu en souvenir.

A défaut de ce saint trophée papal, je suis reparti de Rome, avec la conviction nourrie sans doute par la juvénile naïveté de mes 18 ans, et certainement comme beaucoup de ces jeunes qu’il avait invités, que d’avoir touché le pape nous garantissait une assurance tous risques pour le paradis.

C’était cela aussi, Jean-Paul II : un aimant et un repère, le symbole d’une foi libérée, assumée au quotidien, pour les jeunes qu’il a placés au centre de son pontificat. Ils auront appris avec lui qu’on peut être jeune, croyant et fier de l’être dans un monde de rationalité parfois débridée. Et sans être ringard. Car ringard, conservateur, c’est l’anathème que l’on a souvent voulu jeter sur lui, au nom d’une conception très discutable, voire erronée du progrès et de la modernité ; en réponse à ses discours, sa position inflexible sur les questions morales. Comme si, en tant que gardien du temple, il devait cesser de défendre la règle pour l’exception.

C’était même parfois amusant de constater que ce sont ceux qui, au nom d’une laïcité sans concession, voulaient renvoyer la religion dans l’obscurantisme et récusaient l’autorité du pape dans la gestion des affaires temporelles, qui étaient les mêmes à trouver qu’il ne s’engageait pas assez sur certaines questions. Car les récriminations les plus sévères sont venues non pas de ceux qui avaient à suivre les principes qu’il défendait mais bien de gens qui n’y étaient aucunement soumis.

Mais pour des millions de jeunes à travers le monde, Jean-Paul II était loin d’être ringard, même s’ils n’arrivaient pas à respecter à la lettre ses enseignements. Rares de leaders d’opinion, d’hommes politiques ou de stars cathodiques, peuvent se prévaloir du charisme (loin de l’éphémère) et de tels fans. Plus qu’un guide spirituel, il aura certainement aussi été un grand ami, un pote pour les jeunes qui ont découvert en lui une star, loin de celles, souvent factices, que les médias fabriquent en quantité industrielle.

C’est sans surprise que lors de son enterrement, le cardinal Ratzinger qui officiait, a salué « de façon exceptionnelle les jeunes que Jean-Paul II aimait définir comme l’avenir et l’espérance de l’Eglise » et qui se sont mobilisés encore pour l’occasion. Et l’un de ses derniers messages sur son lit de mourant a encore été pour eux : « Je vous ai cherchés. Maintenant vous êtes venus à moi. Et je vous remercie », leur avait-il fait passer le vendredi 1er avril, veille de sa mort quand il a su qu’ils s’étaient amassés par milliers sous ses fenêtres scandant son prénom « Giovanni Paolo », comme pour accompagner un pote dans cette épreuve ultime qu’il traversait. Et c’est sans surprise encore qu’ils étaient les plus tonitruants à réclamer ce vendredi 8 avril qu’il soit fait saint tout de suite !

C. Paré

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