Actualités :: MANIFESTATIONS DE MILITAIRES A OUAGADOUGOU : La rançon de l’impunité

Au Burkina Faso, les nerfs sont à fleur de peau. A la descente musclée de militaires à Ouagadougou ont suivi les sautes d’humeur et la désertion des commerçants excédés par les actes de vandalisme posés par les premiers. Pendant que les autorités examinent le dossier, juges, greffiers et avocats ont décidé de "la cessation immédiate de toutes les activités juridictionnelles dans toutes les juridictions, et ce, sur toute l’étendue du territoire national jusqu’à nouvel ordre". Ils entendent protester ainsi contre la libération des militaires que le verdict avait incriminés et exigent leur transfert à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) et non à celle du camp, etc… Plutôt que de chercher à se rendre justice, les soldats auraient dû faire appel et attendre la suite.

L’opinion attend des autorités qu’elles condamnent fermement ces comportements anti-citoyens. Elles doivent le faire promptement, comme elles ont su le faire lors de manifestations de civils, d’élèves, d’étudiants et de travailleurs. Le Burkina est un Etat de droit en construction, et, civils ou militaires, les citoyens doivent être traités de manière égale devant la loi et dans le respect de la Constitution. Reste à savoir si les événements actuels ne constituent pas la face cachée de l’iceberg. Il faut examiner ces manifestations de colère avec plus de sérieux car les faits semblent traduire un malaise. D’où vient-il en effet que comme dans un rituel bien planifié, des hommes en uniforme en viennent à jouer aux vandales pour exprimer leurs frustrations ?

Leur aurait-on garanti l’impunité jusqu’à ce point ? Sur quelles bases recrute-t-on donc les hommes en uniforme : clientélisme, favoritisme, népotisme ? Que leur insuffle-t-on en matière de patriotisme, de droits humains et de comportements citoyens ? Qui sont leurs modèles ? Quelles punitions et quelles récompenses sanctionnent leurs actes ? Sans vouloir généraliser, force est de reconnaître que certains types de comportements trahissent tout de même un encadrement qui laisse à désirer.

Ces incidents illustrent autant l’effritement de l’autorité de l’Etat, qu’une désagrégation des rapports entre civils et militaires au Burkina Faso. Jamais, depuis l’avènement des militaires à la tête de l’Etat en 1966, on a vécu un climat aussi malsain. Ce malaise confirme jusqu’à quel point l’impunité règne en maître, en dépit des mises en garde répétées de la société civile et de la presse. L’impunité a atteint un tel degré de saturation au Burkina au point que jour après jour, on semble s’acheminer vers l’anarchie. Ce pays se caractérise par un certain laisser-aller et un interventionnisme intempestif, lequel permet de couvrir toutes sortes d’indélicatesses.

Du fait de la corruption galopante, de la prépondérance des réseaux d’influence, il est devenu pratiquement impossible à l’Etat de s’assumer. Les textes étant sans cesse bafoués, la médiocratie a pris le dessus sur la méritocratie. La sphère publique semble désormais le champ de quelques privilégiés qui se partagent les richesses nationales sur la base de textes produits à dessein. A-t-on encore conscience qu’un pays existe et que des citoyens se sentent floués ?

Le Burkina connaît des dérives graves. Il lui faut un vrai dialogue suivi de la restauration du droit républicain assortie du respect de la séparation des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Cela suppose l’existence d’institutions solides gérées par des gens responsables et suffisamment patriotes pour ne pas capituler devant la politique politicienne, l’argent et les pressions de toutes sortes. A présent, qui va payer la facture des actes de vandalisme ? Le contribuable ? Il se trouverait alors doublement lésé. La Grande Muette ? Ce serait du pareil au même !

Devrait-on dédommager tous ceux qui, par le passé, ont subi de pareils désagréments ? Une chose est sûre cependant : tout revirement sur ce dossier entamerait gravement la crédibilité de l’Etat et de ses démembrements. Par ces temps de crises socio-politiques (manifestations d’élèves, d’étudiants et d’enseignants, coalition contre la vie chère, etc.), il va sans dire que les magistrats auront à cœur de chercher à se réhabiliter aux yeux de l’opinion, eux qui sont toujours pointés du doigt pour lenteur, complaisance ou partialité dans le traitement des dossiers. Les hommes en tenue doivent se conformer à la rigueur de la loi. Faut-il d’ailleurs le rappeler : on perd la noblesse d’une cause lorsque la manière de la défendre frise l’indiscipline. Mais doit-on continuer à ignorer ce qui se passe dans l’armée nationale au risque de voir quelques brebis égarées jouer la vendetta à chaque occasion ?

Maintes fois, nous l’avons souligné dans ces colonnes : le pays baigne dans un certain malaise et plutôt que d’adopter la politique de l’autruche, l’on gagnerait à se parler au plus vite pour crever l’abcès. Car cela peut servir de prétexte à l’irréparable, tant les frustrations sont grandes et à divers niveaux. Aux hommes de tenue de mettre un terme à cette mauvaise habitude qui consiste à jouer aux "Terminators", à "casser du civil" à tout bout-de-champ !

"Le Pays"

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