À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, commémorée le 3 mai de chaque année, le Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) a organisé un panel ce vendredi 3 mai 2024 avec des professionnels des médias et plusieurs autres invités.
« Quel rôle pour le journaliste en période de guerre ? » C’est sous ce thème que trois praticiens du domaine de l’information ont livré leurs analyses.
« Le journalisme bon et crédible ne peut faire dans la propagande »
Premier à intervenir, le journaliste Atiana Serge Oulon, directeur de publication du journal L’Événement, a beaucoup plus insisté sur les règles du métier de journaliste. Il est important pour le journaliste d’avoir l’éthique pour boussole, a-t-il rappelé.
Cela revient à donner l’information de façon responsable, peu importe les accusations dont les journalistes peuvent faire objet. « Rechercher la vérité ne fait pas du journaliste un apatride », a-t-il affirmé.
Il demeure convaincu que « le journalisme bon et crédible ne peut faire dans la propagande ». Et d’ajouter : « Notre rôle de journaliste, c’est d’offrir des articles de qualité ».
Même si certains contextes rendent cette fonction difficile, le directeur de publication de L’Événement a rappelé que « les journalistes ne doivent pas subir mais maintenir la tête haute ».
Pour Atiana Serge Oulon, « la meilleure protection pour un journaliste, c’est d’être professionnel ». C’est pourquoi, « quand on produit un travail, il faut être à mesure de le défendre, peu importe le lieu », a-t-il notifié.
Éviter la manipulation et la désinformation
Le deuxième paneliste est le Dr Dimitri Régis Balima, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication. D’emblée, il a fait observer que les périodes de conflits sont des moments où les journalistes sont très productifs, car il y a une forte demande d’informations.
« Ce qu’on attend du journaliste en cette période, c’est d’être un témoin objectif. Il doit rester le plus neutre que possible. Ce qui doit caractériser le journaliste, c’est sa neutralité », a-t-il affirmé.
En tant qu’acteur dans la société, le journaliste est appelé à s’adapter au contexte en vigueur mais « sans se conformer », a indiqué l’enseignant-chercheur. Pour lui, il est bien que le journaliste sache et assume son rôle. « Le journaliste doit se souvenir qu’il est la conscience morale de la société. Il doit contraindre les autorités à la transparence. Il est en droit de dénoncer tout en ayant des preuves », a-t-il affirmé.
Et d’ajouter : « Le journaliste doit garder jalousement son indépendance, car il doit éviter la manipulation et la désinformation. « Il ne doit pas oublier que sa notoriété est engagée ».
Cependant, il a reconnu qu’il est difficile pour le journaliste d’exercer pleinement son rôle dans une période marquée par des restrictions. « La liberté d’expression ne veut pas dire d’exprimer tout ce qui nous passe par la tête », a-t-il indiqué.
Le troisième paneliste Dr Cyriaque Paré, chercheur au CNRST et fondateur du journal Lefaso.net, a donné une communication sur l’impact des TIC (technologies de l’information et de la communication) sur le journalisme dans une situation de guerre, notamment avec les réseaux sociaux, les drones, le journalisme embarqué.
Il a fait rappelé le changement de paradigme que connait le monde de l’information et et de la communication avec les phénomènes de désintermédiation (le fait de se passer des médias pour communiquer) et l’infomédiarisation (passer par les médias sociaux pour véhiculer l’information). Ces deux concepts bouleversent le champ de l’information et de la communication et complexifient le travail des journalistes. Autre conséquence du bouleversement du champ de la communication, les fake news, infox, canulars, deep fakes, désinformation, malinformation, mésinformation, etc. qui sont autant de termes qui caractérisent le phénomène de manipulation de l’information rendu possible par l’explosion des TIC, a-t-il mentionné.
En ce qui concerne le rôle du journaliste en période guerre, Dr Cyriaque Paré a insisté sur la liberté. « Même en contexte de guerre, il y a une certaine liberté dont le journaliste a besoin pour exercer son rôle », a-t-il affirmé.
Il a rappelé à l’assistance le rôle du journaliste dans la société. « Le journaliste a pour rôle de defendre l’intérêt public, l’intérêt général ; qui ne se confond pas toujours avec l’intérêt des gouvernants du moment », a-t-il déclaré. Pour ce faire, il a invité les publics et les premiers responsables à chercher à comprendre le fonctionnement des médias dans leur rôle de vigie dans la société. Après une quinzaine d’années en tant que communicant dans plusieurs institutions, il a retenu que la plupart des responsables font recours aux professionnels de la communication non pour leur expertise mais pour simplement légitimer leurs actions.
Dr Paré a enfin regretté ce qu’il a qualifié de "journalisme téléphoné" qui contraint les rédactions à exploiter les communiqués de presse des institutions ou des vidéos tournées par les services de communication des armées, les tenant ainsi à l’écart des lieux de déroulement des activités.
Ce panel a été modéré par le journaliste Boukari Ouoba, membre de l’Association des journalistes du Burkina (AJB).
Cryspin Laoundiki
Lefaso.net
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