Actualités :: Hommage Pierre Claver Damiba : Un homme d’Etat passionné du développement (...)

A travers les lignes ci-dessous, l’institut FREE Afrik rend hommage à Pierre Claver Damiba, ancien ministre, décédé le 1er mai 2024 à l’âge de 87 ans. L’homme, qui a aussi été le premier président de la Banque Ouest africaine de développement (BOAD) est en lien avec l’Institut depuis ses débuts.

FREE Afrik se doit de rendre hommage à Pierre Claver Damiba, qui est en lien avec l’Institut depuis ses débuts. Bien évidemment, des voix plus autorisées, des personnes qui ont mieux connu l’homme, son parcours et sa contribution à son pays et à l’Afrique témoigneront, nous l’espérons, plus amplement. Pour notre part, cet hommage est un devoir.

Passionné d’économie et plus largement du développement, Pierre Claver Damiba (PCD) a gardé, jusqu’à son grand âge, une curiosité insatiable sur ces questions et une passion vive pour l’essor de son pays et de l’Afrique. Très tôt, à 28 ans, il a eu l’occasion de se coltiner les politiques de développement en qualité de ministre du plan et des travaux publics, après la première insurrection de janvier 1966. PCD a été l’un des artisans des premiers plans de développement du pays notamment le plan quadriennal 1967-1970. Il a participé, pendant plus de six ans, à l’œuvre de redressement financier et économique sous le Président Lamizana, avec à la commande le puissant argentier national, Tiemoko Marc Garango, alors ministre des finances et du commerce.

A travers lui et Tiemoko Marc Garango, il faut rendre hommage à des hommes d’Etat qui ont su défendre la dignité de la Haute-Volta, en assumant une gestion rigoureuse et responsable de nos finances publiques et en entreprenant de développer le tissu économique national. L’économiste Pascal Zagré a appelé cette rigueur dans les finances publiques « l’auto-ajustement à la voltaïque ». Une bonne histoire économique du Burkina Faso établirait du reste un parallèle entre cette période et la rigueur et le sens de la responsabilité des années Sankara, dont ils ont été, pour ainsi dire, précurseurs. Dans l’histoire des finances publiques du Burkina Faso, depuis l’indépendance à nos jours, jamais nous n’avons retrouvé un sens si élevé de l’intérêt public, une rigueur et une responsabilité autant assumées dans la gestion des finances de l’Etat. Durant ces deux périodes, l’Etat était conscient de la modestie des moyens du pays et alignait son train de vie en conséquence, dans la rigueur et l’exemplarité.

Grand adepte et expert de la prospective, PCD était un homme de vision. Il m’a montré en 2022, chez lui à la maison, des croquis et modèles de véhicules à trois roues, dessinés par ses soins à la fin des années 1960, qu’il pensait plus adaptés à nos besoins et réalités et qu’il espérait faire construire en partenariat avec des pays avancés. J’avais été frappé par La ressemblance saisissante avec les tricycles qui pullulent dans nos villes et campagnes.

De même, il m’a raconté l’histoire de la construction du siège de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), dont il a été le premier Président (1976-1981). Il a en effet commandé des esquisses de plans inspirées de l’architecture africaine des tata (architecture de fortification de cités et villages d’Afrique de l’Ouest, ou tata somba dans les régions du nord Bénin et du Togo) qui ont constitué le fonds du dossier du concours d’architecture du siège de l’institution financière sous-régionale. Le lecteur avisé sait voir la parenté entre ce bâtiment du quartier d’affaires à Lomé et cette architecture traditionnelle. Par-là, il montrait le chemin, peu emprunté hélas, de l’ancrage à l’histoire, de la ré-invention de notre patrimoine architectural pour bâtir la modernité africaine.

Cette vision pour l’architecture est la marque d’un homme de culture, féru d’histoire, amoureux des livres et amateur d’arts. Je peux témoigner avoir vu des œuvres exceptionnelles dans sa collection, jusque dans ses appartements personnels qu’il m’a fait l’honneur de me faire visiter. De même, les nombreux visiteurs à son domicile pouvaient admirer la grande sculpture des pièces de bois emboitées du maitre Paul Ayi qui trône au milieu de sa cour.

PCD avait la passion à fleur de peau, prête à être ravivée à chaque fois qu’il parlait de technologie, d’architecture financière, d’écosystème des PME, d’industrialisation, de partenariat avec les multinationales, d’émergence économique, de théorie de la croissance, d’éducation, de voyages, etc.

Amoureux des échanges d’idées, conférencier généreux et pédagogue efficace, il était très ouvert et prompte au débat. Les plus jeunes l’ont découvert à travers ses récentes conférences. Si certaines de ses positions étaient discutables, monsieur Damiba était un débatteur ouvert et à l’écoute.

Il est dommage qu’il ait peu parlé de son riche parcours personnel : homme d’Etat ; ministre ; député ; économiste ; banquier ; fonctionnaire international (SFI, PNUD) ; putatif candidat à l’élection présidentielle au début des années 1990 ; administrateur de sociétés, consultant ; etc. Mais on peut se consoler car il a laissé un texte d’un volume impressionnant : plus de 1000 pages ! Il m’en a présenté une mouture il y a plusieurs années. Je sais également qu’un éditeur était commis. Courage à lui pour la fastidieuse tâche d’édition d’un texte d’érudit.

L’Institut FREE Afrik est honoré des collaborations avec lui et de l’intérêt qu’il avait pour ses travaux. FREE Afrik perd un soutien et une source d’encouragement.
Personnellement, nos stimulantes discussions, naviguant de la théorie à la pratique du développement, me manqueront beaucoup. Mon intérêt pour l’histoire économique de notre pays souffrira de son absence. Je lui suis reconnaissant pour sa sollicitude, sa grande disponibilité et son attention.

De passage à Paris, en novembre et décembre 2023, je n’ai pas réussi à aller lui souhaiter une meilleure santé à l’hôpital. Je garde en conséquence un souvenir ému de notre dernière rencontre qui remonte à un dîner à son domicile, avec son épouse, il y a plus d’un an déjà. Je suis particulièrement heureux qu’à cette occasion nous ayons accordé nos vues sur l’histoire politique récente de notre pays.

Repos éternel au grand serviteur du Burkina Faso et de l’Afrique. Condoléances et solidarité avec son épouse ainsi que toute sa famille.

Pour l’Institut FREE Afrik
Ra-Sablga Seydou OUÉDRAOGO

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