Actualités :: MANIFESTATIONS DE MILITAIRES A OUAGA : Tritesse et désolation chez les (...)

Dans la nuit du 22 au 23 mars 2011, les habitants de la capitale ont vécu des moments d’angoisse, nés de manifestations de militaires mécontents. Un mécontentement dû à une décision judiciaire qui n’aurait pas rencontré l’assentiment des hommes de tenue.

Il y a de la "fumée dans la capitale du Burkina Faso". Au sens propre comme au figuré, Ouagadougou a frémi dans la nuit du 22 au 23 mars 2011. Des militaires ont voulu montrer leur opposition à une décision judiciaire. Un riverain de la grande voie explique : "J’ai commencé à entendre les coups de feu aux environs de 21h, je ne comprenais rien et j’ai constaté que cela s’accentuait au fur et à mesure. Aux environs de 23h, des militaires sont venus dans notre cour. Ils ont crié, insulté nos mères et nous ont ordonné de rentrer chez nous." Des tirs à balles réelles en l’air sur des portes de magasins et de stations services, c’était la recette servie aux commerçants au cours de cette nuit trouble jusqu’au petit matin.


Un constat désastreux

Dans leur furie, les militaires n’ont pas épargné les vitres du bâtiment de la Maison de l’avocat, située à l’intérieur du Palais de justice. A la ZACA, un vendeur de portables a vu toutes ses marchandises emportées : portables, accessoires, somme d’argent liquide et bien d’autres choses. On y trouvait des bouteilles de vins vidées. Les stations Shell et Petrofa situées sur l’avenue de la Nation ont vu, l’une sa boutique vidée et l’autre ses pompes saccagées. C’est un spectacle désolant qui est donné à Ouagadougou, devenue une ville fantôme. "J’ai un gardien, quand les militaires sont venus, ils lui ont dit de rester calme s’il tenait à sa vie", a affirmé Alassane Kaboré. Lui a vu sa boutique de vente de téléphones portables et accessoires partir en fumée. Il estime avoir subi ce sort car il disposait d’une caméra de surveillance dans sa boutique. Même scénario à la rue de la Culture : intimidation des vigiles et pillages. Abdoul Rasmané Sawadogo, vendeur de téléphones portables devant la Chambre de commerce, est amer. Il estime la perte de ses biens à près de 5 millions de F CFA, une somme emportée par les militaires en colère. A la rue de la Culture, un vendeur d’habits avait la tête entre les mains. Sa boutique a été vidée. Son gardien lui a confié que les militaires lui ont intimé l’ordre de disparaître en silence. Selon le gardien, ils sont venus avec des sacs. Il estime que cette action était préméditée. Il a fini par se confier à Dieu. "Nous ne pouvons rien face à eux mais Dieu, lui, peut tout."


"Le pays est chaud"

"Mon vieux m’a appelé vers 23h 30 pour m’annoncer que des voleurs sont à ma boutique. A mon arrivée au niveau du camp Paspanga où j’ai vu des gendarmes, je leur ai demandé de venir m’aider car il y avait un cambriolage dans ma boutique. Ils m’ont répondu en disant que "le pays est chaud". Là, je voulais rebrousser chemin quand mon vieux m’a rappelé pour insister. Finalement, je suis arrivé à minuit 45 minutes et j’ai trouvé soixante militaires dont certains étaient "cagoulés". Quand j’ai voulu m’approcher, ils ont rafalé à mes pieds. J’ai répliqué avec mon arme et je me suis caché pendant deux heures de temps. Après leur départ, je suis venu trouver qu’ils ont cassé tout mon magasin et ont tout emporté : téléphones portables, postes téléviseurs, ordinateurs portables", a raconté Sayouba Zidwemba, PDG de Will Telecom.

Il ajoutera qu’il devait partir ce matin (ndlr : 23 mars 2011) à Dubaï et avait dans son coffre-fort 70 000 dollars, 15 000 euros et 8 140 000 F CFA. Le PDG de Will Telecom dit avoir été victime du saccage de ses huit boutiques de téléphones portables. Au moment où nous quittions son bureau situé à Zabr-Daaga, un huissier faisait l’état des lieux. Les boutiques situées entre le monument du 2-Octobre et le rond-point de la Bataille du rail n’ont pas été épargnées. Ainsi, on pouvait voir des impacts de balles sur des ouvertures et des portes de magasins défoncées. Cette avenue a, du reste, connu une ambiance particulière. Les commerçants, excédés, ont érigé des barricades.

"Vous et nous ne pouvons pas être des adversaires"

Madi Kiemdé dit contenir sa colère quand il s’adresse aux militaires : "Vous et nous ne pouvons pas être des adversaires". Pour lui, il comprend que les militaires aient des différends avec les autorités, mais que ces différends affectent leur commerce, il n’y comprend plus rien. "Si nous, nous décidons de répliquer, il y aura forcément des dégâts", poursuit-il. Il a conclu en disant que de tels agissements sont dus à la mauvaise gouvernance. Il souhaite à propos que les autorités "dirigent le pays avec justice, vérité et pardon." Les quartiers Gounghin et Pissy ont été les points chauds de ce mouvement des militaires qui s’est transporté au fur et à mesure vers le centre-ville. Là, ce sont des boutiques et les boutiques des stations d’essence qui ont été particulièrement visés.

Dans le quartier Patte-d’oie, toujours les mêmes cibles : boutiques et stations services. "Ils ont commencé vers trois heures du matin. Mais nous avons constaté qu’ils avaient des civils parmi eux et deux ont été arrêtés et amenés par la gendarmerie", a affirmé Mahamadi Nana, gérant de la station Shell du rond-point de la Patte-d’oie. "Des bouteilles de gaz ont été emportées et il n’y a plus rien dans le magasin", a conclu Mahamadi Nana. Des autorités ont fait le tour dans quelques points de vente ayant subi les actes de vandalisme. Dans la deuxième boutique de Will Telecom, le ministre Jérôme Bougouma est passé constater les dégâts. Il aurait promis aux commerçants des dédommagements. De telles propositions semblent ne pas convaincre les commerçants victimes qui disent n’avoir pas oublié les précédentes promesses faites par le gouvernement lors d’événements du genre, a affirmé le gérant de la station Petrofa de Ouaga 2000. Pour lui, il est important que les commerçants restent vigilants. Certaines infrastructures comme l’Assemblée nationale, de même que le domicile du ministre de la Défense, Yéro Boly, auraient subi le courroux des militaires.

Tout serait parti d’un harcèlement sexuel

Le sommeil de plus d’un Ouagalais a été perturbé dans la nuit du 22 au 23 mars 2011. La cause ? Des tirs de sommation ont débuté d’abord au camp Sangoulé Lamizana de Gounghin (ex-camp de l’unité) puis au camp Guillaume Ouédraogo pour ensuite s’étendre à d’autres quartiers de Ouagadougou. Les crépitements des armes ont duré de 20h au petit matin du 23 mars 2011. Selon une source proche d’un des militaires condamnés, ce mouvement d’humeur rythmé au canon est parti du verdict d’un jugement rendu le 22 mars par la Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Ouagadougou contre 5 militaires reconnus coupables de coups et blessures volontaires sur un civil et d’attentat à la pudeur. Pour ces faits, chacun des prévenus a écopé, selon notre source, d’une peine d’emprisonnement de 15 mois ferme avec mandats de dépôt décernés à l’audience (le substitut du procureur du Faso avait requis, le 22 février 2011, 15 mois avec sursis).

Ils ont été condamnés solidairement à des dommages et intérêts de 3,5 millions de F CFA (le plaignant avait demandé 8 millions de F CFA à l’audience du 22 février). Comment en est-on arrivé là ? Selon notre source, tout est parti d’un harcèlement sexuel sur la femme d’un militaire, chez elle, au secteur 17 de Ouagadougou (Pissy) de la part d’un maçon, appelé pour des travaux de construction d’une maison. Exaspérée par l’attitude du monsieur qui ne cessait de l’importuner même au téléphone, la femme informa son mari. Ce dernier décida de corriger le maçon harceleur. Mais, la méthode choisie était radicale puisqu’il était question d’en "finir avec lui", comme on le dit couramment. En compagnie de voisins, le mari voulut passer à l’acte. Mais un de ses amis, militaire lui aussi, s’opposa et fit une proposition au tâcheron pour lui sauver la vie. Il s’agissait pour ce dernier de se déshabiller complètement et de quitter les lieux tout nu. Ce que l’intéressé accepta et partit, en tenue d’Adam, sur sa moto sans qu’aucun coup n’ait été porté sur lui, précise notre source. Humilié, le tâcheron alla porter plainte.

A ce que l’on dit, son patron en fit une affaire personnelle et promit de tout mettre en œuvre pour que les auteurs de cette forfaiture soient punis à la hauteur de leur acte. Et quand le verdict est tombé, il a été jugé excessif par les condamnés et aussi par leurs camarades qui les avaient accompagnés à l’audience. Initialement prévus pour être transférés séance tenante à la MACO, c’est finalement à la Maison d’arrêt militaire sise au camp Sangoulé Lamizana que les cinq condamnés ont été internés pour purger leur peine, en attendant un éventuel appel du verdict. Mais ils n’y passeront que quelques heures parce que libérés vers 3 h du matin du 23 mars dans la foulée de la manifestation de leurs camarades.

Les manifestants peuvent réintégrer les casernes

Selon les informations de dernière minute, le gouvernement aurait rencontré les militaires condamnés. A l’issue des échanges, les condamnés ont été informés qu’ils sont désormais libres. En sus, ils peuvent faire appel de la décision rendue par le Tribunal de Grande instance. Quant à leurs camarades qui ont pris les armes pour les défendre, ils auraient accepté de réintégrer officiellement les casernes.

Trois syndicats de magistrats protestent...

A l’issue de deux réunions tenues au cours de la journée du 23 mars 2011, trois syndicats de magistrats protestent contre la remise en cause de la décision du juge par le gouvernement. Ces syndicats sont : le Syndicat des magistrats burkinabè (SAMAB), le Syndicat burkinabè des magistrats(SBM) et le Syndicat des magistrats du Burkina(SMB). A l’issue desdites rencontres, les magistrats ont décidé de la suspension de toutes les activités juridictionnelles jusqu’à nouvel ordre.

Ambèternifa Crépin SOMDA et Aimé NABALOUM (Stagiaires)

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