Actualités :: Santé de la reproduction : Faut-il parler de sexualité avec ses enfants (...)

C’est un truisme d’affirmer que les jeunes ont de plus en plus une activité sexuelle précoce, très précoce même. Conséquence : les grossesses non désirées sont légion et le taux de VIH augmente dans cette frange de la population malgré les campagnes de sensibilisation. Que faire ? Pour certains, la solution réside dans l’éducation des enfants qui est de plus en plus relâchée. D’où la nécessité de promouvoir la communication parents-enfants sur la sexualité. Pour d’autres, il n’y a rien à faire surtout avec les nouvelles technologies de l’information qui sont venues bouleverser l’ordre établi.

Dimanche 5 décembre 2010. Dans un quartier huppé de la capitale burkinabè. Il est 9 heures. De jeunes garçons viennent de finir une partie de football matinale et devisent, torse nu, juchés sur leur motocyclette. Ils parlent, entre autres sujets, des championnats anglais et espagnols et surtout du match qui avait opposé quelques jours auparavant le Barça de Lionel Messi et le Real Madrid de Cristiano Ronaldo. La discussion est houleuse entre partisans des deux clubs. Soudain, le débat est interrompu par une demoiselle, la vingtaine, qui déambulait dans les parages.

« Tchiée ! Quelle beauté ! », s’exclame un d’entre eux. « Elle est venue de Bobo et habite chez les Nicolas », indique un autre. « Comment tu le sais ? Tu es déjà passé là-bas ou quoi ? » La conversation s’oriente désormais sur les gonzesses. Nous en profitons alors pour introduire le sujet qui nous amène vers eux.

A presque 100 %, ces adolescents semblent tous bien informés sur les questions de VIH et de grossesses non désirées grâce aux médias et aux technologies de l’information. Et en matière de sexualité, le besoin de conseil et d’assistance ne semble pas une préoccupation pour eux.

Pas donc question de s’asseoir devant leurs géniteurs pour écouter un discours sur la sexualité. « Nos parents savent que nous sommes informés sur ces questions. Par contre, chez moi par exemple, maman dit tout le temps à ma sœur de faire attention aux garçons quand elle veut aller en boîte le week-end ».

Le sentiment qui se dégage dans ce groupe, c’est que ce sont les filles qui ont le plus besoin de dialogue avec les parents pour éviter des situations déplorables. De l’autre côté de la voie, un autre regroupement de jeunes, cette fois autour de jeux de société avec à côté une théière sur un petit fourneau.

Ces jeunes tiennent le même discours : la communication parents-enfants sur la sexualité est une affaire de femmes. « Garçon tombe pas enceinte, raille celui qui fait office de fakir. Donc ce sont nos sœurs qui ont intérêt à s’informer, à écouter les mamans pour ne pas piquer une grossesse », affirme un d’entre eux, avec un accent ivoirien.

« Dans tous les cas, poursuit son voisin, qui laissait échapper des volutes de fumée de cigarette de la bouche, nos vieux pères se cherchent. Pauvreté n’est pas amie de quelqu’un. Donc, ils n’ont pas le temps pour discuter de ces sujets avec nous. Et puis, n’oubliez pas que dans nos sociétés, parler de sexualité peut paraître comme un encouragement à la débauche ».

La communication parents-enfants sur la sexualité n’est pas forcément considérée comme un tabou, mais certains jeunes garçons pensent que c’est plutôt les mères qui doivent guider leurs filles pour qu’elles se prémunissent contre les grossesses non désirées et les infections à VIH ou autres maladies sexuellement transmissibles.

Rock Damiba, conseiller conjugal bien connu à travers les colonnes de Sidwaya, est formel : “C’est un impératif pour les parents d’éduquer sexuellement leurs rejetons parce que s’ils ne le font pas, ceux-ci vont s’informer auprès de leurs amis qui connaissent les mêmes problèmes. A un certain moment de leur vie, les jeunes traversent une crise, cherchent des solutions et se tournent vers ceux de leur âge.

L’information n’est pas une éducation même avec quelqu’un de plus expérimenté. Pour que l’information ait son répondant pédagogique, la source doit venir des parents. Comment vivre sa sexualité ? Les parents ont le devoir de répondre à cette interrogation en apportant non seulement des informations mais l’éducation. En ne le faisant pas, les enfants sont laissés à eux-mêmes et sont mal orientés ».

Aux Etats-Unis, une étude a demandé à des étudiants qui exerçaient le plus d’influence sur leurs décisions en matière de sexualité : 37 % ont cité leurs parents, tandis que 30 % mentionnaient leurs amis. En sus des parents, d’autres membres adultes de la famille et de la communauté exercent une influence sur le comportement sanitaire des enfants.

« Notre société, conclut le spécialiste des problèmes de couple Rock Damiba, est en train de s’enfoncer car contrairement à nos parents qui avaient le temps pour raconter des contes aux enfants d’où l’on tirait des leçons de morale, aujourd’hui les pères de famille ne préparent pas leurs enfants à affronter l’adolescence, d’où l’urgence de s’y pencher dans les foyers ».

La démission des parents

Si Rock Damiba ne prononce pas le mot qui sied pour qualifier la situation, Clémentine Ouédraogo, directrice de l’ONG Promo Femme et Développement, l’affirme : les parents ont démissionné et la société est devenue individualiste. Et de remonter dans l’histoire en soutenant qu’avant, l’enfant appartenait à tout le monde. “On pouvait sermonner le fils du voisin parce qu’il appartient à la tribu. Il n’y avait ni pauvre ni riche. L’homme fortuné ne criait pas sur tous les toits et ouvrait sa porte à l’enfant de condition de vie modeste”.

A entendre “tantie Clémentine », 73 ans, la sexualité débridée des jeunes de nos jours est liée à plusieurs facteurs. Primo : la pauvreté. La solidarité n’existant plus, les parents ne peuvent pas subvenir aux besoins de leurs rejetons qui se débrouillent pour survivre. Conséquence : les filles sont à la merci des hommes et les garçons sont tentés d’être des délinquants.

Secundo : l’influence des médias qui apprennent à voler à travers des films où on entre par effraction dans une maison. Tertio : on n’enseigne plus l’instruction civile à l’école. On instruit mais on n’éduque pas. Pis, les parents eux-mêmes ne montrent pas le bon exemple. Quand un enfant se retrouve dans un débit de boisson avec son géniteur accompagné de filles qui ont l’âge du fils, quelle leçon peut-on lui donner ? Ou encore quand les mamans pensent que l’égalité signifie libertinage ou tout ce qui est mauvais alors qu’on parle plutôt d’équité dans tout ce qui est bien, cela a naturellement une répercussion sur le comportement des jeunes.

La meilleure école, c’est l’exemple

“La meilleure école, c’est l’exemple. Si les enfants voient les parents bien se conduire, ils ont peur de mal se comporter”. Et notre interlocutrice d’indiquer qu’elle remettait dans le lot de livres de ses enfants, des ouvrages sur la sexualité en leur demandant de se référer à elle pour des éclaircissements s’ils ne comprennent pas certaines choses. Le contexte actuel marqué par le VIH/Sida constitue une opportunité pour échanger sur la sexualité avec les enfants.

Mais, poursuit Clémentine Ouédraogo, il faut aussi que les dirigeants donnent le bon exemple, car quand on cite les noms de ministres mêlés à des histoires de mœurs, qu’elles soient fondées ou pas, ce sont des faits qui sont de nature à influencer négativement la société. Et si on ajoute à cela les relations entre les enseignants et leurs élèves, l’éducation ne peut qu’en prendre un coup.

Femme de foi, “tantie Clémentine” pense que le relâchement de la pratique religieuse y est aussi pour quelque chose. “Quand on se dit chrétien, on doit aller à l’Eglise, quand on est musulman, on doit fréquenter la mosquée pour écouter la parole de Dieu et l’appliquer”. Issa Congo, fervent musulman au secteur 27 de Ouagadougou, estime pour sa part que le sexe ne doit se servir que dans le cadre du mariage : “On peut parler de sexualité à ses enfants, mais ce n’est pas pour qu’ils se lancent dans la fornication”.

“Soyons réaliste, rétorque Moustapha Sawadogo, assis au milieu des siens, au marché de Dassasgho. Avec le développement des technologies de la communication, on n’y peut rien. Nos enfants apprennent tout dehors. Mieux vaut les aider à avoir l’information juste pour se protéger des grossesses et des maladies”.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga

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