Actualités :: Abattage des chiens errants : Sale temps pour les chiens à Ouaga

On se rappelle que selon les troupes du « Général Tolé » (1), Simon (2) peut vous empêcher de circuler à Ouagadougou ou vous interdire l’accès de certaines artères de la cité-capitale. C’est certainement une simple boutade mais on ne le sait que trop bien, quelquefois la fiction rattrape la réalité. Les chiens de Ouagadougou en feront l’amer constat.

Du 9 au 22 juin dernier, tout chien rencontré sans accompagnant et non tenu en laisse devait passer de vie à trépas si ses pattes et un brin de chance ne lui permettaient pas d’échapper aux plombs 12 et aux gourdins qui lui étaient réservés. Les raisons de cette fatwa du maire contre nos plus fidèles compagnons : plus de 4 000 morsures de chiens en moins de 6 mois dans la ville ; plus de 1 000 cas de rage détectés avec des décès ; un millier d’accidents causés par des animaux en divagation dont des chiens avec des décès ; un début de psychose dans certains quartiers ; des services municipaux désemparés ; …

L’opération d’abattage ordonnée par le maire laisse sur le carreau, pardon sur le goudron, 442 chiens et sur la ville un début de polémique. L’Opinion, votre hebdomadaire, est allé renifler dans ce qu’on pourrait appeler : sale temps pour les chiens à Ouagadougou.

Vendredi 25 juin 2010. Il est 10 H au Service d’hygiène de la mairie de Ouagadougou ? ; Herbert Louis HIEN, trois ans et demi, dans les bras de sa mère, vient de recevoir sa dose de rabisin du jour. Il vient du secteur 17 et suit le traitement antirabique depuis deux semaines. Il a été mordu par un chien alors qu’il était à l’école. Il a été dès lors mis en observation. L’observation ?! C’est sous ce registre qu’est répertorié aussi Ousseini SAWADOGO, un employé de maison au secteur n°8. Mordu, lui aussi il y a deux semaines par le chien de son employeur, alors que celui-ci lui avait ordonné de l’attacher. Les cicatrices sur sa main attestent de la violence de la morsure. En observation aussi, M. Ablassé OUEDRAOGO du Secteur 23, victime de son propre chien. C’est en portant secours au fils de son voisin mordu par le chien enragé, que l’attaque s’est produite…

Un véritable problème de santé publique

« Si vous n’êtes pas pressés restez quelques minutes, vous verrez vous-mêmes de vos propres yeux ce que nous vivons ici tous les jours ! », nous lâchent les maîtres des lieux, des agents de santé, toutes des dames. Nous nous asseyons donc, curieux de voir ce qu’on nous a promis, avec néanmoins un brin de scepticisme surtout quelqu’une de nos hôtes a cru devoir ajouter que : « Si vous étiez venus plus tôt, nous aurions eu bien peu de commentaires à faire. Mais attendez tout de même ». Les minutes s’égrènent, le préau qui sert en même temps de salle d’accueil et de consultation se remplit tout doucement ? ; des victimes de chiens. Suivez avec nous :

Souleymane KOUANDA, neuf ans, Secteur 28, accompagné de son père et du frère du propriétaire du chien qui l’a mordu ;
Jean Arnaud PILABRE, neuf ans, mordu alors qu’il jouait au ballon ;
Aminata SANFO, elle, se tort de douleur ; elle vient juste d’être mordue ;
Nématou OUEDRAOGO, deux ans et demi, Secteur 20, accompagnée de son père et de M. Pascal KAFANDO, propriétaire du chien qui l’a mordu. Il nous informe que le chien coupable est mort il y a deux jours ? : « Les agents du service vétérinaire m’ont confirmé que mon chien est mort de la rage ». Le défilé se poursuit avec d’autres arrivées.

Quand se présenta la petite Nouriata COMPAORE, six ans, Secteur 17, l’horreur atteignit son comble ! Sa blessure était béante et grave. Il a manqué de peu que la bête lui arrache l’œil gauche.
Inutile de dire que l’ambiance générale était tendue et tout à la douleur. Cris, pleurs et grimaces de douleur, compassion, stupeur et incompréhension, … tout se lisait sur les visages. Une heure de temps était à peine passée et nous étions à une douzaine de victimes. Ainsi nos hôtes du jour n’exagéraient rien du tout ?! Leur responsable, Mme Cécile TIEMTORE, nous confiera d’ailleurs que « ça, ce n’est rien. Hier, (NDLR nous étions au vendredi 25 juin) nous avons enregistré et traité au total vingt-quatre (24) personnes victimes de morsure de chien. Sur les vingt-quatre cas, il y a cinq cas de suspicion et deux cas de rage confirmée. Mais ce nombre est très en deçà de la moyenne que nous enregistrons d’habitude. Les périodes de pointe sont celles des fêtes (juste avant et juste après) et la période de rut comme c’est le cas actuellement. Vous pouvez vérifier dans le registre. » Ce que nous faisons sans nous faire prier.

Là nous découvrons l’ampleur et la gravité de la situation. 4 215 cas de personnes mordues par des chiens depuis le début de l’année jusqu’à ce vendredi 25 juin, dont 325 sont mises sous traitement. Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes puisque nous ne sommes qu’à la moitié de l’année et que les fêtes, périodes de recrudescence, ne sont pas encore en vue. Le pire serait-il à venir ? Il faut le craindre. Surtout que pendant notre lecture Mme TIEMTORE nous fera observer que : « vous n’êtes même pas venu le « bon mauvais jour ». Il y’a des jours où on a envie même de fuir d’ici. Vous n’avez pas idée de ce que nous endurons ici. Parfois des personnes mordues viennent ici avec la rage déjà déclarée. Là, imaginez ! Vous avez déjà vu un homme enragé ? ». Une sueur glaciale descendit le long de notre colonne vertébrale alors que nous lui répondionsun petit « Non ! » avant de poursuivre.

Selon les statistiques du Service d’hygiène, en 2006, 3 926 personnes ont été victimes de morsure de chiens. 908 d’entre elles ont été mises sous traitement antirabique. En 2007 ces chiffres étaient respectivement de 3 415 et 780 ; en 2008 ils étaient de 3 979 personnes, 992 mises sous traitement et 107 cas de rage confirmée. En 2009 les statistiques ont augmenté dans tous domaines avec 4 204 personnes mordues, 1110 mises sous traitement antirabique et 175 cas de rage confirmée. Les statistiques de cette année sont donc en nette progression par rapport à celles de l’année dernière.

Une étude prospective sur l’état des lieux de la rage dans la ville de Ouagadougou menée par Dr Germaine MINOUNGOU du Laboratoire national de l’élevage, complète ces chiffres. Selon cette étude menée entre 2000 à 2008, (les années 2001 et 2006 non comprises), 3 862 personnes ont reçu des traitements contre la rage et 29 d’entre elles en sont décédées, soit une moyenne d’un peu moins de 650 cas confirmés et 5 décès par an. Cette année et ce jusqu’au mois de juin, plus de 4000 personnes ont été mordues et on a dénombré 5 décès après que les victimes concernées aient aboyé comme des chiens enragés à l’hôpital où ils ont été transférés du service d’hygiène.

Selon l’étude du Dr Germaine MINOUNGOU, 32% des cas positifs qu’elle a observés proviennent de morsures de chiens errants. Ceci explique-t-il cela ? En tout cas le phénomène des chiens errants à Ouagadougou est un fait de société tout simplement « normal » qui n’émeut personne. Et pourtant pas tant que ça !

En effet, de nombreuses victimes des canins ne se sont pas limité à se plaindre et à se morfondre sur leurs sorts, elles ont élevé le ton, allant jusqu’à accuser les pouvoirs publics de laxisme, voire d’irresponsabilité. Propos forts bien compréhensibles quand on sait que les attaques dont elles ont été victimes se sont souvent produites dans la rue, sur la voie publique, alors qu’elles vaquaient à leurs activités ou étaient juste de passage. Des plaintes que le Dr. Lambert SIMPORE, Chef du Service d’Hygiène a entendues des centaines voire des milliers de fois. Ne pouvant plus supporter les lamentations répétées et quotidiennes de ces victimes et au regard des grands dommages causés, il envoya une missive au maire de la ville de Ouagadougou dans laquelle il préconisera une solution radicale : « C’est moi qui ai demandé à la mairie de mener l’opération d’abattage des chiens errants dans la ville de Ouagadougou … Car ils sont à l’origine des cas de rage que nous constatons ici. »

Au constat, le docteur a été entendu par les autorités municipales et bien même, puisque pendant près de deux semaines (du 9 au 22 juin) des équipes « d’exterminateurs » écumeront la ville traquant les chiens errants. « Sale temps pour les chiens ?à Ouaga ! », tel aurait pu être le titre d’un film sur cette campagne qui a été loin de faire l’unanimité. Et pourtant ce ne sont pas les arguments en sa faveur qui manquent. Ils sont plutôt nombreux et de divers ordres.

A comportement de moton réaction de berger

Sur le plan sanitaire, il faut noter que le traitement de la rage est exclusivement à titre préventif car lorsqu’elle se déclare cliniquement, la rage conduit immanquablement à la mort. Et dans des conditions horribles.
A cela il faut ajouter nous dira Dr. SIMPORE, que : « le traitement de la rage coûte très cher. Autour de quarante mille francs CFA. Nous avons constaté que la plupart de ceux qui sont mordus sont des indigents qui ont des problèmes pour réunir cette somme … » C’était le cas pour bon nombre de ceux que nous avons vu. Ce n’est pas la mère du petit Herbert qui nous dira le contraire, elle qui nous a confié que : « ça nous coûte cher. Mais que voulez-vous ? On n’a pas le choix. Si on ne trouve pas cette somme, vous imaginez ce qui va se passer ? ».

Pourtant, c’est un prix subventionné parce que la mairie supporte une belle part du coût réel. Cela pèse environ 50 à 60millions de francs CFA par an dans le budget de la mairie de Ouagadougou nous dira Dr SIMPORE. Ainsi donc la morsure d’un chien ne coûte pas qu’à la victime, ses parents et éventuellement au propriétaire ; toute la communauté trinque. Un argument de poids pour les partisans de l’abattage des chiens errants pour lesquels ils seraient de véritables dangers publics puisqu’aussi à l’origine de beaucoup d’autres nuisances comme des accidents de circulation.
C’est pour le moins l’avis du directeur des aménagements paysagers (DAP) de la mairie de Ouagadougou, M. Issa SAWADOGO, pour qui l’errance des animaux, surtout des chiens n’est pas seulement source de contraction de maladie mais aussi cause de nombre d’accidents dans la ville. Les données statistiques sur les cas d’accidents ayant été causés par des faits d’animaux relevés par la Brigade nationale des sapeurs pompiers indiquentque de juin à décembre 2005, il y a eu 41 accidents de la circulation entre des engins à deux roues et des animaux.

Deux victimes sont décédées des suites de ces accidents. En 2006, sur toute l’année, il y’a eu 121 accidents et 5 décès. 141 en 2007 pour 2 décès. En 2008, ces chiffres étaient de 162 accidents et 5 décès et en 2009, 164 et un décès. Cette année, au mois de janvier, les sapeurs pompiers ont dû secourir 14 victimes d’accidents causés par des bêtes ; 14 en février ; 17 en mars ; 15 en avril et 23 en mai. Soit au total 83 accidents pour seulement les 5 premiers mois. Pour le reste, la somme des valeurs catégorielles augure plus d’accidents et de décès induits que les deux dernières années.
Autant de chiffres qui font monter l’adrénaline du côté des services municipaux directement confrontés aux conséquences du phénomène.

On comprend aisément Dr SIMPORE lorsqu’il s’offusque devant les comportements des propriétaires de chiens : « Il ne suffit pas de prendre un chien pour uniquement dire qu’on a un chien alors qu’on ne lui donne même pas à manger et ne même pas savoir où il est. Ça c’est très mauvais et ces gens-là sont dangereux. » En effet, la plupart des chiens sous nos latitudes trimbalent leur cabosse à la manière du pauvre chien errant de Jean de la Fontaine, à la recherche de leur ration, disons de leurs os journaliers, dans les poubelles, les gargotes, restaurants populaires et devant les grillades. C’est dans ces conditions qu’ils sont contaminés par la rage et deviennent dangereux pour leurs entourages et même de simples passants. Les propriétaires des chiens errants ont donc d’immenses responsabilités dans cette affaire. Naturellement les avis divergent sur la conduite à tenir. Pourtant la loi est sans équivoque sur le sujet (Encadré : Que dit la loi ?).
Les autorités de la commune ont elles opté pour une solution radicale : l’abattage des chiens errants.

Qui mieux que M. Issa SAWADOGO Directeur des Aménagements Paysagers était le plus indiqué pour conduire cette opération. A le croire l’opération a un double objectif : diminuer le nombre de chiens errants sans propriétaires et par ce biais celui des chiens contaminés et inciter les propriétaires de chiens à s’en occuper comme le leur impose la loi. Pour exécuter la mission ; une équipe de dix-huit personnes composée de manœuvres, de tireurs professionnels triés sur le volet dont des chasseurs, d’anciens militaires et des policiers, de chauffeurs et de superviseurs qui sera scindée en sous-groupes. Ils écumeront les arrondissements, secteurs et quartiers pendant les 12 jours que durera l’opération. Une logistique conséquente est mise à leur disposition ? : fusils de calibres 12, munitions en quantité, gourdins et véhicules bâchés. Les consignes et le mode opératoire sont clairs et nets.

Leur application aussi. Pour la consigne M. Issa SAWADOGO nous « rassure » : « Nous voulons au maximum alléger la souffrance de l’animal. » Pour la technique : un coup de fusil suivi d’un coup de gourdin sur la tête pour s’assurer que l’animal est bien mort. La plus grande opération d’abattage de chiens de l’histoire du Burkina pouvait donc commencer. Pendant 12 jours de 5 Heures du matin à 14 Heures de l’après-midi tout chien retrouvé sur la place publique ou dans une rue sans maître, ou sans chaîne au cou est systématiquement abattu. Les hommes de M. SAWADOGO ne laissent aucun répit aux canins errants.
Nous nous sommes même joints à une équipe pour vivre concrètement la traque.

A la fin du « travail » Quatre cent quarante-deux (442) chiens passent de vie à trépas sans autres formes de procès. Le coût total de l’opération : 1 700 000 francs CFA. Les effets sont immédiats !

Une opération controversée

Comme par enchantement certains citoyens ont trouvé des chaines pour leurs chiens qui pourtant trainaient dans les quartiers : « Depuis que l’opération a commencé j’ai attaché mon chien de peur qu’il ne soit abattu » nous confie un habitant du secteur 5. « Il a fallu l’opération pour que nombre de nos concitoyens pensent à leurs chiens. » affirme Paul D du Secteur 17. « Comme vous le savez les chiens ont un 6ème sens ; donc quand les « exterminateurs » arrivent dans une zone ils sont accueillis par des concerts d’aboiements et vous voyez les chiens détaler dans tous les sens. » nous informe Mme Z qui semble se réjouir de la mesure. Selon les services la mairie aurait reçu des messages d’encouragement et de persévérance, certains proposant même qu’une telle opération se fasse chaque semaine. D’autres proposent une fois par mois ou encore une fois par trimestre.

Pour ces citoyens une telle opération est salutaire car elle permet de diminuer le nombre de chiens dont les maîtres se soucient à peine du sort. D’autres à l’image de Ernest TIEMTORE au secteur 20 pensent que cela permet de dissuader les autres propriétaires de chiens errants et même ceux qui n’enchaînent jamais les leurs. Mais l’opération est très loin de ne faire que des heureux.

En effet la colère monte chez certains citoyens qui trouvent à redire et ne manquent pas de le faire savoir. Beaucoup sont mécontents. Les propriétaires de chiens abattus notamment. C’est le cas de cette famille domiciliée au secteur 29, qui pleure son chien et soutient qu’il n’était pas un chien errant. Les enfants de la cour soutiennent que le canin est juste sorti avec l’un d’entre eux et s’étant attardé un peu, s’est tout simplement retrouvé face à l’équipe de la mairie. Un innocent donc au mauvais endroit et au mauvais moment. Inutile de vous faire un dessin : les noms d’oiseaux volaient dans tous les sens. Pour I. OUEDRAOGO, un haut cadre du Secteur 9, l’opération quoique légale est tout simplement « inhumaine, inappropriée et irrecevable car les chiens errants ne sont pas responsables de leur situation ». Pour lui « on a opté pour la solution de facilité. Ce n’est pas du sentimentalisme que je fais. On peut abattre un chien suspecté de rage ou même un chien qui a mordu quelqu’un, mais on ne peut pas prendre une fatwa contre tout chien rencontré dans la rue. »

Lorsque nous lui disons que la loi le permet il nous répond que la loi doit être revue et que son propos n’est pas dirigé contre les autorités municipales mais tout simplement contre une mesure injuste. A. KAFANDO, du Secteur 17, lui n’y va pas avec le dos de la cuillère : « cette décision trahie une certaine irresponsabilité car les autorités devraient prendre plus de hauteur par rapport aux populations qui laissent leurs plus fidèles compagnons à l’abandon. Si en plus le maire doit faire tirer sur eux vous comprenez qu’il ne fasse pas bon d’être un chien à Ouaga ! »
La question semble diviser au sein même de l’administration. En effet, le mercredi 30 juin, soit 8 jours après la fin de l’opération, une rencontre au ministère des Ressources animales a réuni les acteurs du domaine, notamment les services vétérinaires, les responsables de l’élevage et des autorités décentralisées représentés en grande partie par des conseillers municipaux.

Des chiens abattus vendus ?

Selon l’organisateur de cette rencontre, en l’occurrence le directeur provincial de l’élevage du Kadiogo, M. Dramane BANAO, c’est au mois de février 2010 qu’il a été alerté lors d’un entretien avec Dr SIMPORE. L’importance et la dangerosité de la situation était telle qu’il fallait agir. Mais il fallait selon lui, prendre le temps d’étudier la question. Prendre le temps, vraisemblablement pour le Service d’hygiène, c’était donner trop de temps au temps. Avec les souffrances et les lamentations quotidiennes des milliers de patients, c’était apparemment trop demander. Il fallait agir vite. Et on agît. Pas tout à fait du goût du directeur provincial pour lequel le schéma devait être : « sensibilisation », « vaccination » et « extermination ».

« C’est vrai qu’ à partir des personnes reçues au Service d’hygiène et à la vue des statiques que ça fait très peur et que le danger est réel. Je pense que dans ces conditions, il faut d’abord faire en sorte que les populations soient informées des dangers qu’elles courent et les sensibiliser à amener leurs animaux en vaccination. Ensuite, les amener à participer et à s’impliquer massivement à la campagne de vaccination qui sera programmée. Et une fois que les gens auront été suffisamment sensibilisés sur la nécessité de vacciner leurs chiens et informés que c’est un devoir conformément aux textes …, on pourra alors passer à l’abattage des animaux errants. » De son point de vue, l’opération d’abattage doit se faire en concertation avec les services vétérinaires. Manifestement il y a de l’eau dans les gaz ! Néanmoins, appréciant l’opération de cette année, il nous confiera que : « Nous avons estimé que ce qui a été fait est salutaire parce que c’est compte tenu de la gravité de la situation. Mais cela aurait encore été meilleur s’il y’avait eu une concertation avec les services vétérinaires qui auraient pu suggérer un certain nombre de choses par rapport aux dispositions à prendre pour mieux la réussir ». Le médecin après la mort en somme ?

Que non ! Car pour M. BANAO « Nous en tant que service vétérinaire, nous ne pouvons pas nous lever et dire que nous allons abattre les animaux. On se réfère à l’autorité municipale qui décide et on organise l’opération. Je pense qu’on gagnerait tous à être associés au maximum pour pouvoir réussir davantage l’opération. » Ce qui est certain, c’est qu’il y a des choses à éclaircir dans cette affaire de … chiens. Surtout que l’opération ne s’est pas déroulée sans anicroche. En effet entre superstition, affabulations et rumeurs les Ouagalais n’ont pas manqué leur sport favori. Et nous les règles de notre métier, puisqu’à tous les coups nous avons exposé les faits à qui de droit et sans détour.

Il nous est ainsi revenu que les chiens abattus seraient revendus. Certains avancent même des prix notamment 2500 et 3 ?000 FCFA la carcasse. Les réponses des responsables de l’opération sont fermes même si elles laissent la porte ouverte à toutes les éventualités. Voilà ce que nous a dit Issa SAWADOGO, Coordonateur de l’opération : « Certaines personnes nous ont rapporté que les chiens que nous avons abattus ont été vendus. Vraiment, en tant que responsable, vous comprenez que c’est difficile de répondre à cette question, dans la mesure où je ne peux pas être partout en même temps. Il est possible que certains agents l’aient fait ; rien n’est à exclure à priori. Mais je dis fermement qu’à notre niveau ici, tous les chiens abattus qui sont arrivés ici ont été amenés à Gnimdi pour incinération. Et cela dans les règles de l’art ! »

Quand au Dr SIMPORE, il s’emporte pour de bon et assène : « Nous avons initié cette opération d’abattage d’abord pour lutter contre la rage parce que nous avons remarqué qu’elle était devenue pratiquement un problème de santé publique. Comment revendre les chiens abattus à cette même population que nous voulons protéger ? Il ne s’agit pas d’une question d’humeur, mais d’une question d’urgence. Nous n’allons quand même pas initier une campagne d’abattage pour les caprices digestifs des gens tout de même ! Il s’agit d’un problème de santé publique. Nous ne sommes pas là pour nous amuser ! » A chacun de se faire sa propre opinion. Néanmoins au regard de l’importance du sujet il serait important que l’autorité prenne l’information au sérieux, s’assure qu’elle est vraie ou fausse, prenne les décisions qu’elle implique et en tienne compte pour les opérations à venir. Elle ne devrait admettre aucune concession là-dessus et on sait le maire Simon COMPAORE suffisamment à cheval sur les principes pour tolérer un quelconque manquement dans une telle situation.

Il semble que les chiens n’auraient pas été les seules victimes des hommes de M. Issa SAWADOGO. On nous a signalé le cas d’une dame, Mme Jeanne-Marie KABORE, épouse de M. Emile B. KABORE, inspecteur du Travail, que nous sommes allés rencontrer. Elle raconte qu’elle allait au marché quand elle a vu un attroupement et des gens qui courraient. Elle a cru que s’était un voleur qui était pourchassé mais s’était une équipe à pied d’œuvre. Elle a entendu un coup de fusil et senti une vive douleur à la poitrine au-dessus du sein gauche. Elle poursuit : « Lorsque j’ai baissé la tête, j’ai vu que la balle avait perforé mon habit. J’ai donc dit aux policiers que j’avais été touchée. Après avoir regardé ma blessure, le chef (le superviseur) m’a dit d’aller faire le marché comme prévu et de les rejoindre à la mairie après. Une fois le marché fait, je suis revenue à la maison. Ensuite j’y suis allée ». Au Service d’hygiène, elle est auscultée et reçoit en traitement de l’amoxiciline, de l’ibuprophen et de la bétadine. Son mari nous dit qu’il exige que son épouse soit correctement soignée et dédommagée en conséquence.

Affabulations, mysticisme et rumeurs

Le directeur de l’opération, Issa SAWADOGO ne reconnaît pas pourtant les faits. Sa version est toute autre. « Je vous assure n’avoir jamais entendu cette histoire ou le nom même de cette dame.Vous-vous rendez compte de ce qu’elle dit ? Est-ce que vous connaissez une balle de calibre 12 ? Si elle avait été touchée, et surtout à la poitrine comme l’indique la plaie dont elle fait état, elle ne serait pas là en train de parler ». Selon lui, les balles de calibre 12 ricochent parfois sur les cailloux. Si quelqu’un est touché par les cailloux projetés on peut croire que c’est une balle. Parce que ça fait très mal et même ça peut faire saigner. Il se pourrait donc que ce soit ce qui s’est passé, a-t-il soutenu. Il le croit d’autant plus que d’autres personnes ont prétendu avoir été atteintes de balles de l’opération et cela s’est révélé faux. M ; SAWADOGO poursuit : « Vous savez, c’est psychologique. On m’a ramené ici un vieil homme qui a affirmé avoir été touché. Lorsque nous l’avons interrogé, nous nous sommes rendu compte que c’est la pédale de son vélo qui a du l’égratigner ; certainement qu’au moment où il a entendu le coup de fusil il est tombé de peur ou croyant avoir reçu une balle. Et lorsqu’il s’est relevé il a dit aux agents de ne pas partir parce que lui a été touché. Voyez-vous, il doit s’agir d’un cas similaire »

Dr Lambert SIMPORE, qui a reçu et soigné Mme KABORE ne dit pas autre chose : « Quand on palpe la boursouflure dont elle parle, on ne remarque que la présence de caillot de sang. Où est donc rentrée la balle ? Les blessures par balle ont des caractéristiques particulières qu’on ne retrouve pas. Enfin, comment a-t-elle pu continuer à marcher au point d’aller faire le marché, revenir chez elle avant de venir ici pour recevoir les soins … Elle n’aurait pas pu tenir le coup. Aucun organisme n’y résiste surtout à l’endroit dont elle parle ». A chacun de se faire sa propre opinion. L’opération a aussi heurté la sensibilité de certains de nos concitoyens. Ce serait le cas pour ceux qui ne supportent pas la vue du sang. Particulièrement celui du chien. « Notre totem c’est le chien. Nous ne mangeons pas sa viande et pire, nous ne devons jamais toucher ou enjambé son sang.

Si bien que dès qu’on a entendu parler de l’opération, mon père nous a recommandé de faire attention. » ; nous a confié Zéphirin W. Sur le chapitre on en a entendu de bien pire. « Ce n’est pas bon de massacrer les chiens. Attendez de voir, un malheur s’abattra sur tous ceux qui ont participé à cette opération. Le chien n’est pas n’importe quelle bête », lâche un passant. Au secteur n°28, à Taab-tenga, un doyen fait remarquer sans nuances que : « Sous le Général Sangoulé LAMIZANA, une opération similaire d’abattage de chiens avait été initiée. Avant la fin de cette année-là, tous ceux qui ont pris part à l’opération sont morts. Et le Général, lui-même, cette année, a été destitué. Qu’ils continuent donc. Ils verront ce qui va leur arriver ». Dans un registre moins mystique non moins ferme certains Ouagalais s’insurgent contre la mesure car pour eux les chiens ne sont pas responsables.

“Les Burkinabè ont la mémoire courte”

A ceux qui suggèrent la capture et la mise en fourrière des chiens M. SAWADOGO répond laconiquement « Ce ne sont pas des moutons ! ». Aux autres qui feignent ne pas comprendre la mesure il laisse tomber l’air agacé « Les gens ont la mémoire courte dans ce pays. Qu’ils se rappellent seulement de ce qui se passait il y a une vingtaine d’années, sous la Révolution avec les trois luttes notamment celle contre la divagation des animaux. Il y a eu des opérations d’abattage d’animaux dans les villes du Burkina. On a abattu des bœufs, des moutons, des chèvres, des chiens dans la ville. Mais pourquoi les gens ne se sont-ils pas plaints ? Parce qu’ils ont approuvé la mesure en ce temps. Non ! Vous savez, en ville, je crois que si on va passer le temps à écouter l’opinion de tout le monde, ça ne va pas aller. Il faut faire ce qui est juste ; ce qui est bien pour l’intérêt général. En tant que responsables, si nous ne prenons pas ces genres de mesures, ça va friser la démission ». Devant notre insistance M. SAWADOGO nous lance sans ménagement : « Si on n’a pas un parent qui est mort des suites d’une morsure de chien enragé. Si on n’a pas eu un parent mort des suites d’un accident causé par une bête errante, on ne peut pas comprendre la gravité du problème …

Je peux comprendre que c’est difficile à supporter lorsqu’on a un chien et qu’il est abattu. Mais il y’a des moments où il faut mettre l’intérêt général au dessus de l’intérêt individuel. » Par ailleurs il fera observer que la vie en ville a ses exigences qui s’imposent à tous. On ne peut pas tout y faire. Tout comme au village d’ailleurs ! Sera-t-il entendu ? C’est certainement son souhait le plus ardent car il semble que la situation est loin d’évoluer dans la bonne direction.

C’est même tout à fait le contraire, car les chiffres des derniers jours incitent plutôt au pessimisme. En effet depuis le début du mois de juillet jusqu’au 19, c’est-à-dire une semaine après l’opération, 382 personnes ont été mordues par des chiens, avec près de 50 cas de rage confirmée.o

Frédéric ILBOUDO

L’Opinion


Ce que prévoit la loi

La loi n° 40-61-AN du 27 juillet 1961 portant réglementation de la divagation des animaux domestiques adoptée par l’Assemblée nationale de la Haute Volta, en son article 2, stipule ? : « La divagation des animaux domestiques est interdite en permanence. Son article 8 précise que ? : ?« ?La divagation des animaux domestiques (…) est rigoureusement interdite dans les périmètres urbains et passibles des sanctions prévues à la présente loi. Les municipalités et conseils de collectivités rurales devront obligatoirement prendre toutes les mesures nécessaires en ce sens … ? ». Ainsi donc déjà en 1961, un an après les indépendances, la question de la divagation des animaux était une préoccupation. D’autres lois viendront préciser certaines dispositions de cette loi n° 40-61-AN. Entre autres, celles révolutionnaires de 1983 et de 1989.

Ainsi la loi de 1989, le Kiti AN VII-00113/FP/AGRI- EL du 22 Novembre 1989 ? portant réglementation de la police Zoo sanitaire au Burkina Faso, impose l’immunisation préventive obligatoire (chiens, chats, singes…). Elle précise davantage ? : « Tout animal enragé, mordu ou roulé par un animal enragé ou suspect de rage, sera abattu et son cadavre détruit sauf ? :
- Les chiens vaccinés (en cours de validité et sous réserve qu’ils soient vaccinés dans les 7 jours qui suivent)
- Herbivores et porcins qui seront sacrifiés pour la boucherie dans les 8 jours qui suivent la morsure. »
Dans le même ordre d’idées, l’article 51 de la ZATU AN VII dispose ? : « Les personnes physiques ou morales ont le devoir de ?maintenir en bon état sanitaire, les animaux dont ils ont la charge ? ; de mettre en œuvre les mesures de prévention, de lutte et d’éradication des maladies animales.? ». Et l’article 52 de la même ZATU de dire : « Les maires et les préfets ont le devoir de :
aviser d’urgence le Haut-commissaire et l’autorité vétérinaire nationale de tous les cas d’épizooties signalées sur le territoire de leur compétence ? ;
prendre des mesures provisoires qu’ils jugent utiles pour éviter l’expansion des maladies
déclarer les maladies aux autorités administratives locales.
De surcroît, le code des collectivités territoriales confère au maire, le devoir d’assurer la sécurité des citoyens qui sont dans les limites du territoire dont il a la charge de la gestion.

Au regard des dispositions de la loi et du contexte actuel, s’il juge que l’errance des chiens est source d’insécurité pour les citoyens, il peut décider de faire abattre tout chien pris en errance.

A. O (stagiaire).

NDLR

1) “Général TOLE” surnom donné au secrétaire général de la centrale syndicale CGTB, Tolé SAGNON
La CGTB s’élève régulièrement contre la décision du maire Simon COMPAORE d’interdir certaines artères de la ville lors des manifestations syndicales.

2) Simon , prénom du maire de la capitale : M Simon COMPAORE. On aime l’appeler par ce seul prénom

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