Actualités :: M. Eugène BOUGMA, Burkinabè vivant au Etats-Unis d’Amérique : « …Si c’était à (...)

Il y a 8 ans, il était secrétaire de direction d’une grande société de la place. Parti aux Etats-Unis pour une virée touristique, il choisit d’y rester. Il entre dans la clandestinité, travaille dans le noir et suit des cours en informatique. Il se marie et obtient un statut de résident permanent. De retour au pays pour des vacances nous lui avons ouvert nos colonnes pour qu’il partage son expérience de vie aux Etats-Unis avec nous. Vous l’avez certainement compris, il s’agit de M. Eugène BOUGMA. Lisez plutôt !

M. Eugène BOUGMAVoilà 8 ans que vous avez quitté votre pays le Burkina Faso pour les Etats-Unis d’Amérique, qu’est ce qui a motivé ce départ ?
M. Eugène BOUGMA (E.B) : Je voudrais d’abord vous remercier pour l’importance que vous accordez à ma personne pour que je partage mon expérience avec vos lecteurs. Cela dit, pour revenir à votre question, il faut dire que quand je partais pour les Etats-Unis d’Amérique, ce n’était pas pour y rester. D’autant plus que j’avais une situation stable dans mon pays. J’étais secrétaire de direction dans une grande boîte de la place. Je suis parti juste en vacance, mais une fois là-bas, le pays m’a séduit et j’ai décidé de rester sans pour autant savoir ce qui m’y attendait. Pour tout dire, je n’avais pas préparé mon voyage.

Vous aviez une situation stable et enviable et en dépit de tout ça vous êtes resté. Pourquoi ?

E.B : Je n’étais pas parti pour y rester comme je l’ai dit tantôt. J’ai pris mon congé annuel, et je suis parti faire 15 jours en Europe notamment en France. Quand je suis revenu de la France, je me suis dit pourquoi ne pas aller au Etats-Unis vu que j’avais beaucoup d’amis là-bas. C’est ainsi que j’ai obtenu un visa touriste qui m’a permis de rentrer dans ce pays. Une fois arrivé au Etats-Unis, ceux que je connaissais m’ont trouvé de quoi faire pour occuper mon temps. C’est ainsi que j’ai commencé à laver des voitures dans ce qu’on appelle en anglais « Cars wash ».

Dans un endroit comme ça, tu te fais rapidement un salaire journalier de l’ordre de 50 dollars US, et dans le temps c’était bien pour moi surtout que j’étais en vacance. Ce travail m’a permis de me faire un peu d’argent pendant quelque une ou deux semaines et continuer mes découvertes de New-York ville où j’étais. Après quelques semaines de vie et de découverte, le pays, son mode vie, de fonctionnement, le style de vie même des Américains, m’ont complètement séduit. J’ai décidé de rester et j’ai démissionné de la société dans laquelle je travaillais ici au Burkina. C’est vrai qu’avec ce que je gagnais dans cette société, qui n’était pas mal d’ailleurs c’est difficile de faire ce choix, mais une fois arrivé au Etats-Unis on pense gagner mieux. On gagne beaucoup mieux c’est vrai, mais il faut se dire que tout reste dans les charges. Charges qui sont d’ailleurs nettement plus élevées que celles qu’on a au pays.

Comment s’est fait l’intégration surtout qu’à un moment donné vous étiez devenu un clandestin ?

E.B : Je dois vous dire que l’intégration ne se fait pas aussi facilement que les gens le croient. Quand on arrive au Etats-Unis, la barrière linguistique pour nous autres francophones nous pose un sérieux handicap. Avant de parler donc d’intégration, il faut donc se fixer des objectifs. On devient clandestin donc il faut se trouver un petit boulot qu’on va faire dans le noir et pouvoir aller à l’école, et c’est ce que j’ai fait. J’ai d’abord travaillé dans une station d’essence pendant près de trois ans, et en même temps j’allais à l’école dans une université où j’ai suivi des cours intensifs pour améliorer mon anglais. Tout cela dans l’optique de pouvoir avoir mieux parce que si tu ne comprends pas anglais ou espagnol, surtout l’anglais, tu ne peux rien faire. C’est dire que quelque soit la volonté de celui qui veux t’embaucher, sans l’anglais tu ne peux même pas t’exprimer, tu ne peux pas comprendre ce que l’on dit. C’est ce qui m’a poussé à rester dans la vente d’essence tout en trouvant le temps pour aller au cours dans le quartier où j’habitais.

De secrétaire de direction au Burkina vous devenez vendeur d’essence aux Etats-Unis. N’avez-vous pas trouvé cela rabaissant quelquefois ?

E.B : Rabaissant ? Oui, quand on pense en tant que Burkinabè c’est rabaissant. Mais j’avoue qu’aux Etats-Unis, les gens n’ont pas cette mentalité de chercher à savoir qu’est ce que tu fais pour te classer dans la hiérarchie de l’échelle sociale. Les gens n’accordent aucune importance à la nature du travail que tu fais. Les gens s’intéressent plus à ton épanouissement. Si ce que tu fais te permet de vivre, personne, de ma propre expérience, personne aux Etats-Unis ne m’a demandé un jour ce que je fais comme travail. C’est plutôt quand j’appelle vers le Burkina, que cette question revient. Et puis, il faut se dire la vérité ; tu ne peux pas quitter le Burkina, vivre dans la clandestinité et vouloir avoir un travail de secrétaire de direction de mon état. Parce que d’abord, il y a la difficulté linguistique et il faut, pour avoir ce genre de travail, être en situation régulière.

Et cette situation régulière tu ne peux pas l’avoir sans un certain nombre de papiers notamment une carte de sécurité sociale, à partir de laquelle on va t’embaucher et pour certains postes il y a la difficulté de la langue qui fait barrière. Je dirai donc qu’il faut travailler à améliorer l’anglais avant de chercher à pouvoir exercer ce genre de boulot. Aucun immigrant n’a commencé avec un boulot facile aux Etats-Unis. Moi, j’ai travaillé dans une station d’essence à des températures incroyables, mais avec ça, j’arrivais à trouver le temps pour aller à l’école. Le travail était fatigant, c’est vrai, au fur et à mesure que tu restes dans le système tu découvres certains types de boulots moins rudes. Après donc la vente de l’essence, j’ai travaillé dans une boulangerie comme boulanger. Un travail qui me plaisait parce que je n’étais plus exposé au froid. C’était un endroit chauffé et pendant l’hiver qui est très rude, c’était un boulot parfait pour moi qui vient d’un pays chaud.

Certains disent que pour s’en sortir dans ce pays il faut avoir deux à trois boulots. Est-ce votre cas ?

E.B : Non, ce n’est pas vrai. De ma propre expérience je peux dire qu’on n’a pas besoin de faire deux, trois boulots comme vous dites pour s’en sortir. Tu peux faire un seul boulot et t’en sortir, mais ce qu’il faut s’efforcer de faire, c’est de contrôler ses dépenses. Tu peux gagner 500 dollars US par semaine, mais si tu dépenses 400, c’est comme si tu n’a rien eu. Moi je gagnais 235 dollars par semaine quand j’ai commencé. Je ne dépensais pratiquement rien, je faisais la cuisine à la maison que j’amenais à mon travail, je ne dépensais juste que pour mon transport. Un ticket de transport me fait 8 dollars pour l’aller-retour, ce qui correspond à un salaire horaire. Tu vas travailler 8 à 10 heures par jour et tu dépenses l’équivalent d’une heure de travail ; je crois que c’est pas mal. Donc les 7 ou 9 heures de salaires qui restent, ce sont mes économies. J’ai fait comme ça jusqu’à ce que je trouve quelque chose d’autre de mieux à faire.

Quelles sont les difficultés particulières que vous avez pu vivre ces 8 années aux Etats-Unis ?

E.B : Difficultés, il y en a pas mal. J’ai vécu des situations difficiles telles que celles de pouvoir s’épanouir parce qu’on ne peut pas sortir comme on veut parce qu’on est clandestin. Il y a des endroits que tu ne peux pas aller parce que tu n’as pas d’identité, et en tant que clandestin, on fait attention à là où on met les pieds parce qu’il ne faut pas se faire coincer par les services d’immigration. C’était des situations difficiles. Difficultés pour difficultés, la première difficulté c’était de trouver un travail à l’intérieur pour ne pas être exposé au froid. L’hiver était très rude pour moi et j’avoue que ce n’était pas facile.

Quel est votre statut en tant que Burkinabè aux Etats-Unis ?

E.B : Je suis aujourd’hui résident permanent aux Etats-Unis.

Et comment vous l’avez obtenu ?

E.B : Il y a beaucoup de voies pour accéder à ce statut. Chacun pense à ce qu’il veut faire ou devenir dans ce pays et prend la voie à suivre. Moi, mon statut de résident permanent, je l’ai obtenu parce que j’ai épousé une Américaine. C’est à la suite de mon mariage que j’ai déposé mon dossier pour la demande de résident permanent qui m’a été accordé. Je peux donc dire que j’ai eu ma résidence permanente grâce à mon mariage.

D’aucuns disent que les immigrés en situation illégale se rabattent sur le mariage juste pour les papiers. C’est votre cas ?

E.B : Non, personnellement ce n’était pas mon cas, parce que si tu te maries, juste pour avoir les papiers, ça va se savoir, parce que ça veut dire que tu ne t’es pas marié par amour, mais juste par intérêt. Ça va se savoir parce que quand tu vas déposer ta demande de changement de statut, tu vas être auditionné devant un officier de l’immigration généralement très doué pour déceler les failles. Je connais des Burkinabè qui sont dans cette difficulté ; parce qu’ils ont menti, on les a coincés et ils ne peuvent plus avancer.

Quels sont vos rapports avec les Burkinabè vivant à New-York ?

E.B : Je réside officiellement à New-York et je travaille à New-Jersey. Je peux dire qu’on a de très bons rapports parce que quand il y a une manifestation on se retrouve tous, ou si vous voulez, lorsque nos emplois de temps le permettent, ou encore à l’occasion des rencontres des ressortissants burkinabè, on arrive à se réunir de temps en temps. Les Burkinabè s’entendent bien, c’est vrai qu’il y a des difficultés d’avoir un temps pour les rencontres. En ce qui me concerne, je n’ai pas de problème particulier avec nos compatriotes vivants là-bas.

Vous êtes rentré après 8 ans d’absence du pays. Comment vous trouvez aujourd’hui le Burkina Faso ?

E.B : J’avoue que mon pays a beaucoup changé, les gens bougent, les gens bossent comme nous le faisons aux Etats-Unis. C’est vrai que cela n’a pas encore atteint la vitesse de croisière, mais je crois que si nous continuons sur cette lancée, nous sommes sur une bonne voie. J’ai été surpris de voir qu’il y a des services qui ne ferment pas ou qui ouvrent même les dimanches, j’avoue que c’est ce sur quoi notre pays doit mettre plus ses efforts. Les gens ont le temps ici, la preuve, il y a des services qui ferment à midi et demi qui rouvrent à 15h c’est vrai, mais on peut mettre en place de petites permanences où on va continuer à recevoir les usagers qui voudront faire des opérations. Ces permanences permettront à ceux qui ne pouvaient laisser leur poste vacant aux heures normales de service, de venir entre 12h 30 et 15h pour soit légaliser leurs papiers, payer leurs factures comme le font certaines sociétés etc. J’ai remarqué par contre que rien n’a changé dans certains domaines. Je vois que dans certains services, les gens peuvent laisser leur poste aux heures de service pour aller faire des courses personnelles ; j’avoue qu’aux Etats-Unis ça ne se fait pas. Mais si les Burkinabè continuent à bouger comme je l’ai observé pendant mon séjour, je dirai que notre pays sera parmi les pays qui bossent beaucoup et bien et on ne peut qu’avancer.

Aujourd’hui, de plus en plus de Burkinabè ne rêvent que du pays de l’Oncle Sam et l’immigration vers ce pays s’est nettement accrue. Comment vous appréhendez cela ?

E.B : Je crois que c’est une bonne chose si les Burkinabè sortent de plus en plus. Mais de ma propre expérience, je dois dire que c’est mieux d’immigrer légalement dans ces pays-là. Que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, il vaut mieux immigrer légalement parce qu’aujourd’hui la situation dans ces pays de rêve fait déchanter. Tout le monde a entendu parler de la crise financière et économique ; ce sont des crises qui sont venues rendre encore plus rude le marché de l’emploi. Ceux qui sont là-bas sans papiers vous le diront les patrons diminuent les heures de travail, on donne des jours de repos auxquels tu ne t’y attendais pas, parce qu’il n’y a plus d’argent. Mais si tu es en situation légale, tu te mets au dessus de la mêlée parce que rien ne peut t’arriver une fois que tu es en situation légale. Je pense aussi qu’il faut que les Burkinabè qui partent aux Etats-Unis prennent le temps pour aller à l’école et apprendre l’anglais. C’est nécessaire. J’en connais pas mal qui malgré le fait qu’ils aient duré dans ce pays parlent difficilement la langue. Mais à part les étudiants ceux qui sont partis là-bas comme moi et qui ont décidé de rester, beaucoup ne vont pas à l’école.

Ils se cantonnent beaucoup plus à la recherche de l’argent, alors que ce n’est pas une vie ça. Ils ont peut-être leur plan qui est de ne pas s’intégrer, mais pour ceux qui cherchent à s’intégrer, trouver un moyen pour aller à l’école c’est très important. Par expérience je sais que si tu dis à quelqu’un de ne pas venir que c’est difficile on te dit oui pourquoi toi tu es là-bas et tu ne rentres pas ? Mais je dis que si c’était à recommencer je ne le ferai plus parce que la quantité de travail que nous faisons là-bas, nous pouvons réaliser le même investissement personnel et physique et nous aboutirons aux mêmes résultats. J’ai pris l’exemple de certains services qui ne ferment pas, c’est parce que les choses tournent à plein feu et que les gens bougent que tout marche. Celui qui veut immigrer, il n’a qu’à tout faire pour venir légalement. Parce que quand tu rentres de façon illégale, j’avoue que ce n’est pas facile.

Avez-vous des projets pour votre pays ?

E.B : Projet pour le Burkina ce ne sera prétentieux de ma part parce que je ne suis qu’un des pauvres immigrés burkinabè là-bas. Je le dis parce que je ne suis pas le plus nanti mais je suis venu juste en vacance pour rendre visite à ma famille. Si j’étais milliardaire, je ne sais pas, peut-être que ça va venir parce que je peux peut-être gagner à la loterie et avoir des milliards. En ce moment, je pense que je pourrai parler de projet pour mon pays. Projet personnel, c’est retourner, finir mon école parce que je prends des cours d’informatique et puis dès que j’aurai fini, je verrai dans quelle mesure je pourrai ouvrir une petite maison d’informatique au Burkina tout en travaillant là-bas.

Un retour définitif au pays est-il dans les projets de M. BOUGMA ?
E.B : Oui sans doute. Je travaille au service clientèle pour le compte d’une société aux Etats-Unis mais je pense que quand il sera temps je reviendrai pour m’installer parce que vu ce qui se passe là-bas,, il est mieux de s’installer au Burkina parce qu’on vit mieux ici que là-bas. Le retour s’impose pour plusieurs raisons. Au Burkina, je ne paierai pas un loyer pour habiter alors que, aux Etats-Unis, ma femme et moi nous sommes en train d’acheter une maison et ce n’est pas facile.o

Frédéric ILBOUDO

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