Actualités :: BCB - Mégamonde : Un deal mafieux de près de 9 milliards de Fcfa

Dans Le Reporter N°33 du 1er au 15 novembre 2009, nous avons révélé
que des responsables de la Banque commerciale du Burkina (BCB) étaient
dans la tourmente. Une affaire de crédit documentaire accordée à la
société Mégamonde pour l’importation de motocycles engagée depuis 2005, semble virer en une supercherie qui coûterait à la BCB, la rondelette
somme de 9 milliards de francs CFA.

Des agents de la banque sont accusés d’avoir trempé dans un deal de malversations sur 531 motocycles, 436 blocs moteurs, 738 téléphones portables et 327 climatiseurs. L’affaire est d’abord passée à la gendarmerie suite à une plainte de la BCB contre deux de ses cadres : Ibrahim Traoré, chef du service Suivi, et Abdoulaye Ouédraogo, Chef du service Recouvrement et contentieux. Elle a ensuite atterri au palais de Justice où les faits semblent avoir été requalifiés. Ainsi, en plus de ces deux cadres, un troisième aurait été épinglé. Il s’agirait du Directeur général adjoint, Lorcendy Traoré. Tous trois sont inculpés pour abus de confiance.

Pour rappel, la BCB et Mégamonde ont convenu d’un crédit documentaire
pour l’importation de motocycles. Mégamonde importe les motos et
d’autres marchandises (climatiseurs et téléphones portables) et la BCB
paie directement l’exportateur. En retour, Mégamonde doit verser
progressivement à la BCB, les fruits des ventes jusqu’à concurrence du
montant total de la somme versée à l’exportateur. L’affaire remonte à
2005. Le crédit documentaire est une sorte de préfinancement qu’une
institution financière accorde à un client importateur. Ce dernier
engage sa commande et la banque paie. En retour, l’importateur reverse à
la banque, les fruits de la vente des produits à concurrence du montant
dû à cette dernière. Pour s’assurer que l’accord sera exécuté comme
convenu, les deux parties décident de mettre en place un comité de suivi
des stocks et des sorties de motos et autres marchandises objets du
crédit documentaire. Ce comité comprend des agents des deux partenaires.

Les agents de la BCB ont pour mission de surveiller chaque sortie de
marchandises du magasin afin de permettre à la Banque de s’assurer que
Mégamonde versera les sommes qu’elle lui doit. Le faisaient-ils ? On
n’en sait rien, pour l’instant. Toujours est-il que non seulement
Mégamonde ne s’exécutait pas, mais en plus, cette société bénéficiait
d’autres crédits pour de nouvelles commandes alors que les précédents
n’étaient pas soldés. Ainsi, progressivement, son compte s’est dégradé
et les crédits auraient été cumulés jusqu’à 9 milliards de FCFA.
*Certains cadres avaient déjà attiré l’attention de l’ex-Directeur
général, Mahmud Hamouda, sur le fait que Mégamonde n’honorait pas ses
engagements vis-à-vis de la banque.* Mais ces interpellations sont
restées lettres mortes. Les deux partenaires ont continué à faire des
affaires ensemble. A ce que l’on dit, cette affaire juteuse pour
Mégamonde implique des gros bonnets qui servent de caution ou de
protection politique. Le juge d’instruction travaillerait à faire toute
la lumière sur cette affaire. Mais une question demeure : se
contentera-t-il de petits poissons ou pourra-t-il mettre le grappin sur
tous ceux qui auraient trempé leur babine dans cette mangeaille ?

Plainte pour malversations

Dans tous les cas, la BCB s’est retrouvée dans l’obligation d’engager
des procédures de recouvrement des sommes dues. Coincée par la Banque
centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui lui reproche sa
gestion peu respectueuse des normes en matière de règlementation
bancaire, la BCB serait actuellement dans un processus de
recapitalisation à hauteur de 18 milliards de FCFA. En juillet dernier,
elle a changé de Président du conseil d’administration. Et la LAAF Bank
(Libye), actionnaire principal de la BCB (50%), avait décidé, en
octobre, de nommer un nouveau Directeur général. Mais, finalement, elle
aurait renoncé du fait des résistances du côté burkinabè…

C’est en 2007 que la mission de suivi des stocks et des sorties des
marchandises du magasin de Mégamonde échoit aux deux agents, messieurs Traoré et Ouédraogo. Ces agents devaient rendre périodiquement compte à la banque, des opérations de ventes des marchandises. Mais la situation des comptes de cette société à la BCB ne s’est guère améliorée. En janvier 2009, *constatant la dégradation du compte de Mégamonde, le train de vie de monsieur Traoré qui serait plus élevé qu’il ne devrait l’être et les rumeurs qui circulaient sur ce train de vie, la Direction générale de la BCB a demandé aux agents commis au suivi des stocks et des sorties des motos, de faire le point*. Tenez ! Ça existe, le délit d’apparence dans cette banque, on dirait !

Certainement insatisfaite du compte rendu des agents concernés, la BCB décide de faire un contrôle inopiné au magasin à Kossodo. C’était
en janvier 2009. De ce contrôle inopiné, il est ressorti des manquants
de 531 motocycles, 436 blocs moteurs, 738 téléphones portables et 327
climatiseurs. Le 24 février, la direction de la banque adresse une
correspondance à Mégamonde pour lui faire part des manquants. Deux
semaines plus tard, Mégamonde réagit. Tout en déplorant cette situation,
elle s’engage à y remédier. Mais cet engagement ne semble pas être suivi
d’actes concrets. La BCB a d’abord saisi un cabinet d’avocats pour
engager une procédure de recouvrement.

Ensuite, par lettre N°09/176/BCB/DG/SG/DRHA du 2 juin 2009, la Direction
générale de la BCB saisit la brigade de ville de la gendarmerie de
Boulmiougou, à Ouagadougou, d’une plainte contre Irahim Traoré et
Abdoulaye Ouédraogo pour malversations commises au magasin de la société Megamonde, sis à Kossodo.

Relevés de leurs fonctions, sauf le DGA !

La gendarmerie ouvre une enquête, entend les personnes accusées et
d’autres agents de la BCB ainsi que le magasinier de Mégamonde. Tous ont
accablé Ibrahim Traoré d’avoir organisé des sorties frauduleuses de
motos, en complicité avec le chef de l’usine de Mégamonde, un certain
Youssef Youssef. Mais, « sur instructions verbales du Procureur du Faso »
d’alors, la gendarmerie n’a pu entendre des agents de Mégamonde, à
l’exception du magasinier. Qu’à cela ne tienne ! La gendarmerie a bouclé
son enquête et a transmis son rapport au parquet du Procureur du Faso,
près le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, le 24 juin 2009.

Dans l’instruction du dossier, les faits semble avoir été requalifiés.
Les deux agents Abdoulaye Ouédraogo et Ibrahima Traoré auxquels s’est
joint le Directeur général adjoint, Lorcendy Traoré, sont poursuivis et
inculpés pour abus de confiance. Quel est le degré de responsabilité du
Directeur général adjoint ?

*Les deux agents sont relevés de leurs fonctions. Ibrahim Traoré, qui
est délégué de personnel, est en plus suspendu. Une demande de son
licenciement aurait été introduite à l’Inspection du travail. Quant à
Abdoulaye Ouédraogo, il a été rétrogradé. Le DGA, lui, est toujours en
fonction. *Deux autres cadres de la banque ont été relevés de leurs
fonctions et affectés au contrôle interne comme simples agents. Ont-ils
quelque chose à voir dans la procédure en cours ? Nous en saurons davantage.

Cette affaire n’a pas encore livré tous ses secrets. Ce qui est curieux,
c’est que la BCB a laissé cumuler les crédits. Non seulement le
partenaire Mégamonde ne respectait pas ses engagements, mais il continue
de bénéficier de nouveaux crédits. Et son ardoise n’a fait que « grimper »
jusqu’à atteindre les 9 milliards. Le deal ne date pas de la période
concernée par la plainte de la BCB mais depuis 2005. Mieux, aussi
curieux que cela puisse paraître, la banque qui estime que son DGA a
abusé de sa confiance le maintient à son poste. Même pas de sanction
administrative alors que les deux autres inculpés ont été relevés de
leurs fonctions, soit suspendu, soit rétrogradé.

Au demeurant, cette affaire Mégamonde n’est pas la seule qui
pose problème à la BCB. Mais curieusement l’Etat qui est actionnaire à
hauteur de 25%, garde un silence incompréhensible. La Caisse nationale
de sécurité sociale (CNSS) détient aussi 25% du capital mais elle ne dit
rien. La partie burkinabè a un total de 50%. C’est assez pour mériter un
suivi méticuleux de la gestion quotidienne de la banque. En tous les
cas, selon certaines personnes bien au fait du dossier, même si des
soupçons pèsent sur Ibrahim Traoré, il aurait bénéficié de complicités
et de bonnes protections au plus haut niveau, tant à l’intérieur de la
banque qu’à l’extérieur. Et comme il est de coutume au Burkina Faso, il
faut espérer que l’on ne se contente pas de pêcher les petits poissons
en protégeant soigneusement les gros bonnets. Affaire à suivre.

Boureima OUEDRAOGO

Le Reporter

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