Actualités :: GROSSESSES NON DESIREES : La hantise de la jeunesse

Ils sont nombreux les jeunes victimes des grossesses non désirées. Jeunes filles et jeunes garçons sont parfois sous l’emprise de cette situation qui conduit souvent aux avortements clandestins, toute chose qui met en péril la vie de la fille. Mais, des problèmes dans les couples engendrent également ces grossesses non désirées. Que faire surtout quand cette frange jeune de la population est ainsi exposée ?

Lorsqu’on parle de grossesse non désirée, ce sont la fille et la femme qui sont les premières concernées. Ce sont elles qui portent la grossesse, ce sont elles qui la supportent et qui décident de la garder ou non. Sous nos cieux, la jeunesse est livrée à certains maux comme le manque d’éducation viable, les facilités et le manque d’informations. Un cocktail de dangers qui lui ouvre la voie à toutes les surprises désagréables. A cela s’ajoute la fragilité des couples qui conduit le (la) conjoint(e) à aller « chercher dehors » avec tous les risques que cela comporte.

Le gain facile, la pauvreté, le manque d’éducation et l’ignorance sont les vecteurs de cette désolante situation. Lorsque mademoiselle K.Y. nous confie qu’elle n’avait plus de choix que de se livrer au premier venu « pourvu qu’il ait de l’argent pour supporter mes études parce que je suis orpheline de père et de mère depuis l’âge de 16 ans », on comprend dès lors toute la complexité de la situation. Sa copine a beau la convaincre que ce n’est point la solution « parce qu’elle peut se confier à des associations ou autres structures pour l’aider », K.Y. reste convaincue que dans ce monde « il n’y a plus rien sans rien » avant d’ajouter, le visage fourré dans ses deux paumes : « Je ne le fais pas parce que je veux, mais pour survivre et préparer mon avenir ». Mais quel avenir dans un îlot d’incertitudes, d’angoisses, surtout quand une grossesse intervient, quand l’enfant naît dans ces « bras vides », augmentant ainsi le capital « soucis » ?

Ce n’est pas la jeune fille de 17 ans, élève à Kaya, G.M., qui dira le contraire. Elle a accepté de nous raconter son amère histoire : « Dans les jeux d’invisibilité qu’on organise dans les établissements, je suis tombée sur un jeune garçon, charmant et gentil. Ses parents sont à l’aise. Nous avons cheminé quelques mois ensemble, dans la simplicité jusqu’au jour où il m’a invitée à aller connaître chez lui. Je n’ai pas hésité. C’était la première fois où chacun parlait de sa situation sociale. Lorsqu’il a su que j’avais de sérieux problèmes à me nourrir, à m’habiller et surtout à payer ma scolarité, il n’a pas hésité à me proposer son soutien. J’ai eu un peu peur, mais il m’a assurée que ce que je venais de lui dire l’avait vraiment touché et qu’avec l’aide de ses parents, il pourrait m’aider. C’est ainsi que les petits gestes se multipliaient et il finira un jour par me proposer son amitié. Il a précisé que cette amitié irait jusqu’au mariage si Dieu le voulait. J’ai accepté. Un jour, dans nos ébats amoureux, je me suis laissée emporter sans me protéger.

Ce qui devait arriver arriva : une grossesse. Mes parents pauvres mais très respectés et qui étaient fiers de leur réputation, attachés à la religion catholique, devaient-ils apprendre cette nouvelle ? Lorsque j’en ai parlé à mon ami, il n’avait qu’une seule proposition : avorter parce qu’il n’a pas l’âge et le temps d’être père. J’étais face à un dilemme : informer mes parents très vite et subir leur réaction ou accepter l’avortement comme le propose mon ami. Je me suis mise à prier, à supplier mon Dieu de me sauver. Je tombai sur un verset de ma Bible, Deutéronome 30 ; 19, qui disait : « Aujourd’hui, je mets devant toi la mort et la vie, la bénédiction et la malédiction : choisis la vie ». Je choisis donc la vie quoiqu’il arrive. Cette décision m’a éloignée de mon ami et je peine aujourd’hui parce que mes parents m’ont aussi rejetée. Je suis restée chez une amie jusqu’à l’accouchement avant que ma maman parvienne à convaincre mon père de me laisser revenir à la maison. Mon enfant a grandi, je suis fière d’avoir choisi de le garder. »

Conséquences des rapports non protégés

L’histoire de cette jeune fille pose le problème des rapports non protégés. Faire l’amour sans protection c’est aussi courir le risque de se retrouver enceinte. Pire, les relations sans protections exposent les partenaires à certaines maladies dont le VIH/Sida. Mais il y a tous les alibis pour désorienter l’innocente jeune fille que rien n’arrivera. C’est ce qui est arrivé à Eudoxie, élève en classe de 3e à Bobo Dioulasso. Elle raconte que sous l’effet de l’alcool (on lui avait fait boire beaucoup de bière ce jour-là), son copain a abusé d’elle. Ce n’est qu’après l’acte qu’elle s’est rendue compte qu’elle venait d’avoir des rapports non protégés. Du coup, elle a été plongée dans des interrogations interminables parce qu’elle n’avait pas trop confiance en son copain.

Les méthodes contraceptives ne sont pas connues. En dehors du préservatif masculin et des pilules, les autres sont très mal connues malgré toutes ces campagnes de sensibilisation. Des jeunes filles ne maîtrisent pas leur cycle menstruel. Daouda Zongo, ironique confie : « Ce ne sont pas seulement les filles qui sont victimes des grossesses non désirées. Elles nous piègent aussi, espérant juste nous obliger à les épouser ou en tout cas à nous occuper d’elles ». En effet, la grossesse pour certaines filles est un passeport pour le mariage. Ainsi, il se trouve des filles qui utilisent toutes les stratégies possibles pour dérouter leurs partenaires afin d’avoir un enfant. Là, bien que c’est la femme qui porte la grossesse, cette dernière est non désirée par le copain. S’il décide d’assumer, il est contraint de l’amener chez lui, c’est-à-dire chez ses parents.

Le phénomène des grossesses non désirées est beaucoup plus fréquent en milieu scolaire. Nathalie Zoungrana, en classe de 4e dans un lycée de Ouagadougou est devenue très tôt fille-mère, avec des jumelles sous les bras. Sa mère a quitté le foyer. Son père est un pensionnaire des bars. Elle est la deuxième fille d’une famille de 4 enfants. C’est elle seule qui fréquente. Elle est donc seule à s’occuper de ses jumelles qui n’ont pas eu la chance de connaître leur père puisque ce dernier a décliné toute responsabilité face à cette situation car, argumente-t-il : « Je n’étais pas le seul à sortir avec elle ».

Si vous demandez donc à Nathalie qui est le père de l’enfant, ce sont des larmes qui constituent sa réponse, le menton soutenu par ses frêles mains. Ce n’est pas la sœur aînée qui pourra situer le papa « irresponsable » sur le nom du père des jumelles puisqu’elle ne l’a jamais vu. C’est la misère et la désolation qui freinent ainsi les études de la seule scolarisée de la famille. Lorsque des encadreurs se mêlent à la danse pour brouiller l’avenir de leurs élèves, c’est le comble. Abzèta Koulibaly, élève à Banfora, est stupéfaite : « Un de mes professeurs m’a enceintée tout en sachant qu’il ne va pas m’épouser. Je l’ai dénoncé devant l’administration, mais il a toujours été couvert. Je souffre aujourd’hui avec mon bébé et lui continue sa route ». Le hic, c’est que le harcèlement ne vient pas seulement des enseignants. Des filles harcèlent aussi leurs professeurs dont les plus faibles finissent par chanceler.

Donner toujours la vie

Les jeunes filles, de nos jours, n’ont plus peur de faire des rapports non protégés. Pour certaines, le seul objectif, c’est l’argent. Si la maladie survient, c’est l’œuvre de Dieu. Conséquences, elles sont nombreuses à véhiculer stress et angoisses dans le sillage de tous ceux qu’elles captent dans leur élan. Puis, ce sont des avortements à n’en pas finir, des abandons d’enfants devant églises et mosquées, dans des fossés et poubelles. Et nos orphelinats sont vite remplis.

Elles sont très tôt mère sans aucune ressource. Heureusement que des structures volent souvent à leur secours. C’est le cas de CARMEN Kisito (Centre d’accueil, de réinsertion de la mère et de l’enfant). Cette structure catholique gérée par l’association Kisito accueille des filles-mères et des filles en grossesse rejetées par leurs parents et présumés conjoints. Face à tous ces problèmes, la solution réside dans l’éducation. Le sexe ne doit plus être un tabou dans nos familles. La jeune fille et le jeune garçon doivent être éduqués dans ce sens par les parents. Ces derniers démissionnent parfois, puisque eux-mêmes ne sont pas un exemple. Au lieu d’être prompts à bannir et chasser leurs filles de leurs cours en cas de grossesses, les parents gagneraient à mettre l’accent sur l’éducation. C’est ce genre de comportements qui amènent certaines filles (qui ne savent où aller) à se suicider ou à avorter. Or, les avortements installent des séquelles irréparables. Les conséquences physiques et psychologiques sont importantes.

Il ne faut jamais résoudre un problème, quoi qu’il en soit, au prix de la vie d’un enfant. L’avortement blesse ; l’avortement est condamné par la loi burkinabè. On peut ne pas se soucier de la détresse de sa compagne après ses forfaits, mais jamais prendre le raccourci de l’avortement. Le véritable bonheur pour un père est de consacre sa vie à ses enfants. Des femmes avortent par manque de soutien du père, mais la chose à retenir est qu’il faut s’épauler et réfléchir ensemble quand une grossesse (désirée ou non) intervient. La femme est la première concernée par une grossesse. Le choix de la garder ou non lui revient. Mais elle doit toujours se rappeler cette réalité : Si Dieu donne la vie, il va s’en occuper. Quand Il crée, Il nous aide à assumer ces conséquences. Peu importe les circonstances difficiles entourant cette grossesse non désirée. Cette vie Lui appartient et nous devons L’honorer en donnant à l’enfant toutes les chances de vivre.


Témoignages de jeunes de Gaoua qui ont requis l’anonymat

O.Y.P (élève fille) : J’ai eu un cas de grossesse non désirée quand j’étais élève en classe de 3e. Je sortais avec un monsieur un an durant. On faisait des rapports sexuels non protégés. Un jour, j’ai appris que mon partenaire n’était pas sérieux parce qu’il sortait aussi avec mes copines. J’ai donc décidé d’arrêter. Un mois après cette décision, je me suis rendu compte que j’étais enceinte de lui. Pourtant j’étais élève. Je suis allée l’informer mais il n’a pas accepté en assumer sous prétexte qu’on s’est quitté il y a un mois de cela.

Et il est parti à Abidjan. Je ne savais quoi faire. Par la suite, mes parents ont appris la nouvelle. Ma maman passait son temps à m’épier parce qu’elle pensait que j’allais avorter. Effectivement, j’avais pensé entre-temps à cette solution. Elle ne cessait de me donner des conseils en disant que c’est un être humain que je portais dans mon ventre. A chaque fois que j’écrivais au futur père de mon bébé, il ne me répondait pas. C’est ma maman qui me donnait presque tout. 7 mois après, il était de retour au pays. Je ne sais pas ce qui l’a pris, mais il a envoyé des gens venir me demander pardon, parce qu’il accepte maintenant la grossesse. Je ne l’ai pas écouté. Dieu merci, j’ai accouché et l’enfant a 3 ans cette année. Je suis très contente. Depuis que cet enfant est venu au monde, je ne rencontre que la chance dans ma vie. La grossesse n’a pas été désirée, mais l’enfant, je le désire car c’est ce que j’ai de plus cher aujourd’hui.

P.R (élève garçon) : J’ai une amie qui a eu une grossesse non désirée avec son copain. Pourtant, c’est elle qui a mis le préservatif à son copain le jour de l’acte. Elle est venue se confier à moi. Pour elle, si elle dit à son copain qu’elle est tombée enceinte malgré le fait qu’il ait porté le préservatif, il ne va pas la croire. La solution pour elle donc était d’avorter. Ses parents ne vivent pas. Je l’ai convaincu du contraire et elle a accepté garder la grossesse et le bébé est venu au monde. J’invite les jeunes filles à prendre conscience du phénomène. L’avortement n’est pas la solution. Une grossesse non désirée peut arriver à tout le monde. Ma propre grande sœur en a été victime alors qu’elle était en 3e .

Chez nous les musulmans, la fille ne doit pas accoucher à la maison, parce que dit-on, le papa peut mourir. Il était donc convenu que ma sœur avorte. Pour cela, on est allé à l’hôpital. Le médecin a trouvé une solution : mettre une perfusion à la fille tout en lui faisant croire que la grossesse va couler. C’est seulement quelques mois après qu’elle voyait que son ventre ne faisait que "pousser" davantage. Les parents ont su. Un oncle est venu dire que ma sœur doit quitter la cour. Elle a informé son copain qu’elle ne pouvait pas rejoindre puisque lui-même est sans tuteur. Le bébé est venu au monde. On a arrangé les choses après, côté coutume, et les deux vivent ensemble aujourd’hui. L’enfant est un trésor actuellement pour le couple.


CARMEN Kisito : Le refuge des filles désabusées

Lorsqu’on parle de grossesse non désirée, les responsables de CARMEN Kisito en savent quelque chose. Le Centre d’accueil et de la réinsertion de la mère et de l’enfant est cet endroit indiqué pour accueillir, écouter, conseiller et héberger de jeunes filles et leurs enfants en difficultés. Elles sont nombreuses à être exploitées par des hommes qui n’ont de souci que satisfaire leur simple plaisir. Depuis 1996 , CARMEN Kisito, dont le président-fondateur est l’Archevêque de Ouagadougou, s’investit dans cette œuvre sociale. Situé aux 1200 logements, il est géré par les Sœurs de la Congrégation des Sœurs de l’immaculée conception (SIC) suivant une convention à durée illimitée. A CARMEN Kisito, c’est une prise en charge totale des filles-mères admises.

Depuis son inauguration officielle le 11 février 2006, CARMEN Kisito a accueilli plus de 145 filles qui ont mis au monde une centaine de bébés. On y a même enregistré une fille de 14 ans. Triste ! La sœur directrice, Sr Marie Ouédraogo et ses collaborateurs font des pieds et des mains pour rester en veille afin de toujours venir au secours à cette couche vulnérable de la société. Malheureusement, les chiffres vont grandissants. A titre d’exemple, le Centre a accueilli 32 filles en grossesse en 2007 contre 41 filles en 2008 et 42 en 2009.

Par Alexandre Le Grand ROUAMBA

Le Pays

Burkina : La pose de hénné, un business qui marche pour (...)
Lutte contre le terrorisme : « Il y a certaines (...)
Burkina / Concours de la magistrature : La maîtrise ou (...)
Bobo-Dioulasso : Un an de silence depuis la disparition (...)
Burkina/Coupures d’eau : Au quartier Sin-yiri de (...)
Burkina/Lutte contre l’insécurité : La direction générale (...)
Burkina/CHU Souro Sanou : La CNSS offre une automate de (...)
Burkina/Santé : Médecins Sans Frontières offre de nouveaux (...)
57e session de la Commission population et développement (...)
Burkina/Action sociale : L’association Go Paga devient « (...)
Bobo-Dioulasso : Les chefs coutumiers traditionnels (...)
Burkina Faso : Le secrétaire général de la CGT-B, Moussa (...)
Burkina : La Côte d’Ivoire va accompagner le retour (...)
Burkina/Enseignement supérieur : L’université Joseph (...)
Burkina : « Nous demandons à notre ministre de tutelle de (...)
La Poste Burkina Faso : « Malgré la crise sécuritaire, les (...)
Bobo-Dioulasso : Incinération de produits prohibés d’une (...)
Burkina/ Mesures de réponses aux pandémies et crises (...)
Burkina/ Programme OKDD : Validation d’un plan de (...)
Association Beoog-Neeré du Ganzourgou : 320 caprins pour (...)
Burkina/ Rencontre inter-réseaux 2024 : L’élimination des (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36519


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés