Actualités :: DOUANE ET GENDARMERIE : L’affaire qui dérange !

La Brigade de recherche de la gendarmerie de Banfora est très mal à l’aise. Certains de ses éléments, et non des moindres, sont au centre d’une affaire qui commence à faire grand bruit. Ils ont intercepté un camion en provenance de la Côte d’Ivoire, transportant dix tonnes de farine fraudée ; ils ont exigé que le propriétaire paie un million de francs CFA ; ils n’ont pas délivré de reçu ; d’ailleurs, ce n’est pas leur job d’exiger quelque centime que ce soit. Ils auraient dû conduire le propriétaire du véhicule et la marchandise fraudée à la Douane. C’est elle qui s’occupe des questions de fraude. Les gendarmes le savaient mais ils ont préféré goûter à la soupe. L’affaire, comme une bombe mal maîtrisée, s’apprête à exploser et à les éclabousser de fort mauvaise manière.

L’affaire a fait tilt le 12 novembre 2009. Le gros camion, plein de marchandises fraudées, avance péniblement vers Banfora. Déjouant au passage certaines barrières des forces de sécurité. Il bifurque par Orodara, passe par le village de Mondon, puis à Bérégadougou, avant de se diriger gaillardement vers la capitale du Paysan noir. Il réussit à se réfugier dans l’ex-gare de la société SOTRAKOF. Le conducteur pousse enfin un ouf de soulagement. Fier d’avoir trompé la vigilance des « hommes en tenue ». Mais c’était mal connaître les flics. Ils l’ont suivi, au moment où des douaniers étaient également à ses trousses. A peine s’est-il arrêté qu’une dizaine de gendarmes débarquent et le somment de conduire immédiatement le véhicule dans leurs locaux pour « des contrôles approfondis ». Le chauffeur s’exécute. Il tente de négocier afin d’obtenir la clémence des gendarmes, en vain.

Le véhicule et les dix tonnes de farine sont gardés à la Brigade de recherche pendant trois jours. Le 14 novembre, vers minuit, le gros camion réussit à s’échapper des griffes des gendarmes. Mais là, ce n’était pas de façon frauduleuse. Le chauffeur a reçu l’autorisation de « libérer immédiatement les lieux ». Selon certains gendarmes ayant requis l’anonymat, l’argent a été à la source de cette délivrance. Un million de francs CFA gracieusement remis par le frère du propriétaire du véhicule ! « Mais l’opération s’est déroulée sans trace », confie l’un des flics. « Ici, pour ce genre d’opération, les gendarmes qui reçoivent l’argent ne remettent pas de reçu, ni une attestation quelconque », ajoute-t-il. En clair, il s’agit d’un deal mafieux. Dans la cité du Paysan noir, « cette pratique est courante », confie un opérateur économique. « Certes, la gendarmerie n’a pas de ‘’quitancier’’, mais ça nous revient à chaque fois moins cher. Nous n’arrivons pas à supporter les coûts imposés au niveau de la douane ». Ainsi, il a fallu payer seulement un million de francs pour que le gros camion plein de marchandises fraudées reprenne son chemin, en toute impunité.

« Remettez-moi mon argent ! »

Mais ce jour-là, contre toute attente, le ciel est tombé sur la tête du chauffeur. A peine le véhicule a-t-il été libéré qu’il est tombé dans les filets de la douane qui, elle aussi, était aux aguets. Le conducteur a alors été sommé de conduire la marchandise fraudée à la Brigade des douanes de Banfora. Les explications du type « on a déjà payé à la gendarmerie » ont été balayées du revers de la main par les douaniers visiblement déterminés à accomplir leur mission. Là aussi, le frère du propriétaire du véhicule tente de sauver les meubles. En vain. Son cauchemar commence lorsqu’il se retrouve complètement incapable de fournir quelque document que ce soit, justifiant l’importation de cette farine de blé en provenance de la Côte d’Ivoire. Les gendarmes, auteurs de la première interpellation, sont embarrassés. Ils craignent que le frère de l’opérateur économique ne lâche le morceau : ces ‘’un million’’ de francs CFA qui se sont réfugiés dans les poches de certains d’entre eux. « Il n’y a pas eu de reçu », insiste une source proche du propriétaire du véhicule. Il fallait vite recoller les morceaux pour éviter que les choses se gâtent davantage.

La gendarmerie a alors été vivement sollicitée pour intercéder auprès de la Douane pour que le véhicule soit libéré « dans les meilleurs délais ». Avant que la sentence des douaniers ne tombe, brusque et fracassante, sur la tête de l’opérateur économique. Mais que pouvait la gendarmerie face à cette situation ? Absolument rien. De sources proches de la Brigade de recherches de la gendarmerie, l’argent a été encaissé en toute illégalité. « Les gendarmes devaient normalement conduire le véhicule et la marchandise à la Brigade des douanes afin que cette dernière évalue les pénalités et voie la suite à donner », affirme-t-on, avec insistance. Selon le Code de la Douane, les gendarmes peuvent apporter un appui aux douaniers dans les opérations de saisies. Mais ils ne doivent pas encaisser d’argent.

C’est plutôt la Douane qui se charge de ce volet. D’ailleurs, à ce sujet, le Code est clair : « Les infractions douanières peuvent être constatées par un agent des douanes ou de toute autre administration. Ceux qui constatent une infraction douanière ont le droit de saisir tous objets passibles de confiscation, de retenir les expéditions et tout autre document relatif aux objets saisis et de procéder à la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités (…) Les marchandises et moyens de transport saisis sont conduits et déposés au Bureau, au Poste ou à la Brigade de Douane le plus proche du lieu de la saisie ». Mais à Banfora, le gros camion contenant la farine fraudée n’a pas été conduit à la Douane. La raison, c’est qu’un million de francs CFA est passé par là !

Mais l’affaire ne s’arrête pas à ce chapitre. « Comme la gendarmerie ne voulait pas intervenir auprès de la douane pour libérer le camion et la marchandise, l’opérateur économique a demandé que son argent lui soit remis », affirme un agent de la Brigade de recherche de la gendarmerie. « Il fallait qu’on retire l’argent parce qu’on était obligé de payer encore à la Douane », confie un proche de l’opérateur économique.

56 millions à payer

Selon plusieurs sources, le camion et la marchandise fraudée n’ont pas échappé aux douaniers. Ils tenaient coûte que coûte à appliquer la loi. Après avoir interrogé le frère de l’opérateur économique qui, jusque-là, a suivi l’évolution de l’affaire, les dix tonnes de farine ont été évaluées à quatre millions de francs CFA et le véhicule à dix millions de francs. Donc, au total, quatorze millions de francs CFA ! Mais ce n’est pas tout. En la matière, la loi prévoit que la personne prise dans le piège paie le quadruple de la valeur des objets confisqués. Petit calcul : 14 000 000 X 4 = combien ? 56 millions de francs CFA ! Un vrai pactole ! Sans doute que l’opérateur économique pris dans le piège, après avoir entendu cette somme, a commencé à suer à n’en point finir. Mais combien a-t-il finalement payé ? Nous avons tenté en vain de le savoir. Mais de nombreuses personnes contactées affirment qu’ « à la Douane au moins, la procédure a suivi la voie normale ». Même s’il fallait payer plus cher ! Le camion a finalement été « libéré ». Mais l’opérateur économique n’oubliera pas de si tôt, cette encombrante affaire. Il a emprunté les chemins tortueux de la région des Cascades et il est tombé dans le piège !

Depuis lors, la gendarmerie et la douane de Banfora se regardent avec un petit air de dédain. Jusqu’où ira cette affaire ? Il semble que certaines autorités ont été saisies pour rétablir un climat de confiance entre les deux parties. Et rappeler à chacun son rôle. Car tous rendent un service important à la société. Mais il faut le faire avec cohérence et dans les règles de l’art. En attendant, selon certains opérateurs économiques, le jeu de micmacs continue. En toute impunité…

Par Hervé D’AFRICK, Envoyé spécial à Banfora

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