Actualités :: Bandes de servitudes et zones inondables : « Très prochainement, les (...)
Vincent Dabilgou

Le conseil des ministres, en sa séance du 19 septembre a adopté un décret portant réglementation des bandes de servitudes et des canaux primaires d’évacuation des eaux pluviales des zones inondables. Nous avons rencontré Vincent Dabilgou, ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme pour une meilleure compréhension de ces dispositions.

Sidwaya : Monsieur le ministre, quelles sont les zones concernées par les dispositions du décret pris en conseil des ministres relatif aux bandes de servitudes et des zones inondables, inconstructibles ?

V. D. : Si vous êtes sur un terrain situé plus bas que le niveau des eaux, vous êtes dans une zone inondable. Si vous êtes installé dans un marigot, vous êtes dans une zone inondable. Nous appelons marigot les bassins versants de la ville de Ouagadougou où il y a stagnation d’eau, parce que ce n’est pas aménagé. Ou encore, vous êtes en tête de pont d’un marigot, auquel cas vous recevez l’eau à plein fouet. Ces zones sont reconnues inondables. Dès lors qu’il tombe plus d’eau que d’habitude, vous êtes inondé. Très prochainement, il va y avoir une identification claire et les personnes concernées vont savoir si elles sont dans les zones repertoriées. Il y en a même qui le savent déjà. Dans le temps, les services communaux avaient engagé des projets dans le sens du déguerpissement des habitants de certaines zones à risque. Dans cette perspective nous ne conseillons pas ceux qui se savent touchés par la mesure et qui ont eu leur maison tombée de rebâtir sur ces parcelles. Ce sont des principes de précaution que nous avons élaborés pour éviter aux gens de revivre les risques encourus le 1er septembre et dans le schéma d’une urbanisation conséquente.

S : Avez-vous une idée de ces zones ?

V. D. : Elles sont connues et ont été sériées par section. Quand vous prenez l’arrondissement de Baskuy, vous avez par exemple la section BL du secteur n° 3. De l’autre côté des rives du barrage, dans l’arrondissement de Nongr-Massom, au secteur n°23, toutes les sections situées le long du barrage sont concernées.

S : Quel est le sort reservé aux édifices publiques ou infrastructures socio-sanitaires situées dans ces zones ?

V. D. : Tout le monde est concerné. Une ville est à l’image de l’organisme humain. Elle vit en se renouvelant. Nous avons vécu l’inondation comme un corps vit une maladie. Maintenant nous allons réagir. Il est évident que l’hôpital Yalgado, sera redimensionné en fonction des dispositions du décret. Et il n’y a pas que l’hôpital. Il y a aussi l’hôtel des finances, le FESPACO. Si on avait connu une pluie comme celle du premier septembre, on aurait suivi ces précautions dans les plans d’urbanisation, on aurait délimité des amplitudes de servitudes en fonction.

S : Comment les sinistrés seront-ils traités concrètement ?

V. D. : Il y a deux cas de figure. Vous avez des gens dont les maisons sont tombées et il y a ceux qui n’ont pas connu la démolition de leur maison. Dans l’un ou l’autre, ils sont concernés par les termes du décret. Il y a trois solutions possibles. Pour ceux qui sont dans une zone non aménagée, non lotie et qui avaient construit dans un marigot, nous devons trouver un meilleur site pour ces gens. Nous sommes en train de travailler pour trouver des trames d’accueil dans des sites mieux aménagés. Il y a aussi ceux qui sont installés dans des zones aménagées, généralement le long des barrages. Que leur maison soit tombée ou pas ils sont touchés par le décret.

Il va falloir rejoindre une zone qui leur sera aménagée. Mais, il y a dans les mêmes zones des gens qui ont squatté, de sorte à prolonger le lotissement pour s’installer dans les lits des barrages. Ces gens ne peuvent présenter ni titre foncier, ni PUH. Ils ne peuvent pas être traités de la même façon que ceux qui ont été attributaires de leur parcelle. Il y a également ceux qui habitent le long des canaux d’évacuation des eaux. Il faut dégager désormais des zones de servitudes, car ces ménages doivent aller dans une zone que nous devons aménager. Il y a des personnes non concernées par le déguerpissement dans ces mêmes espaces. Dans le sens de l’aide dont a parlé le Premier ministre, ces personnes doivent pouvoir reconstruire. Il y a nécessité de sérier les cas, parce que si le problème devait se résoudre de façon globale, cela poserait des problèmes de compréhension.

S. : On entend dire ici et là que des parcelles avaient été données à certains occupants des zones traditionnellement reconnues inondables en vue de leur déguerpissement. Qu’en est-il ?

V. D. : Ce que je sais, c’est que nous sommes en train, en ce moment de travailler avec les maires des communes concernées. Ce qui est sûr aussi, c’est qu’il s’agit d’un vieux problème, mais au niveau municipal, on n’était pas arrivé à déclencher le processus pour le régler. Il faut reconnaître aussi qu’il y a dans notre pays des citoyens qui ne peuvent être mobilisés que par la pratique, par le vécu. Il était difficile de faire comprendre à des personnes qu’une pluie peut faire déborder un canal de 100 mètres. Les maires avaient tout fait dans ce sens, mais il n’y a pas eu de compréhension. Nous ne savons pas ce qui a été fait, mais il est possible qu’on ait donné des parcelles à des gens qui sont tout de même demeurés là. Dans tous les cas, au niveau des mairies, on peut être situé. Le plus important aujourd’hui, c’est que tout le monde est unanime à comprendre que ce que nous avons vécu doit nous amener à intégrer désormais les changements climatiques dans l’aménagement urbain. Nous allons engager tous les moyens à la disposition du gouvernement pour que le principe de précaution soit respecté à la lettre.

S. : Le décret fait cas d’une politique d’aménagement urbain. Est-ce que le Burkina en dispose ?

V. D. : Nous avons bel et bien un document de politique sectorielle de l’habitat et du développement urbain. Nous avons une loi sur la promotion immobilière, un plan d’action qui soutient cette politique. Nous avons, en plus, le code de l’urbanisme qui est notre bible en matière d’aménagement. Elle a été adoptée il y a déjà trois ans. La politique sous-tend et le code codifie. Notre département est tout jeune, c’est vrai, mais nous avons les outils de planification nécessaires.

S : La question se pose parce qu’on a l’impression qu’il existe une sorte de tandem désaccordé entre votre département et les collectivités territoriales qui font les lotissements. On a même parlé de lotissements sauvages.

V. D. : A ce jour, il n’y a pas de lotissement exécuté par un maire au Burkina sans une autorisation du ministre. Tous les lotissements sont coordonnés. Depuis que notre ministère existe, chaque année nous organisons une cérémonie pour présenter les communes qui vont être concernées par les lotissements. Et nous appelons les maires pour nous fixer les orientations. La ville de Ouagadougou compte plus de 36 000 hectares de superficie. C’est la plus grande dans la sous-région. Et nous devons nous recentrer autour de la politique afin de nous y conformer. Il est clairement indiqué dans notre politique qu’il faut densifier le tissu urbain, tendre à construire en hauteur. C’est dans le sens de la densification que nous pouvons atteindre le développement durable. Ce système est plus profitable pour l’adduction d’eau potable, l’électrification et le transport urbain.

S : Pourtant à vue d’œil, Ouagadougou s’étale plus qu’elle ne s’élève ?

V. D. : C’est une situation que nous sommes en train de gérer. Maintenant, il y a une orientation très claire en matière d’habitat et d’urbanisme. Il y a le code de l’urbanisme qui fixe même les conditions de lotissement. Désormais, que ce soit l’Etat ou les collectivités territoriales, tout promoteur doit d’abord viabiliser l’espace à lotir. Ils ont le devoir de tracer les voies, de faire venir l’eau et l’électricité avant d’effectuer les attributions. C’est pour cela que le lotissement devient difficile.

S : Quelle peut être la contribution de la Banque de l’habitat dans l’accompagnement des personnes ayant perdu leur maison ?

V. D. : Le directeur général de la Banque de l’habitat, en accord avec son conseil d’administration, a déjà fait une offre au gouvernement. La Banque de l’habitat se propose d’accompagner le processus de l’aménagement structuré, c’est-à-dire dans des zones de réinstallation des personnes sinistrées. Cela peut se faire de trois façons : d’abord à l’échelle individuelle. Si vous êtes un fonctionnaire éprouvé par le sinistre, si vous avez un compte à la Banque de l’habitat, elle vous accompagne à des conditions préférentielles par rapport aux autres banques. Ensuite, il y a les sociétés immobilières. Des groupes de personnes peuvent créer, ce qu’on appelle dans notre loi sur la promotion immobilière, une coopérative d’habitat et voir un promoteur immobilier pour la réalisation de leurs projets de construction. La banque est disposée à les accompagner. Dans le troisième cas, la banque se propose d’accompagner l’Etat dans un programme en faveur des personnes sinistrées. Il appartient aux Burkinabè de pouvoir faire confiance à leur banque et d’utiliser les services qu’elle offre.

S : A ce propos, monsieur le ministre, où en êtes vous avec les 10 000 logements ?

V. D. : Normalement, nous sommes dans la phase des finitions. Pour la ville de Ouagadougou, nous avons 75 logements qui attendent d’être attribués. Il reste à réaliser, selon les instructions du gouvernement, des aménagements que nous n’avions pas prévus, comme les clôtures. Pour Bobo-Dioulasso également, nous avons 75 logements dont nous sommes en train de faire les travaux de clôture, d’électrification. A Fada, nous avons 50 logements en cours d’achèvement. A Ouahigouya, il y a également 50 logements en voie de finition. Nous avons 33 000 inscrits pour 10 000 logements. C’est vrai que le processus sera long, mais nous devons travailler de sorte que le gouvernement soit le moteur pour le partenariat avec les promoteurs privés, de manière à satisfaire les besoins de logement de nos populations.

S : Depuis la survenue du sinistre, les loyers ont connu une quasi-explosion à Ouagadougou. Il serait devenu difficile de se loger ou de conserver son logement, avec la pression des propriétaires. Quel droit de regard votre département a sur la fixation des loyers ?

V. D. : Le ministère des Finances, tout comme mon département a un droit de regard sur cette question. Dans notre tissu socio-économique, quand certains pleurent, d’autres en profitent. Vous voyez d’ailleurs que les prix des matériaux de construction ont aussi grimpé. Le prix du ciment a augmenté parce que les commerçants savent qu’il y a obligation de rebâtir pour un grand nombre de personnes. Mais le gouvernement est en train d’étudier la question pour voir comment l’aborder.
Nous devons lancer un appel aux Burkinabè pour que certains n’utilisent pas la misère des autres pour s’enrichir. Je le dis à l’endroit de ceux qui ont des maisons en location, et de ceux qui commercialisent les matériaux de construction. Je pense que nous devons rester Burkinabè jusqu’au bout. Le patriotisme veut que nous soyons solidaires et que nous puissions porter assistance à ceux qui sont dans le besoin.

Propos recueillis par Hortense ZIDA


Les termes du décret portant règlementation des bandes de servitudes des canaux primaires d’évacuation des eaux pluviales, des zones inondables inconstructibles et des zones submersibles dans la ville de Ouagadougou.

Le présent décret délimite une bande de servitude de cent (100) mètres de part et d’autre des limites de tout canal primaire d’évacuation des eaux pluviales aménagé. Aucune construction à usage d’habitation ou à usage autre que d’habitation ne peut y être réalisée le long de tout canal aménagé pour l’évacuation des eaux pluviales. Il définit des zones inondables inconstructibles et les zones submersibles : sur toute l’étendue de ces zones ci-dessus définies, aucune construction n’est autorisée.
L’adoption du présent décret consécutif aux inondations du 1er septembre 2009, tout en répondant aux mesures d’urgence prises en vue de mieux protéger les personnes et les biens, participe à la mise en œuvre de la politique d’aménagement urbain.

H.Z.

Sidwaya

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