Actualités :: GUICHET UNIQUE DU FONCIER : Le chemin de croix d’un demandeur de (...)

Deux semaines : voilà initialement le délai de traitement et de délivrance de certains documents fonciers (permis urbain d’habiter, attestation d’attribution de parcelles, etc.) au Guichet unique du foncier (GUF). Actuellement, si l’on en croit ce lecteur, il faudrait multiplier ce délai par plus l’infini. Récit du chemin de croix qu’il est en train d’effectuer au GUF.

Possesseur d’une parcelle en zone lotie de Ouagadougou (secteur 29), je veux en devenir pleinement propriétaire et pour cela, il me faut certains documents, à commencer par le permis urbain d’habiter (PUH). Comme le propriétaire initial du terrain n’avait pas encore de PUH, il me faut d’abord en avoir un à son nom, lequel sera converti à mon nom, après une opération de mutation. Le montant à payer pour obtenir ledit PUH n’étant pas élevé (5 700 F CFA), j’ai décidé de payer les frais y relatifs, en lieu et place du vendeur défaillant. C’est en ce moment qu’un démarcheur, communément appelé « cocseur » (c’était lui qui m’avait mis en relation avec l’attributaire du terrain), me dit par SMS que si je lui donne 250 000 FCFA, il entreprendra toutes les démarches pour moi. Il me dit en outre (toujours par SMS), qu’il aurait « des dépenses à faire ». J’ai refusé : d’abord pour moi, c’est cher, ensuite, il pourrait me délivrer un faux PUH et enfin, je n’ai qu’à payer 5 700 FCFA de timbre (y compris le timbre de ma demande d’établissement de PUH), aller déposer mon dossier au GUF et attendre deux semaines (délai officiel), pour retourner récupérer le PUH avec ma procuration. Erreur ! Parce que je veux être sûr d’avoir un document officiel, j’ai tenu à aller déposer personnellement mon dossier. Profitant de ma présence à Ouagadougou à l’occasion d’un atelier (je travaille en province), j’ai décliné la pause café de 10 h. pour me rendre au GUF, mais j’y ai trouvé un guichet encombré. Ayant lu à la porte que les réceptions des dossiers avaient lieu uniquement les matins et s’arrêtaient à 11 h 45 minutes, et que j’étais loin de la tête du peloton, je suis retourné à mon atelier, me disant que le lendemain, je viendrais plus tôt.

Une cacophonie indescription

Le lendemain, jeudi 9 juillet, une pluie matinale tombait sur Ouagadougou et j’ai flairé la bonne affaire : généralement pendant qu’il pleut, les Ouagalais n’aiment pas sortir. J’ai donc toutes les chances de ne pas trouver grand monde devant le guichet et c’est avec cet espoir que je pris le chemin du GUF.

Arrivé à destination, je remarquai que la porte était entre-ouverte ; je la poussai et y entrai. Mon souhait s’était réalisé : à l’intérieur, je trouvai un monsieur qui avait apparemment eu la même idée que moi c’est-à-dire venir avec la pluie, ne trouver personne et être servi paisiblement. Mais lui avait fini d’être servi et attendait probablement que la pluie cesse avant d’aller vaquer à ses occupations.

Au guichet, je trouvai deux agents (un jeune homme et une jeune dame). Le jeune homme m’invita à m’asseoir et à exposer mon problème conformément à une affiche sur son bureau. Je dis l’objet de ma visite et il me demanda le fond de mon dossier. Je le lui transmis, il le vérifia et me confirma que tout y était. Il l’enregistra dans son ordinateur et me dit que c’était fini. Il me délivra un récépissé manuscrit au feutre vert sur une feuille éphéméride (il y est inscrit : 1842/07/09/DOS). Il me dit de revenir un mois après pour le retrait, parce que de plus en plus, le délai de deux semaines devenait difficile à respecter.

Un mois après, je décidai d’accorder au GUF une semaine supplémentaire, pour être vraiment sûr que le PUH sera vraiment prêt. Un mois et une semaine plus tard, et pour ne pas faire un déplacement inutile, j’appelai mon petit frère à Ouaga pour lui dire d’aller s’assurer que mon dossier était traité. Il me rappela pour me dire que ce n’était pas encore le cas. Le lendemain, j’invitai un de mes amis à y aller ; lui aussi ne trouva rien. Une semaine après, mon petit frère y alla de sa propre initiative, et toujours rien. Je le remerciai pour sa diligence et me suis dit qu’à la moindre occasion de ma présence à Ouagadougou un jour ouvrable, j’irai moi-même voir ce qui se passe.

Dès qu’une telle occasion s’est présentée, je me suis rendu au GUF dans l’après- midi (les retraits se font le soir) et trouvai une foule compacte, les uns assis, les autres debout, et des noms de gens qu’on appelait derrière deux guichets. Je me renseignai et un usager me dit que les agents procédaient à l’appel de ceux dont les actes étaient disponibles et celui-ci me demanda de quel arrondissement mon dossier relevait ; je répondis : « Bogodogo » et il me dit que j’étais devant le bon guichet. Après les différents appels (PUH établis et dossiers rejetés), je n’entendis pas le nom que je voulais entendre. Je me suis dit que comme je suis arrivé en retard, le nom que je voulais entendre a peut-être été appelé avant mon arrivée. Je me suis alors frayé un passage jusqu’à l’agent qui faisait l’appel pour lui dire que j’étais arrivé en retard et lui demander s’il y aura un deuxième appel. Il répondit « oui », mais ce sera après avoir appelé les dossiers de l’arrondissement de Baskuy. Après Baskuy, il appela de nouveau Bogodogo, et le nom que je voulais entendre n’était ni parmi les PUH établis, ni parmi les dossiers rejetés. Je revins quelques jours après, et toujours rien. A chacun de mes deux passages, j’ai constaté une cacophonie indescriptible : des noms qu’on appelle dans tous les sens comme au premier jour d’une rentrée des classes ; des usagers qui crient au scandale parce leur dossier a trop traîné alors que des dossiers postérieurs ont été traités ; d’autres qui s’insurgent d’être tournés en bourrique.

Ce spectacle est décevant. D’abord, un tel brouhaha n’est pas digne d’une administration moderne (ne venez pas au GUF si vous avez la migraine). Ensuite, les agents passent toutes leurs après-midi à faire des appels, chacun devant élever la voix pour ne pas la laisser noyer par celle de l’autre. Et quand il arrive à un agent de vouloir se reposer un peu entre deux appels, ce sont les usagers qui crient à la mauvaise manière de servir.

Le GUF, un ensemble d’électrons libres

Ne trouvant pas satisfaction, et voulant comprendre la cause de ce grand retard dans le traitement de mon dossier, je posai la question à un des agents du GUF. Celui-ci me dit qu’en fait, le GUF centralise les dossiers et les transmet à la division fiscale du ressort des parcelles qui, après traitement, les envoie à la mairie de l’arrondissement territorialement compétente. Celle-ci, après établissement du PUH ou rejet de la demande, les retourne au guichet unique (le GUF n’est donc rien d’autre qu’un grand planton habitant un immeuble à niveau). Son rôle se limite à cela. Cet agent me dit également qu’il arrive des moments où l’encre et/ou le papier manquent dans les mairies pour imprimer les PUH. Et cela peut durer. Mais est-ce qu’une rupture d’encre et/ou de papier peut, à elle seule, expliquer un retard de deux mois dans le traitement d’un dossier ? Personnellement, j’en doute. Pendant que l’agent me parlait, j’ai remarqué que beaucoup d’autres usagers prêtaient une oreille attentive à ce qu’il disait ; preuve peut-être qu’ils étaient assoiffés d’informations sur le fonctionnement de ce service.

Beaucoup ont dit qu’ils pensaient qu’une fois qu’un dossier franchissait la porte du GUF, il ne devrait plus en ressortir. Et c’est avec étonnement qu’ils ont appris que leurs dossiers devaient transiter par deux autres administrations. S’en sont suivis des commentaires de toutes sortes parce que cette situation est un véritable supplice : l’usager ne peut savoir à quel niveau poursuivre son dossier (le GUF l’a-t-il transmis ? Est-il dans une division fiscale, dans une mairie, ou est-il revenu au GUF ?). Les pistes sont brouillées. Par ailleurs, je trouve cette organisation bien étrange : on a d’une part, un guichet unique du foncier ayant à sa tête un directeur qui a autorité, entre autres, sur des agents dont le rôle se limite à recevoir des dossiers pour transmission et des actes pour délivrance. Ensuite, une division fiscale dont les agents chargés du foncier relèvent de l’autorité du chef de ladite division et enfin, des agents communaux qui relèvent de l’autorité d’un maire. Le GUF n’est donc pas comme un noyau autour duquel gravitent des électrons mais il est un ensemble d’électrons libres.

Si telle est vraiment l’organisation du guichet unique du foncier (c’est ce que j’ai cru comprendre à travers les explications de l’agent), il faudrait la revoir en rattachant les services du foncier des divisions fiscales au GUF (le directeur du guichet unique sera le supérieur hiérarchique des agents qui y travaillent) et en créant auprès de chaque mairie, un secrétariat du GUF chargé de la saisie des documents fonciers pour laisser aux secrétaires communaux la tâche de saisie des actes d’état civil.

Chaque démembrement du GUF pourrait être évalué à travers un rapport de progrès dressé mensuellement et qui ferait ressortir le nombre de dossiers reçus ; le nombre de dossiers traités ; les difficultés rencontrées et les solutions préconisées.

Un tel rapport offre, à mon avis deux avantages. D’abord, il permet d’éviter les faux en écriture car une lecture croisée des différents rapports fera ressortir que si le siège du GUF affirme avoir transmis cent dossiers à une division fiscale dans le mois (le siège doit fournir ses données par arrondissement avant de les agréger), ce même nombre ressortira, en principe, dans le rapport mensuel de la division fiscale en question comme étant le nombre de dossiers reçus dans le mois. Et si une division fiscale rapporte qu’elle a traité et transmis tel nombre de dossiers, ce même nombre ressortira, en principe, comme nombre de dossiers reçus dans le rapport du secrétariat du GUF installé auprès de la mairie en question et ainsi de suite.

Le siège du GUF traitera et transmettra les dossiers au fur et à mesure de leur réception. Mais, pour éviter tout décalage dans la gestion des dossiers, on pourrait par exemple décider que les demandes des usagers seront reçues entre le 1er et le 25 de chaque mois (les réceptions des dossiers mais pas les délivrances des actes) ; les matinées des cinq jours restants du mois seraient consacrées au traitement et à la transmission accélérés des dossiers en instance.

Le deuxième avantage d’un tel rapport est qu’il permettrait de détecter plus facilement le ou les services qui dysfonctionnent afin de proposer les corrections nécessaires. Mes propositions sont peut-être mauvaises mais, dans tous les cas, les rapports hiérarchiques entre les différents intervenants dans le traitement des dossiers fonciers doivent être corrigés. Il ne peut y avoir trois capitaines dans un bateau (mais ici on peut en admettre deux : le directeur du GUF et le maire d’arrondissement qui signe les PUH).

Un interminable calvaire

Le 18 septembre dernier (2 mois et 9 jours après le dépôt de ma demande), je me rendis de nouveau au GUF à 15 h 20. Mais cette fois-ci, l’ambiance était un peu plus calme qu’habituellement. La stratégie a changé : les agents, certainement esquintés de faire des appels à haute voix chaque soir, ne le font plus (les bonnes idées naissent des situations difficiles). Les usagers s’alignent, récépissé en main, et passent chacun à son tour devant un agent qui vérifie si le dossier en question est traité. Si le PUH est prêt, il l’envoie à un de ses collègues qui l’enregistre, relève l’identité de celui qui va le retirer, les références de la procuration selon le cas et le fait signer dans le registre.

Si cette stratégie permet aux agents d’économiser leurs cordes vocales, elle allonge le calvaire des usagers. C’est frustrant de s’aligner pendant une trentaine voire une quarantaine de minutes pour s’entendre dire : « Votre dossier n’est pas prêt, revenez dans une semaine ». Pour moi, on a vérifié, mais mon dossier n’était toujours pas traité. Je profitai pour faire un petit sondage auprès de quatre usagers afin de connaître la date de dépôt de leur dossier. Le « benjamin » des dossiers est dans le circuit depuis « un mois et quelque ». Mon voisin de devant était le plus à plaindre ; sur son récépissé de dépôt, il me montra la date du 16 juin 2009 (date de retrait). Mais à la date du 18 septembre, Soit 3 mois et 2 jours après la date prévue pour le retrait, il n’avait toujours pas eu gain de cause.

Soudain, je réalisai ce qui pourrait m’attendre : si d’ici au 9 octobre (dans le meilleur des GUF possibles), j’obtiens le PUH au nom du 1er propriétaire de la parcelle, cela fera trois mois d’attente après le dépôt de ma demande. Ensuite, pour l’opération de mutation et un PUH à mon nom, trois mois (dans le meilleur des GUF possibles). Pour l’autorisation de construire, trois mois (dans le meilleur des centres de facilitation des actes de construire possibles - je ne peux pas a priori faire confiance à cet autre centre nouvellement créé et censé faciliter l’obtention des actes de construire, car je ne croirai plus tant que je n’aurai pas vu). Au bas mot, 9 mois de courses administratives pour régulariser une situation foncière pour celui qui veut être respectueux de la loi. Et s’il arrivait que mon dossier soit rejeté à quelque niveau que ce soit et qu’il faille le reprendre, ce délai pourrait être multiplié par 1,5. Ce qui donnerait 13 mois et demi d’attente. Ma déception est non seulement dans la lenteur du traitement de mon dossier, mais aussi dans le sentiment personnel que presque tout ce que nous entreprenons de grand dans notre pays est voué à l’échec. A croire qu’une malédiction poursuit nos grandes idées. La malédiction ici, c’est le non- suivi de nos grandes réformes. Une évaluation aurait permis de savoir que moins de deux ans après sa mise en place, le GUF est déjà disqualifié et ne répond plus à son objectif premier qui était de traiter et de délivrer, en deux semaines, certains documents fonciers.

L.B. Un demandeur de PUH 70 75 53 40

Le Pays

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