Actualités :: Assainissement à Ouagadougou : L’incivisme bouche les caniveaux de la (...)

A Ouagadougou, après une pluie, certains arrondissements n’ont pas une physionomie reluisante. La capitale burkinabè fait par endroits grise mine en cette période de l’année. Flaques d’eau, rues boueuses, etc., certaines artères de la ville se transforment sous les averses, en "rivières spontanées". Cette situation est due à une insuffisance de caniveaux pour favoriser un écoulement normal des eaux pluviales et aussi aux mauvais usages des rares canaux d’évacuation qui existent. Depuis le 4 juillet 2009, la commune a engagé une vaste campagne de curage des caniveaux. Quel est l’état des lieux sur le terrain ? Quelles sont les difficultés rencontrées ?

Gilets fluorescents, pioches en mains pour les uns ou pelles pour les autres avec des monticules de déchets aux abords des voies... Ces personnes, "videurs de caniveaux", suant abondamment et toutes couvertes de boue, ne passent pas inaperçues ces derniers temps dans les quartiers du centre ville de Ouagadougou. En effet, l’un des reproches fait à la capitale burkinabè, c’est la rareté de caniveaux dans les secteurs. Et les quelques-uns qui existent sont tellement bouchés qu’ils sont incapables de jouer leur rôle principal à savoir, faciliter le drainage des eaux pluviales.
En cette période de pluies, propice aux inondations, c’est une véritable course contre la montre que la commune de Ouagadougou à engagée pour le curage des caniveaux. Même qu’une campagne de curage, toujours en cours (du 4 juillet au 11 octobre 2009), a été lancée. "160 mille mètres linéaires de caniveaux seront curés et plus de 240 mille m3 de déchets évacués", assure le directeur de la propreté, Sidi Mahamadou Cissé. Deux mois après le lancement de la campagne, l’on s’active sur le terrain.

Jeudi 20 août 2009, à Ouaga Inter au secteur n°15 de la capitale, quartier Patte d’oie. Il est 11 h. Sous un soleil de plomb malgré la période, une quinzaine de jeunes s’acharne tant bien que mal à vider un caniveau totalement bouché le long de l’avenue Teng Sooba. Membres de l’association "Jeunesse sans frontières Burkina", principale partenaire de la mairie dans le domaine de l’assainissement, ils ont été appelés à la rescousse, suite à une grosse pluie qui s’est abattue dans la ville. Tous les alentours étaient inondés, selon les riverains. A tour de rôle, certains, à l’aide de pioches, creusent et d’autres, munis de pelles ramassent. A les voir à l’œuvre, point besoin de se poser de questions sur la rudesse du travail. Il est physique, intense, sans répit et surtout très salissant. L’odeur fétide et pestilentielle des déchets curés est insupportable. Un véritable travail de "cochon" selon certains jeunes et pour d’autres, il est tout simplement déshonorant.

Mais Ousséni Sama n’en a cure. "Cela fait six ans que je cure les caniveaux et je suis content de le faire, même si le travail est difficile", déclare-t-il, à bout de souffle, une pioche à la main. Abondant dans le même sens, le président de l’association, "Jeunesse sans frontière Burkina", Idrissa Toguyeni, estime que le nom de l’association a été choisi à dessein car "il ne doit pas y avoir de frontière dans le choix des métiers". Et Kalifa Zerbo, élève en 1re D dans un établissement à Bobo-Dioulaso a fait sienne cette maxime qui dit qu’il n’y a pas de sots métiers. "Je suis venu à Ouagadougou pour passer mes vacances et j’ai décidé de faire ce travail afin d’avoir de l’argent pour la rentrée prochaine. Tout se passe bien. Curer les caniveaux ne me dérange pas du tout. Je m’en fou de ceux qui pensent que c’est un travail de "cochon". C’est leur problème", s’insurge le nouveau venu dans le groupe.

Un boulot comme les autres

En cette journée du jeudi 20 août, selon le président de l’association Jeunesse sans frontière, une centaine de jeunes œuvrent inlassablement à curer des caniveaux dans la ville. Au secteur n°7, quartier Samandin, juste côté Nord du Théâtre populaire, une autre équipe est à pied d’œuvre depuis plusieurs jours.

A cet endroit, la tâche est plus ardue et seuls les plus expérimentés et les costaux ont été retenus. Car la mission est non pas de déboucher un caniveau, mais plutôt un égout collecteur encore plus profond et chargé de recueillir les eaux de plusieurs caniveaux. Bottes aux pieds et mains gantées, Fidèle Zongo pioche depuis un bout de temps. Eau sale, sachets, morceaux de fer, restes de nourritures..., un cocktail nauséabond loin de décourager "l’infatigable et intrépide piocheur", "j’exerce ce travail depuis 6 ans. J’arrive à m’occuper de ma famille. Les jeunes qui pensent que curer les caniveaux est déshonorant ont tort. Non seulement nous sommes utiles à la nation et en plus nous gagnons notre vie", lâche-t-il entre deux coups de pioches. Son compagnon, Zakaria Yaro, chargé d’enlever les déchets sortis, renchérit : "Avec les 1 500 F CFA que je gagne par jour ici, je m’en sors bien. Le travail est dur, on bosse chaque jour de 7 à 14 h. Mais c’est toujours mieux que de rester à la maison à se tourner les pouces". Au théâtre populaire, comme à Ouaga Inter, les riverains apprécient tous positivement le boulot abattu. "Il y a plus de dix ans que ce caniveau n’a pas été curé.

Il était temps de le faire", révèle Souley Ouédraogo, vendeur de cycles au Théâtre populaire de Ouagadougou. Pour Casimir Zoungrana à la Patte d’Oie, ce sont des initiatives qui doivent être répétées fréquemment. Mais tous se plaignent car après le curage, les déchets ne sont pas immédiatement enlevés.
En effet au Théâtre populaire, de nombreux monticules sont toujours visibles le long de la voie. Face à ces plaintes des riverains, le président de l’association, Idrissa Toguyéni justifie : "Nous travaillons sur plusieurs sites à la fois, alors que nous avons seulement deux camions pour le ramassage des ordures les jours ordinaires. C’est ce qui rend la collecte et l’évacuation difficiles".
Ce qu’il faut plutôt déplorer, a-t-il poursuivi, c’est la transformation des caniveaux en poubelles publiques par la population. A ce propos, les uns et les autres se rejettent les responsabilités. Adama Bouda, mécanicien au théâtre populaire accuse les habitations riveraines qui déversent dans les caniveaux du quartier, déchets domestiques et des animaux morts.

Un peu de civisme

Selon Souley Ouédraogo, ce sont les commerçants du marché qui déversent leurs ordures dans les caniveaux. Plus grave, ajoute-t-il, "rien que la semaine dernière, au début du curage, j’ai vu des commerçants qui, le soir ont déversé des saletés et des restes de nourriture dans le caniveau. C’est déplorable !" Ousséni Sama a vu pire après toute une journée de travail. "En début juillet dans l’arrondissement de Baskuy, on avait terminé notre curage de la journée vers 14 h. Lorsqu’on rassemblait nos matériels, nous avons vu un vieux sortir d’une cour avec sa poubelle qu’il a renversée dans le caniveau", raconte-t-il, écœuré, avec le sentiment d’avoir accompli un travail inutile. Le tonneau des Danaïdes. Afin d’éviter ces perpétuels recommencements, Adama Bouda suggère que les caniveaux soient recouverts de dalles et que des bacs à ordures mis à la disposition des populations dans les quartiers.

Casimir Zoungrana à la Patte d’Oie estime qu’il faut dénoncer à la mairie ces "citoyens pollueurs". Quant au directeur de la propreté, Sidi Mahamadou Cissé, lui, prône plutôt la sensibilisation. "Les gens doivent savoir que la conception et l’aménagement des caniveaux visent un seul objectif, à savoir, drainer les eaux pluviales de la ville. Ce ne sont pas des dépotoirs de déchets solides ni de canaux d’évacuation des eaux usées des ménages", prévient-t-il. Avant d’attirer l’attention des populations sur leur devoir : "il y a un code de l’environnement au Burkina Faso qui prône le principe pollueurs payeurs, qui rend obligatoire l’enlèvement et le traitement des déchets. Ainsi, tous les ménages ont l’obligation de s’abonner aux services habilités pour faire enlever les déchets qu’ils génèrent". Le président de l’association Jeunesse sans frontière, Idrissa Toguyéni suggère que la sensibilisation soit aussi orientée vers les propriétaires de commerce et d’habitation proches des caniveaux. "Il y a des gens qui posent devant leur concession, une dalle unique sur plus de 50 m de caniveau. Ce n’est pas bien car lorsqu’il faut curer, il faut casser toute la dalle. Et les propriétaires se plaignent qu’on détériore leurs investissements", regrette-t-il.
En somme, tous les acteurs sont interpellés. Malgré les 50 millions de F CFA dépensés chaque année par la commune de Ouagadougou pour le curage des caniveaux, le directeur de la proprété, Sidi Mahamadou Cissé, reconnaît qu’il reste beaucoup à faire. Surtout la construction de caniveaux dans les quartiers périphériques de la ville afin d’éviter les inondations en saison pluvieuse. Mais en attendant, les quelques rares qui existent doivent être entretenus afin de jouer pleinement leur rôle. Il y va de l’amélioration du cadre de vie des citoyens.

Sié Simplice HIEN

Sidwaya

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