Depuis quelques temps, les consommateurs rencontrent d’énormes difficultés à se ravitailler en gaz butane. De façon voilée, la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (SONABHY) et les distributeurs se
jettent la balle. Pendant ce temps, les consommateurs ne savent plus vers qui se tourner.
Trouver du gaz ces derniers temps, à Ouagadougou, relève du parcours du combattant. En effet, il n’est pas rare de voir des consommateurs, faisant le tour de la ville, bouteille de gaz attachée derrière la moto ou dans le coffre de la voiture, à la recherche du gaz. Rasmata Bambara a vécu cette expérience douloureuse. "J’habite à côté de la Caisse populaire de Dassasgho (secteur n°28). Depuis plus d’une heure, je fouille dans les boutiques à la recherche d’une bouteille de gaz de 6 kilos et voilà que je me retrouve à Kalgondin (secteur n°30) en passant par la zone I mais sans succès", nous-a-t-elle confié, mercredi 12 août dans la soirée. Et d’ajouter qu’elle sera obligée d’utiliser du charbon de bois. Chez le revendeur Marcel Ouédraogo, sis sur l’avenue Babanguida, toutes les bouteilles sont vides et attendent depuis une semaine, le passage des livreurs.
Par jour, dit-il "Plus de cent clients viennent pour nous demander du gaz. Malheureusement, nous ne pouvons pas les satisfaire". Pour Marcel Ouédraogo qui, en temps normal pouvait livrer une vingtaine de bouteilles par jour, cette situation grève considérablement ses finances. "Pourtant je sais que d’autres boutiquiers dans les alentours reçoivent du gaz", a-t-il confié. Comme si l’approvisionnement en gaz ces temps-ci, se fait à la tête du client ! Chez Idrissa Barry, a quelques mètres de là, les propos de Marcel se confirment.
Il y a bel et bien des bouteilles de gaz chargées, même les plus recherchées à savoir les bouteilles de 6 kg. "Nous recevons du gaz régulièrement mais en qualité insuffisante", a affirmé le gérant de la boutique. Pour le revendeur en question, son approvisionnement constant et régulier en gaz est un privilège. Il est apparenté au responsable d’une grande société de distribution de gaz. Quant aux raisons de cette baisse d’approvisionnement, les revendeurs restent vagues. "Il paraît que c’est la SONABHY qui a des problèmes", a confié un boutiquier. Auparavant, dans la matinée du 12 août, une voix féminine a confié par téléphone à partir d’un point de distribution de la société STD-SODIGAZ, qu’elle n’a absolument rien à livrer dans la matinée. Le responsable de la division distribution de STD-SODIGAZ, Hamadoum Boly, affirme ignorer les raisons de cette rupture.
"S’il y a pénurie, la SONABHY est bien placée pour vous en parler. Moi, ce que je sais, c’est que je n’arrive plus à faire face à la demande", a-t-il déclaré. Et d’ajouter : "Nous sommes des commerçants. Il n’y a donc pas de raison que nous ne livrions pas le gaz s’il y a en a" ! Au dépôt SODIGAZ de Pissy, en effet, des clients attendaient d’être servis. Un camion chargé de gaz provenant de la SONABHY venait de se garer. Pendant ce temps, M. Boly répond à un coup de fil. On comprend tout de suite qu’il s’agissait d’un revendeur. M. Boly prend les contacts de ce dernier et lui promet de l’approvisionner dès que possible.
La SONABHY rassure
A la SONABHY, le ton est rassurant. "Il n’y a aucune pénurie de gaz", affirme le chargé de communication, Joseph Sama, tout en reconnaissant que la demande est très forte en ce moment. "Chaque année, en saison pluvieuse, la demande en gaz croit de façon exponentielle. Toute chose qui donne l’impression qu’il y a une pénurie", a-t-il ajouté.
En effet, au dépôt SONABHY de Bingo, à quelques kilomètres de Ouagadougou, rien ne laisse entrevoir une quelconque pénurie. Bien au contraire, un camion de plus de 1 000 bouteilles de 6 kilos, s’apprêtait à rejoindre Ouagadougou. Selon Alpha Diallo qui assure l’intérim du chef de service gaz, la chaîne d’emplissage des bouteilles tourne à un rythme de 1 200 bouteilles (6 kg) à l’heure. Au cours de la semaine dernière, la SONABHY aurait mis à la disposition des distributeurs, entre lundi et jeudi, 214 tonnes de gaz butane. Dans la seule journée du vendredi, 135 tonnes auraient été livrées. Au cours de cette semaine, plus de 200 tonnes de gaz ont été livrées du lundi à mercredi.
- Le directeur technique de la SONABHY, Joseph Diasso
Le directeur technique de la SONABHY, Joseph Diasso, reconnaît tout de même qu’une panne technique survenue au cours de la semaine dernière, a ralenti le rythme de travail. Les deux chariots élevateurs seraient tombés en panne, toute chose qui aurait conduit les travailleurs à se servir d’un chariot vieux de 15 ans. Toutefois, affirme Joseph Diasso, cette panne technique au niveau de la SONHABHY se saurait expliquer à elle seule, la "pénurie" constatée en ville. "Pour prévenir d’éventuelles ruptures, nous aurions souhaité que les distributeurs déposent à notre niveau un "stock tampon" de bouteilles à charger à l’avance afin qu’ils n’aient pas à attendre pendant que nous chargeons", a-t-il déclaré. Et de poursuivre en disant que les opérateurs ne disposent, malheureusement, pas suffisamment d’emballages. Ce sont les mêmes bouteilles qui, selon lui, circulent depuis des années alors que la demande se fait de plus en plus croissante. De ce fait, la SONABHY se voit obligée de travailler
en flux tendu.
7 Milliards d’investissement
Pour Joseph Diasso, l’Etat, en vue de renforcer sa politique de vulgarisation du gaz au profit de la sauvegarde de l’environnement, devrait aider les distributeurs à acquérir des emballages à des conditions plus souples. La SONABHY de son côté, entend consentir encore des sacrifices pour acquérir un troisième élevateur chariot, en vue de compenser toute panne éventuelle des chariots existants. Cela, après avoir investi plus de 7 milliards de F CFA pour automatiser son hall d’emplissaqge et renforcer sa capacité de stockage.
La consommation de gaz augmente de 20% par an. Pour faire face à cela, la SONABHY envisage la construction de deux autres sphères de 2 000 tonnes de gaz à Péni à une trentaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso. Pour Joseph Diasso, le gaz est un produit d’avenir au Burkina Faso, car à moyen terme, il est prévu de construire au niveau des ports de Lomé et de Cotonou, des dépôts de gaz. La finalité est de permettre de rendre le gaz accessible et disponible partout dans le pays.
En attendant, les consommateurs devraient prendre leur mal en patience, surtout pendant les périodes de forte demande comme maintenant et également, pendant le froid.
Fatouma Sophie OUATTARA (sofiaf2@yahoo.fr) et Balguissa SAWADOGO
(Stagiaire).
Sidwaya
