Actualités :: Crise universitaire : Conclusion problématique d’un protocole (...)

Le ministre de la Fonction publique, coordonnateur du comité interministériel pour les négociations avec le Synadec a procédé le 30 juin dernier à l’installation d’un comité ad hoc chargé de mettre au point un nouveau statut de l’enseignant chercheur. Ce comité comprend des représentants du gouvernement, de l’administration (université et recherche) et des partenaires sociaux. Un absent de marque : le Synadec. Il a été pourtant au centre de la crise que traverse actuellement l’université. Nouvelle péripétie d’une lutte qui n’en finit pas de durer.

Depuis le 18 juin, les responsables du Synadec ont revu leur position sur la grille salariale. Ils acceptent désormais que celle-ci soit examinée après l’adoption du statut spécial. Ils ne s’opposent plus au chronogramme du gouvernement qui étale les discussions jusqu’en 2011. C’est le point clé sur lequel le gouvernement n’entendait pas transiger et ce sont ces points qui viennent ainsi de tomber. En revanche, les enseignants grévistes demandent au gouvernement de leur faire deux concessions. La première porte sur l’indemnité académique qu’ils souhaitent voir porter à 80 000 FCFA pour tout enseignant-chercheur, la seconde sur l’indemnité d’encadrement à revoir également à la hausse en fonction du grade du bénéficiaire : 125 000F pour le Professeur titulaire, 100 000F pour le Maître de Conférence, 75 000F pour le Maître assistant et 50 000 F pour l’Assistant. Ces propositions déposées le 18 juin furent accompagnées d’une demande de rencontre le 20 juin. La réponse du gouvernement parvenue au Synadec le 19 juin conditionne la rencontre à la reprise des cours.
Constatant que le gouvernement se fermait de plus en plus au dialogue, le Synadec propose avant toute démobilisation de ses troupes, la signature d’un protocole d’accord portant sur les acquis. Toutefois, il demande au gouvernement un taux unique de 62 500 FCFA de l’indemnité académique pour tous les enseignants chercheurs. Les propositions du gouvernement différenciaient les taux en fonction des grades, le taux supérieur étant de 62 500FCFA pour le Professeur titulaire.

La proposition du Synadec se fonde sur le fait que l’indemnité académique destinée à promouvoir la recherche concerne davantage les enseignants qui sont au bas de l’échelle. Il n’y a donc pas de raison qu’ils soient moins dotés. Déposé le 30 juin dernier, le projet de protocole d’accord n’aurait toujours pas enregistré de réponse de la part du gouvernement. Manifestement, le gouvernement semble agacé par "ce petit jeu" et conditionne désormais tout à la reprise des cours. Pour le Synadec, il s’agit aussi d’éviter qu’une lutte qui a été si remarquable sur bien des aspects et qui, même si elle n’a pas abouti à la satisfaction totale de sa plateforme revendicative, aura au moins engrangé des acquis importants - ne se termine en queue de poisson. Le protocole d’accord vise donc à formaliser les acquis et à prendre acte des engagements de chaque partie à inscrire les futures négociations dans le chronogramme proposé par le gouvernement dans lequel le Synadec acceptait désormais de s’inscrire.

La tentation de profiter de l’avantage

Pour nombre d’observateurs, avec les dernières concessions du Synadec, plus rien ne s’oppose à la signature d’un accord pour une sortie de crise. Mais les choses ne paraissent pas aussi simples. De source proche du gouvernement, on estime là-bas que cette étape est largement dépassée par les événements. En effet, les administrations compétentes ont été déjà instruites pour traduire dans les faits les engagements pris par le gouvernement. Ceux-ci, rappelons-le, portent notamment sur diverses indemnités : indemnités académiques, indemnités d’encadrement, relèvement des taux horaires de vacation, des taux des copies supplémentaires. Quand aux indemnités de logement (60 000F) et de sujétion (17 500 F), celles-ci sont maintenues à leur taux initial en attendant l’adoption du statut spécial de l’enseignant chercheur. La tactique du gouvernement consiste à dire que l’on peut "négocier tout en travaillant", formule empruntée à l’association des Parents d’élèves. Dans ces conditions, l’intérêt d’un protocole d’accord ne paraît pas évident pour le gouvernement.

Au contraire, la tentation est forte de profiter de l’avantage pour accélérer la désintégration des troupes du Synadec. En effet, l’enlisement de la grève laisse des traces. A Bobo-Dioulasso, le président de l’université n’a pas hésité à brandir la menace de licenciement. Ce fut aussitôt la débandade au sein des grévistes. La levée de la grève s’est faite dans une totale confusion. A Ouagadougou, où se trouve le plus gros contingent de grévistes, les divergences sur les questions de stratégie pouvaient prospérer tant que les risques étaient encore gérables. Avec les récentes coupures des salaires en juin et les salaires négatifs annoncés pour la fin juillet, la situation est devenue franchement délicate. S’il est vrai que ces coupures soulèvent des questions de droit, il reste que pour s’engager dans les dédales des procédures, il faut avoir le nerf de la guerre, ce dont manqueront les militants du Synadec, de plus en plus soumis à une diète sévère. Ces contraintes pèsent désormais très lourd dans la balance et créent un déséquilibre favorable au gouvernement. Toute la question est de savoir si celui-ci en fera un usage politicien, en refusant la main tendue du Synadec. Les signaux envoyés par les émissaires du gouvernement tendent à conforter cette évolution.

C’est ce que l’on pense au niveau du Synadec, se fondant sur la rencontre du 9 juin où le porte parole du gouvernement aurait clairement montré qu’il ne souhaitait plus continuer dans la négociation. Soungalo Ouattara aurait, dit-on, invité le syndicat à présenter un plan de reprise, ni plus ni moins. "La revalorisation du statut se fera avec ou sans le Synadec", aurait-il affirmé sur un ton sentencieux. Une attitude qui tranche avec la posture d’écoute et de compréhension dont il faisait montre dans les discussions antérieures. Un ministre, ça n’a pas d’état d’âme, réplique M. Soungalo qui dit vouloir, avec ses collègues, rechercher des solutions durables à la situation des enseignants, sans perdre de vue la nécessité de garder l’équilibre entre les différents corps de métier. Si nous ne prenons garde, affirrne-t-il, nous ouvrirons la boîte de pandore et ça sera intenable. Et d’insister sur le fait que la volonté d’améliorer le statut des enseignants ne sera pas démentie. Mais il importe, poursuit-il, de rétablir la sérénité nécessaire à la réflexion et au débat.

Reste la question de la signature d’un protocole

Personne n’ignore que cette crise comporte une dimension subjective. Le Synadec qui a déclenché la grève ne veut pas rejoindre le comité comme un élève éconduit. Or, il a le sentiment que le gouvernement ne veut rien d’autre que sa capitulation pure et simple. Ayant perdu l’initiative, il revient au gouvernement de répondre à sa demande de signature d’un protocole. Celle-ci pourrait bien comprendre, outre les engagements du gouvernement, le plan de reprise souhaité par le ministre Soungalo. L’honneur serait ainsi sauf et personne ne perd la face. Cette crise traduit bien l’adage selon lequel on sait comment on commence une guerre, mais il est difficile de prévoir comment celle-ci va se terminer. Le Synadec vient là de signer sa première lutte d’envergure. Son mérite, c’est d’avoir su porter les aspirations des enseignants et les engager dans la lutte. A l’heure des bilans, on retiendra que la mobilisation des enseignants a incontestablement fait bouger les choses. Au-delà de ce qui a été déjà obtenu, la dynamique se met en place sur la question de la revalorisation, pièce maitresse de la revendication enseignante. Mais il n’ya pas que des acquis. Il appartient aux enseignants de tirer pour eux et pour la nation, les leçons des insuffisances, voire des échecs de cette lutte qui, en dépit de ses conséquences catastrophiques pour les familles des étudiants, aura bénéficié d’une réelle sympathie et de la solidarité de nombreux Burkinabè.

Par Germain B. Nama

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