Actualités :: Civisme : Les relents de la violence

Des agitations sociales spontanées et inquiétantes s’emparent ces dernières années du Burkina Faso. Les violentes manifestations de 1998 et 1999 dénonçant l’atrocité et la barbarie du crime de Sapouy sont remplacées par des réactions quelque peu lapidaires. Des sautes d’humeur pour un rien menacent la stabilité sociale et mettent à rude épreuve les institutions de l’Etat. Décembre 2006 : heurts tragiques entre militaires et policiers.

Toute une nuit, les habitants de la capitale ont somnolé dans la psychose d’une guerre civile au son des crépitements d’armes automatiques et de tirs de canons. Mars 2007 : affaire Kundé. Suite à une folle rumeur, toute une chaîne de maquis et bars appartenant à de privés innocents sont pillés et détruits avec une haine jamais égalée. Février, mars et mai 2008 : des émeutes de la faim éclatent à Bobo-Dioulasso, Ouagadougou et Ouahigouya.

Avec un acharnement extrême, jeunes et vieux se sont lancés dans des actes de vandalisme. Juin et juillet 2009 : à peine réouvert, le grand marché de la capitale, Rood Woko, connaît sa première fumée. Les commerçants s’en prennent aux forces de l’ordre et aux barrières de sécurité. Une semaine plus tard, les guérites volent en éclats et le commissariat du marché incendié sous le courroux de marchands reprochant aux policiers municipaux leur responsabilité dans la mort d’un des leurs ayant délibérément emprunté un sens interdit. Les Burkinabè, longtemps qualifiés de peuples docile, se surprennent à découvrir en eux une certaine brutalité. La rue et son lot de marches et de casses ne sont plus l’option des seuls milieux scolaire, estudiantin ou syndical.

Les différentes classes sociales y ont recours pour ramer à contre-courant des règles publiques, crier leur ras-le-bol ou traduire un malaise. Les épisodes violents rappellent à toute conscience que la paix est bien fragile. Elle n’est jamais gagnée d’avance. Les gouvernants et les gouvernés doivent la tenir comme un œuf. Quels que soient les alibis pour condamner ou approuver ces mouvements, ils traduisent l’expression à la fois de refus d’une injustice sociale de plus en plus visible et d’un incivisme de plus en plus criant . A chaque fois, des symboles de l’Etat et les biens publics, ainsi que des individus soupçonnés de délit d’apparence en paient à tout moment, les frais. L’ordre établi est remis en cause, parfois avec une passivité des pouvoirs publics. Deux lectures s’imposent. Soit certains Burkinabè ne croient plus à l’égalité et à l’équité prônée par l’Etat de droit, soit leurs aspirations ne sont plus celles de certains qui les dirigent. Elles établissent du coup, les sources des violences à deux niveaux.

D’un côté, un laisser-aller ou la tolérance à l’égard de certains actes a fini par inscrire ceux-ci en règle de conduite. Rood Woko en est une parfaite illustration. Des commerçants ont eu le culot de congédier le directeur du marché et d’y établir un désordre ayant conduit au drame du 27 mai 2003. D’intervention en intervention, de trafic d’influence en trafic d’influence, des individus ayant commis des infractions avérées sont difficilement interpellés. La force publique s’efface le plus souvent quand il s’agit des commerçants, ce fameux bétail électoral et s’affirme lorsque les élèves, les étudiants ou autres syndiqués osent protester. De tolérance en tolérance, guidée généralement par des calculs électoralistes, de nombreux citoyens ne se sentent plus obligés de respecter les lois de la République. Le moindre rappel à l’ordre est perçu comme un affront et produit de grandes étincelles du désordre. De l’autre, la métamorphose soudaine de la société burkinabè a laissé une frange importante à son sort, attelée aux chaînes répugnantes du misérabilisme et de la paupérisation.

L’écart de plus en plus flagrant entre les classes conduit à juste titre, les désœuvrés et autres démunis à imputer aux nantis la « confiscation de leur destin » et au système en cours, la maîtrise d’œuvre de leurs malheurs. Si la première cause de la violence peut être surmontée à travers des actions courageuses d’instruction civique et de mesures de répression, la deuxième elle, couve comme du feu. Dans l’un comme dans l’autre, la pauvreté a bien servi de prétexte pour justifier des anarchies. Plus dangereuse et destructrice, elle ne peut s’éteindre que par l’affirmation réelle d’une justice sociale. De nombreux politologues et sociologues expliquent la décadence et la dislocation de l’Union des Républiques socialistes et soviétiques (URSS) par la grande disparité entre les différentes classes sociales. Elle était militairement puissante et socialement faible. La misère est le terreau de toutes les violences. Tout esprit séditieux peut s’en servir pour créer une révolte et semer des troubles sociaux très graves.

Les Chinois semblent l’avoir compris. Ils savent que leur cohésion nationale pourrait être ébranlée par un grand décalage social. Les responsables du Parti communiste chinois ont exprimé leurs vives inquiétudes face à la montée vertigineuse des nouveaux millionnaires et milliardaires en dollars, en adoptant des orientations capables de promouvoir davantage une classe sociale moyenne. La juste répartition des richesses reste le tendon d’Archille de la stabilité des Etats du monde et ceux d’Afrique en particulier. L’inflation, le faible pouvoir d’achat, le chômage …cachent des relents de violence susceptibles de surprendre à tout moment les acteurs politiques.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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