Actualités :: Corridor Tema –Accra- Ouagadougou : L’argent, seul laissez-passer

Dans la perspective d’un plaidoyer auprès des décideurs des espaces UEMOA et CEDEAO pour la facilitation du trafic routier sur les corridors, et principalement sur ceux de Ouaga – Tema, Ouaga – Bamako et Ouaga – Lomé, l’Observatoire des pratiques anormales (OPA), une institution spécialisée de l’USAID a méné des enquêtes sur les axes sus-cités. Le dernier rapport de l’OPA (1er janvier au 31 mars 2009) sur les pratiques anormales à la fluidité du trafic de transit sur certains corridors invite à vite agir. A travers le Centre Africa obota (CAO), le trajet Ouaga – Accra – Tema- Ouaga a été choisi pour constater de visu les difficultés des transports de marchandises sur ce corridor.

C’est le 22 juin à 10 heures que nous avons quitté Ouagadougou pour Accra à bord d’un car ghanéen après avoir déboursé la somme de 16 000 F CFA. L’ambiance dans le car est bon enfant et très vite, nous avalons le kilomètre après kilomètre pour nous retrouver vers 13 heures à Dakola, la ville frontalière à cheval entre le Burkina Faso et le Ghana. L’idéal pour notre mission était de se rendre au Ghana à l’aller comme au retour à bord d’un véhicule de transport de marchandises. Ce sera finalement dans un car climatisé que nous avons rallié la capitale ghanéenne.

A Dakola donc, nous franchissons la frontière burkinabè non sans descendre du car et après contrôle de nos identités par la police nationale du Burkina Faso. Après ces formalités policières, nous voilà à nouveau dans les mains de la police ghanéenne dont les bureaux sont situés à moins de 100 mètres du poste de contrôle burkinabé.
Là, nous avons vécu notre première expérience amère de ce voyage. Tous les passagers du car sont demandés de se mettre en rang pour déposer chacun sa pièce dans une maisonnette. Deux policiers s’étaient érigés en collecteurs d’argent à la porte de sortie. Sans exception, tout voyageur devait déposer 2 gh cidis soit l’équivalent de 700 F CFA afin de pouvoir poursuivre sa route.

Mais ce n’était pas fini, à la sortie de cette maisonnette, une autre policière indique la direction d’une autre maisonnette qui se trouve être là où chacun devait présenter son carnet de vaccination. Avec ou sans carnet il faut obligatoirement déposer à nouveau 2 gh cidis. En moins de 5 mn, chacun a payé 4 gh cidis. Du côté burkinabé comme ghanéen, aucun problème avec la douane et la police burkinabè. Nous embarquons à nouveau dans le car en direction de Bolgatenga, première ville ghanéenne. Le trajet est bien long, mais le confort du car équipé d’une vidéo permet de supporter plus ou moins la fatigue. Ville après ville, nous n’avons plus jamais été contrôlés. Aux environs de 1 heure du matin le 23 juin, voici Koumassi pour un transfert.

Nous embarquons donc dans un autre car encore beaucoup plus confortable que celui qui nous a amenés depuis Ouagadougou. Sans perdre le moindre temps, nous poursuivons notre route nocturne.
Le sommeil se faisait bien sentir mais, la forte climatisation du car empêchait certains de dormir. Un passager demande à ce qu’on arrête ou diminue la climatisation.

Et pour toute réponse, le convoyeur répliqua qu’il a payé votre argent pour cela ; donc il n’est pas question. Nous nous ravisons donc à supporter cette forte climatisation jusqu’au petit matin à 7 heures où nous nous immobilisons à la gare de la compagnie en plein Accra, la capitale.
Après avoir cherché à prendre des contacts à Accra, c’est le lendemain 24 juin que nous nous rendrons à Tema à bord d’un taxi qui rallie les deux villes malgré les embouteillages en moins de trois quarts d’ heure. A Tema, ce fut pendant toute une journée pleine au port que nous avons pu rencontrer les différents acteurs et observer les pratiques qui s’y effectuent en matière de transport. C’est finalement le 27 juin que nous quittons Accra pour Ouagadougou après avoir raté une première occasion le 26 juin.

Accra comme point de départ d’une misère de plus de 50 heures

Il était 15h 40 mn lorsque nous embarquons à bord d’un camion-remorque de marchandises 10 tonnes d’immatriculation burkinabè pour Ouagadougou.
Naturellement, nous nous sommes entretenus avec le chauffeur sur le choix de voyager avec lui et non en car. Raison bien comprise et appréciée par celui-ci qui a souhaité que ce que nous allions voir et observer puisse contribuer à alléger leurs fardeaux.
Partis en plein centre de la ville d’Accra à 15h 40 mn, c’est à 17h 25 mn que nous rencontrons le premier poste de contrôle de police à Doboro. La distribution des billets de banque commence à cet endroit ainsi que les pertes de temps.

Si au premier poste nous n’avons perdu qu’une minute, on perdra 3 mn au deuxième poste à 19h 32 mn à Nsulam. Puis à nous tous les désagréments pour le reste de la route. Malgré la fiche de collecte de données mise à ma disposition par le point focal de l’OPA à Tema, je ne peux remplir cette fiche au regard des conditions de voyage. En effet, la cabine de la remorque du conducteur est faite pour deux personnes dont le conducteur et son apprenti. Par contre, elle dispose de deux lits superposés derrière les sièges et c’est là que je me suis débrouillé tant bien que mal mais sans jamais m’asseoir de façon normale.
Bref, la route est si longue et le chauffeur redoute les multiples postes de contrôle.

Au total, nous avons été contrôlés trente-trois fois dont 25 en territoire ghanéen et huit au Burkina Faso. Et là, le chauffeur parvient à me convaincre que le nombre de postes de contrôle aurait pu dépasser 33 si nous n’étions pas à un week-end. En effet, le 27 juin tombait sur un samedi et le 28 un dimanche. Néanmoins c’est un voyage qui nous a coûté en argent et en temps. En temps, nous avions mis 53 heures 20 mn avec 9 h 53 mn d’immobilisation soit 3h 06 mn aux différents postes de contrôle ghanéen et 6h 47 mn du côté du Burkina. Le seul poste de dédouanement de Guelwongo nous ayant pris un temps de 6h 24 mn. En argent, il est bon de retenir qu’au passage de la totalité des 25 postes de contrôle du côté ghanéens, à chaque étape il a fallu obligatoirement payer pour passer. Et les montants varient d’un poste à un autre et selon les agents.

Papiers ou pas, il faut payer

Un fait notable du comportement des policiers ghanéens c’est le contrôle des documents. A chaque arrêt, lorsque l’apprenti ou le conducteur lui-même va remettre les documents à un agent, celui-ci les retient automatiquement et engage le débat pour la somme à payer. Cela a souvent pris du temps. C’est le cas par exemple à Koumassi où nous sommes arrivés autour de 1 h du matin le 28 juin. Le chauffeur qui demande au policier d’accepter prendre ce qu’il lui donne afin de lui permettre de poursuivre sa route car il doit au cours de la semaine revenir au Ghana, le policier pour toute réponse lui dit que c’est son choix, car lui il n’est pas pressé étant donné qu’il vit à Koumassi et ne lui a jamais demandé de venir passer devant lui.

A un autre poste de contrôle, un autre policier lui pose cette question. "Qui vous a demandé de venir même transporter nos marchandises" ? Vous voulez que nous on transporte quoi ? Est-ce qu’on vous a dit qu’on ne peut pas transporter" ? Avec un tel langage que faut-il répondre sinon que de négocier avec diplomatie pour payer et poursuivre sa route.

A un autre poste de contrôle situé à 175 km avant Tamalé où nous avons passé 51 mn, j’ai été appelé par un policier pour secourir le chauffeur qui avait épuisé toutes les formes de négociation. Parmi les quatre policiers, il y avait un d’origine burkinabé qui parlait bien le mooré. Et c’est avec lui que nous avons poursuivi les négociations bien évidemment en mooré. Entre-temps le chef de poste me lance en mooré : "Moaga Biiga fo pas taar ligd la" ? (Fils de Mossi tu n’as pas d’argent non !) Pendant ce temps, il avait méchamment plié les documents de voyage dans sa main gauche.

C’est finalement au prix de 10 gh cidis soit l’équivalent de 3 500 F CFA environ qu’il a accepté nous libérer. Fait remarquable également, à aucun des 25 postes où le chauffeur a tout payé, aucun reçu ne lui a été délivré. C’est dire que tout l’argent dépensé est allé directement dans les poches des policiers. A ce propos, le conducteur est très reconnaissant à son patron qui lui fait entièrement confiance. Pour un voyage aller-retour Ouaga – Accra – Ouaga, il reçoit de lui entre 700 à 800 000 F CFA pour son carburant et les frais de route. Parfois, il s’en sort difficilement et tout cela sans reçu pour justifier les dépenses.

Enfin le salut !

Après avoir passé deux pénibles longues nuits sur la route, nous arrivons le 29 juin au petit matin à Guelwongo, en territoire burkinabé. La nuit du 27 au 28 juin, nous l’avons passée au bord de la route dans un village appelé Sakamkrom, tandis que la deuxième nuit, c’est la localité de Pwalungu qui nous a accueillis. A cette dernière nuit, nous avons personnellement vécu la dure réalité de vie d’un transporteur routier. Naturellement, mon sommeil n’a duré que quelques deux heures. Le reste du temps, je suis resté adossé au véhicule et permanemment en lutte avec les moustiques.

A notre arrivée au poste de police de Guelwongo, notre compagnon de route pouvait enfin retrouver son souffle. Un transitaire qui s’occupe généralement des dossiers de la société de transport à laquelle appartient la remorque se saisit de tous les documents et va voir la police et en deux minutes il ressort et nous fait signe de venir à la douane. C’est là que les premières formalités officielles du voyage vont s’effectuer. Le dédouanement de la marchandise prend énormément du temps car de 7h 54 mn, c’est à 14h 30 mn que nous sommes autorisés à partir après avoir obtenu tous les documents du véhicule et de la douane. Un dédouanement qui a coûté la somme de 2 millions 016 553 F CFA pour 1815 colis constituant la charge soit un poids de 40 tonnes
de marchandises.

Poursuivant notre route dans la soirée en direction de la capitale burkinabé, il nous restait à franchir six postes de contrôle dont quatre de douane et deux de gendarmerie. Le chauffeur a déboursé en tout 3 000 F CFA soit 2 000 F à la gendarmerie de Tiebelé et 1 000 F à la gendarmerie de Pô. A aucun poste de douane de contrôle, un centime n’a été demandé.
C’est à 21h que nous sommes parvenus au péage, route de Pô où le véhicule devait passer la nuit pour être conduit à Ouaga- Inter, tôt le matin du 30 juin.

Que disent les textes

Face à cette difficulté des transporteurs routiers sur l’ensemble des corridors de la sous-région, ce n’est pourtant pas les textes qui réglementent la libre circulation des personnes et des biens qui manquent.

Le conseil des ministres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), à travers de nombreuses décisions qu’il a prises indique comment les contrôles devront s’effectuer sur les différents axes et surtout comment ces contrôles devront être menés. Dans sa décision n° 15 de 2005 par exemple et en son article 3, il est spécifiquement mentionné que les différents points de contrôle routier inter-Etats au sein de l’UEMOA sont limités aux points de départ ; de franchissement des frontières entre Etats membres de l’union et des formalités effectuées.

S’il est vrai que le Ghana ne fait pas partie de l’union, il est aussi vrai que dans le domaine du transport routier, des conventions entre Etats existent mais cela semble être ignoré.
Dans la même décision, il est mentionné en son article 5 que les contrôles routiers doivent se faire selon les prescriptions en vigueur sur un site unique regroupant les forces de contrôle et services indiqués en son article 2 qui ne sont que les services sanitaire, phytosanitaire et zoosanitaire.

Le Burkina Faso en ce qui le concerne a également pris plusieurs décrets présidentiels et arrêtés interministériels réglementant les contrôles sur les axes routiers. Il s’agit entre autres du décret n° 395 du 19 juillet 2005 portant limitation des contrôles routiers sur l’axe Dakola – Ouagadougou – Bobo Dioulasso – Koloko – frontière du Mali ; du décret 544 du 10 octobre 2001 portant organisation des contrôles routiers…

François Kaboré : Ouaga-Tema-Accra-Ouaga

Sidwaya

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