Actualités :: Enseignement supérieur privé : Escrocs du savoir, trafiquants de (...)

Les autorités en charge de l’Enseignement supérieur au Burkina Faso viennent de prendre une décision salutaire. N’accèdent désormais à ce cycle que les titulaires du Baccalauréat, le premier diplôme universitaire. Cette mesure vient a priori mettre un peu d’ordre dans l’enseignement supérieur privé burkinabè. Elle permet de séparer la bonne graine de l’ivraie. Si la libéralisation de ce secteur a entraîné la diversification des filières de formation et comblé un tant soit peu le souci de leur professionnalisation, force est de constater quelques années plus tard, qu’elle est aussi la source de toutes sortes de pagaille.

La plupart des promoteurs se comportent en véritables affairistes sans foi ni loi, prêts à fouler au pied les règles élémentaires de ce secteur si spécifique. L’enseignement supérieur privé burkinabè est en grande partie, aux mains de marchands de rêves et de trafiquants de diplômes que de professionnels de la connaissance, du savoir et du savoir-faire. Ils ne font qu’escroquer une frange d’étudiants et de travailleurs nantis ou désireux d’une formation de pointe. La garantie de la qualité des pensionnaires et des enseignants, ainsi que de la crédibilité des programmes et des diplômes importent peu. Comme dans le secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP), des vendeurs de cacahuètes se sont aussi emparés du marché si exigeant de la formation de haut niveau. Leur boulimie du nerf de la guerre et leurs comportements « peu catholiques » souillent l’enseignement supérieur privé et sapent les efforts des vrais formateurs des ressources humaines. Des écoles et des instituts supérieurs burkinabè ont, en réalité, un caractère fantôme et constituent une sorte de passoire ou de refuge pour des « sans niveau ».

Il suffit de s’acquitter de l’argent de la scolarité pour se voir délivrer soit un « Diplôme universitaire de technologie » (DUT) ou un « Diplôme de technicien supérieur » (DTS), soit un « Diplôme d’études supérieures spécialisées » (DESS) en ceci ou en cela et bien d’autres parchemins bien inventés, dans des filières savamment imaginées. Le pouvoir d’achat remplace bien souvent le mérite. Des étudiants, attirés par l’appât publicitaire et voulant sérieusement se former, découvrent, avec stupéfaction, le « faux-typisme » du fondateur. Les promesses de filières de formation et de contenu de cours sont difficilement tenues. Quoi de plus normal, si de nombreux diplômés de l’enseignement supérieur privé, censé être le fer de lance de la professionnalisation du système éducatif, éprouvent des difficultés sérieuses à se trouver une place sur le marché de l’emploi. A l’épreuve de la pratique, leurs parchemins s’avèrent dépourvus de toute caution du savoir-faire tant recherché par les entreprises. Bien que les secteurs de la banque, de l’assurance... connaissent un essor considérable, ces derniers temps au Burkina Faso, beaucoup de sociétés et de recruteurs refusent d’accorder un crédit aux diplômés du privé. Elles préfèrent importer leurs ressources humaines.

A la mesure d’imposer le Baccalauréat aux étudiants désirant s’inscrire à un cycle supérieur, il faut instaurer une véritable inspection des établissements privés pour s’assurer de la qualité des enseignants, des programmes et des cours dispensés, ainsi que de l’effectivité des filières et des horaires requis. La quête de l’excellence dans ce milieu requiert un regard franc des pouvoirs publics. Etant donné que le Président du Faso a fait de « la valorisation du capital humain », l’un des axes majeurs de son programme quinquennal (2005-2010). Ce chantier politique doit s’affirmer dans la volonté de construire un enseignement supérieur responsable, dynamique, compétent, fiable et viable. Ce niveau étant le summum de la formation des ressources humaines. Il est impensable que sous le fallacieux prétexte que leurs diplômes ont reçu l’onction du Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (CAMES), des fondateurs se muent en contrebandiers et tournent le dos aux normes nationales en vigueur.

L’argent de la formation qu’ils proposent à des sommes exorbitantes est dépensé pour autre chose (achat de belles voitures, construction de villas cossues et autres escapades mondaines) plutôt qu’à créer des conditions favorables à l’apprentissage. Le matériel didactique est inexistant et les enseignants, pour la plupart peu qualifiés, ne sont pas toujours bien rémunérés. De telles attitudes ont amené des comités scientifiques-présidés par des professeurs d’université - mis en place pour obtenir l’autorisation d’ouverture - à ne pas parler le même langage avec les promoteurs. Il arrive parfois que face aux arriérés importants dus par des fondateurs et aux conditions exécrables de travail, des enseignants abandonnent les classes en plein milieu d’année sans la moindre évaluation. A leur grand étonnement, leurs étudiants obtiennent des notes dans les matières dont ils sont souvent les seuls à pouvoir dispenser au Burkina Faso.

Des promoteurs usent donc de tricherie pour substituer les enseignants habilités par n’importe quel diplômé de premier et deuxième cycles des universités de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso ou tout autre arriviste « parcheminé ». Les prétendus partenariats avec d’autres instituts et écoles supérieurs du Nord ou du Sud ne sont que des trompe-l’oeil, de la publicité mensongère. Les missions d’enseignement sont un leurre dans de nombreux cas et certains ne disposent plus de comité scientifique, ce cadre si nécessaire à la promotion de l’excellence. Aussi, 80 % des dispensateurs du savoir de haut niveau ne disposent pas d’un diplôme de troisième cycle. S’ils ne signent pas des chèques sans provision pour contenter leurs prestataires plaintifs, des fondateurs véreux et non des moindres, poussent le culot jusqu’à tromper leurs étudiants en présentant des « maîtrisards » comme des maîtres-assistants d’université.

L’heure est venue de soumettre l’enseignement supérieur privé aux mêmes règles et exigences que les universités nationales en leur imposant un cahier des charges très rigoureux et très contrôlé. Si des travailleurs s’orgueillissent de ces établissements fantôches pour leur avoir miraculeusement permis de sauter du CEP au DESS, des diplômés du privé ont aujourd’hui de plus en plus l’impression d’avoir jeté les millions payés pour la formation par la fenêtre. Ils ont certes le parchemin mais il n’exprime aucune compétence. Outre la concurrence déloyale que ces affairistes, escrocs du savoir et trafiquants de diplômes, livrent aux instituts, aux écoles et aux universités qui s’emploient et s’activent à assurer une formation de pointe digne de ce nom, ils déshonorent tout l’enseignement supérieur en banalisant la fonction de ses enseignants et les critères de sélection du secteur.

A l’instar des ministères de la Sécurité et de la Santé qui ont initié des actions vigoureuses pour mettre de l’ordre dans les agences de gardiennage et les structures sanitaires privées, celui en charge de l’Enseignement supérieur doit prendre des mesures énergiques afin de préserver ce niveau de formation de toute prédation et le situer au coeur de son rôle de promotion des ressources humaines de qualité pour le privé et le public. Les autorités universitaires nationales peuvent, avec l’appui des différentes associations socioprofessionnelles, jouer un rôle prépondérant dans la définition, l’organisation, la coordination et la supervision des activités des écoles et instituts supérieurs dans le souci d’en faire de véritables leviers du développement.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

Construction du pont à poutre à Banakélédaga : Le ministre (...)
SNC 2024 : L’UNFPA renforce les capacités de 50 femmes en (...)
Burkina : La pose de hénné, un business qui marche pour (...)
Lutte contre le terrorisme : « Il y a certaines (...)
Burkina / Concours de la magistrature : La maîtrise ou (...)
Bobo-Dioulasso : Un an de silence depuis la disparition (...)
Burkina/Coupures d’eau : Au quartier Sin-yiri de (...)
Burkina/Lutte contre l’insécurité : La direction générale (...)
Burkina/CHU Souro Sanou : La CNSS offre une automate de (...)
Burkina/Santé : Médecins Sans Frontières offre de nouveaux (...)
57e session de la Commission population et développement (...)
Burkina/Action sociale : L’association Go Paga devient « (...)
Bobo-Dioulasso : Les chefs coutumiers traditionnels (...)
Burkina Faso : Le secrétaire général de la CGT-B, Moussa (...)
Burkina : La Côte d’Ivoire va accompagner le retour (...)
Burkina/Enseignement supérieur : L’université Joseph (...)
Burkina : « Nous demandons à notre ministre de tutelle de (...)
La Poste Burkina Faso : « Malgré la crise sécuritaire, les (...)
Bobo-Dioulasso : Incinération de produits prohibés d’une (...)
Burkina/ Mesures de réponses aux pandémies et crises (...)
Burkina/ Programme OKDD : Validation d’un plan de (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36519


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés