Dans la commune rurale de Padéma à plus de 70 kilomètres au Nord de Bobo-Dioulasso, se trouve un ouvrage de franchissement atypique, baptisé “Pont de Banwaly”. A cheval entre deux villages (Soma et Banwaly), cette passerelle, d’une longueur de 60 mètres et d’une hauteur de 6 mètres, est construite en matériaux locaux (bois et terre) au-dessus d’un cours d’eau.
Au détour d’une mission dans la commune rurale de Padéma en mai 2009, mois consacrant le début de l’hivernage, nous sommes tombés sur un ouvrage d’un autre siècle : un pont construit en matériaux locaux. Il s’agit du pont de Banwaly. Un ouvrage qui nous a tout de suite émerveillé. Avec son tablier rempli de terre et soutenu par des troncs d’arbre reliés par des fils de fer, le pont de Banwaly est construit parallèlement à un autre pont plus moderne construit par la Société burkinabè de fibres textiles (SOFITEX) qu’il surplombe. “Quelle ingéniosité !”, nous sommes-nous écriés, à la vue de cet ouvrage.
Et c’est ainsi que nous nous sommes intéressés à cette “merveille” que nous avons voulu voir de plus près. Pendant que nous le parcourons à pied, arrive un cycliste. Il nous salue respectueusement au passage. Ce sont d’ailleurs les va-et-vient incessants des usagers qui donnent au pont de Banwaly tout son sens. Lequel ouvrage est gracieusement ouvert à tout le monde. On n’a pas besoin de débourser un centime pour profiter de ses bienfaits. Mais pendant que nous parcourions le pont de Banwaly avec plaisir, un certain nombre de questions nous taraudaient l’esprit : qui a érigé ce pont ? Depuis combien de temps existe-t-il ? D’où est venue l’idée de le construire ? Autant de questions qui nous ont tout de suite mis sur le chemin de l’investigation. Après quelques contacts, nous voilà en face d’un des deux gardiens de l’ouvrage : Souleymane Sama, la quarantaine bien sonnée, svelte, celui-ci ne se fait pas prier pour répondre à nos questions : “Cela fait 19 ans que nous avons construit ce pont. Il côtoie le pont de la SOFITEX, construit depuis des années pour le transport du coton et qui a remplacé un autre pont défectueux.
C’est sur l’initiative d’un maçon de mon village, Soma, que nous avons entrepris la construction de ce pont car nous avons toujours éprouvé des difficultés à circuler au niveau du pont de la SOFITEX pendant l’hivernage, du fait des fortes précipitations”, dit-il. Et ce gardien, vêtu d’un ensemble en tissu de pagne, de préciser que : “ce sont les habitants de mon village et ceux de Ouigatoulaye, un autre village de la commune rurale de Padéma, qui ont conjugué leurs efforts pour ériger le pont au moyen de matériaux locaux tels le bois et la terre”. Cependant, relève-t-il, même si le pont a pris de l’âge, son utilité n’est plus à démontrer. “Ils sont très peu les habitants qui n’empruntent pas ce pont. Les charrettes, les véhicules, les vélos, les mobylettes et même les piétons passent par ce pont tout au long de l’année”, soutient-il, les mains en perpétuel mouvement. Seulement, indique M. Sama, “Il y a deux ans, nous y avons interdit le passage des voitures en raison de la vétusté de l’ouvrage. Et cela après qu’un véhicule de 10 tonnes l’eut quelque peu endommagé”.
Une planche de salut
Interdit depuis lors aux véhicules à quatre roues, le pont de Banwaly est, durant l’hivernage, l’ultime passage des habitants car celui de la SOFITEX est fréquemment submergé par les eaux de pluie en cette période. Et quand les eaux noient le pont de la SOFITEX sans en engloutir les abords, les habitants passent sans difficultés sur le pont de Banwaly, plus facile d’accès. Mais quand l’ouvrage moderne et ses abords se perdent sous les eaux en situation de crue, traverser le pont de Banwaly n’est plus si simple. Il faut redoubler de prudence et d’intelligence pour atteindre et franchir cette passerelle dont la partie supérieure est parfois trempée par les eaux de ruissellement. Mais face à cette difficulté, les habitants ont une astuce : “Pendant l’hivernage, il arrive que les eaux submergent le pont de la SOFITEX et tous ses abords, à telle enseigne qu’il est difficile d’atteindre le pont de Banwaly. Pour défaire ce nœud, nous utilisons une pirogue pour atteindre le seuil de l’ouvrage et le traverser. Nous embarquons dans une pirogue les piétons ou les usagers avec leurs motos ou vélos”, révèle le gardien Souleymane Sama. Les usagers du pont sont-ils en sécurité ? “Il n’y a quasiment pas d’accident au niveau du pont de Banwaly.
Toutefois, l’année dernière, au mois de septembre, un habitant qui avait chargé un sac de mil sur sa mobylette, s’est subitement retrouvé dans le cours d’eau en-dessous du pont qu’il traversait. Le guidon de sa moto s’était bloqué tout d’un coup sur le pont, entraînant donc sa chute”, raconte notre interlocuteur. Et de poursuivre : “L’infortuné que nous avons repêché s’en est tiré sain et sauf”. Si le pont de Banwaly fait le bonheur des habitants de la commune rurale de Padéma qui l’apprécient fort bien, force est de constater que l’ouvrage prend de l’âge et que sa solidité devient douteuse. “Si le pont de Banwaly n’existait pas, il fallait le construire. Cependant il a vieilli et à propos, je souhaite que l’Etat intervienne pour nous construire un pont moderne de la même hauteur”, lâche dans la bonne humeur, Seydou Soma, cultivateur de son état. L’air timide, Fatimata Sébogo/Ouédraogo, mère de famille, abonde dans le même sens : “Le pont de Banwaly nous sauve chaque année pendant l’hivernage. Mais au fil des ans, il prend de l’âge et perd de sa solidité. J’invite nos autorités à nous aider par la construction d’un pont moderne en lieu et place de cet ouvrage traditionnel”.
L’appui de l’Etat sollicité
Des avis recueillis çà et là, le constat est que les usagers du pont de Banwaly veulent voir l’Etat construire un ouvrage moderne à la place de celui-ci. Mais en attendant de bénéficier d’un tel appui, le gardien Souleymane Sama affirme qu’ils ont en projet de renforcer le pont de Banwaly avec du ciment. “Dans ce cadre, nous avons adressé une demande de soutien à la mairie de Padéma afin qu’elle nous aide avec deux tonnes de ciment. Jusque-là, nous n’avons pas reçu d’écho favorable”, explique-t-il. Interpellé sur la question, le maire de Padéma, Seydou Gnapégué Dao, qui ne nie pas l’importance du pont de Banwaly, affirme n’être pas au courant de la correspondance évoquée par le gardien. Néanmoins, il avance que son conseil municipal envisage de construire un ouvrage moderne en lieu et place du “pont de Banwaly”. “Nous avons même intégré le projet dans le plan communal de développement et espérons avoir des financements pour le réaliser. Le budget communal ne suffit pas pour construire un pont moderne dont le coût de réalisation avoisinerait les 250 000 000 F CFA”, fait savoir le maire de Padéma.
Kader Patrick KARANTAO
Sidwaya
