Actualités :: USAGE DES ARMES A FEU : Un phénomène nouveau et redoutable dans les (...)

Le lundi 16 mars dernier, une manipulation d’arme à feu par un élève de 17 ans du lycée Newton Descartes de Ouagadougou a tourné au drame : le coup accidentellement parti a coûté la vie à un de ses camarades de classe. Quelques semaines plus tard, le ministre en charge de l’Enseignement secondaire a annoncé, à l’Assemblée nationale, la sanction retenue contre l’élève, auteur du drame : exclusion définitive de son établissement et cela, indépendamment des "actions judiciaires qui peuvent être engagées". Quelles sont les différentes responsabilités qui sont engagées en amont d’une telle tragédie ? C’est en cherchant réponse à cette interrogation que nous avons approché des fondateurs d’établissements d’enseignement, des parents d’élèves et le ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique.

Un jeune élève burkinabè de 17 ans s’est présenté dans sa classe de 4e avec dans le sac un pistolet automatique (PA), rangé entre cahiers et livres. Qui l’aurait cru ? Surtout dans un pays où peu d’adultes civils ont déjà manipulé, ou même touché du doigt un PA. Malheureusement, le fléau gagne du terrain sous nos cieux. De nombreux Burkinabè ont été profondément terrifiés le mois dernier par la mort tragique d’un élève de 4e, au lycée Newton Descartes, tombé sous un coup de pistolet accidentellement tiré par son camarade de classe, qui avait réussi à soustraire l’arme de son père, douanier à la retraite. Certains élèves des lycées et collèges du Burkina ont peut-être des habitudes plus graves que le port d’armes à feu. Qui sait ? Puisqu’on ne s’en rend compte que lorsque survient un drame.

A qui la faute ?

A qui la faute et comment peut-on en arriver à un tel niveau de violence dans nos établissements d’enseignement secondaire ? En tant qu’enseignant, en tant que parent d’élève et même en tant que simple citoyen, Arouna Toguyéni, président de l’Union nationale des établissements d’enseignement privés laïcs, par ailleurs, fondateur du Cours Marie Curie, s’est dit "profondément stupéfié et attristé" par le drame du lycée Newton-Descartes. Pour lui, une telle situation interpelle non seulement l’école, mais aussi et surtout, toute la société. Les voies et moyens pour prévenir de tels faits en milieu scolaire sont à rechercher, selon M. Toguyéni, dans une large concertation entre l’ensemble des acteurs de l’éducation (parents d’élèves, enseignants, responsables d’établissements, ministères des enseignements, etc.). Car l’école à elle seule ne peut pas trouver la règle, la formule magique pour éviter que ce genre de drame ne se reproduise. Mais déjà, et depuis toujours, les établissements d’enseignement secondaire du Burkina imposent aux élèves une des règles de discipline régie par des textes.

A ce sujet, le directeur de l’enseignement public du ministère en charge de l’Enseignement secondaire rappelle l’adoption par arrêté ministériel d’un règlement intérieur commun à tous les établissements publics et privés d’enseignement secondaire général, technique et professionnel existant sur le territoire burkinabè. Et chaque établissement, précise Christophe Ouédraogo, est autorisé à se doter d’un règlement spécifique qui doit respecter le règlement général édicté par le ministère, de concert avec les autres acteurs de l’éducation nationale. Lorsqu’un élève enfreint de façon grave le règlement intérieur, ce sont les responsables de l’établissement concerné qui sont les premiers invités à le juger. Et s’ils ne parviennent pas à trancher, la victime peut, le cas échéant, porter plainte.

Une réunion du conseil de discipline se tient alors, regroupant le chef d’établissement, un rapporteur (le surveillant général), le professeur principal de la classe incriminée, le délégué de l’établissement, le chef de classe, un représentant du bureau des parents d’élèves, l’élève incriminé et la victime. Le conseil de discipline dont le rôle premier, rappelle Christophe Ouédraogo, n’est pas de sanctionner, entend les deux parties, tranche l’affaire, punit le fautif conformément au règlement intérieur et, en dernier ressort, prodigue des conseils. Les sanctions prévues par le règlement intérieur sont, des moins sévères aux plus sévères, l’avertissement, le blâme, l’exclusion temporaire, l’exclusion définitive assortie d’interdiction de s’inscrire dans tout autre établissement du pays. Les sanctions du premier degré (jusqu’à l’exclusion temporaire) peuvent être prononcées par le chef d’établissement, tandis que celles du dernier degré sont proposées par le chef d’établissement et soumises au ministre pour décision. La réglementation existe donc, mais est-elle connue des élèves ? A cette question, Christophe Ouédraogo répond que les chefs d’établissements sont instruits par le ministère, à faire lire le règlement intérieur et à l’afficher dans l’établissement pour toute l’année.

En plus, chaque professeur principal est chargé de diffuser le règlement intérieur dans sa classe (principale) et de le commenter. En matière d’application dudit règlement, le président de l’Union nationale des établissements d’enseignement privés laïcs ne veut pas entendre parler de laxisme. Car, pour lui, l’ensemble des élèves des différents établissements sont, en principe, soumis au strict respect desdits textes et les contrevenants doivent être régulièrement punis. Mais, reconnaît-il, c’est parfois une autre réalité sur le terrain. Surtout quand des parents d’élèves se mêlent de discipline générale. Il s’en explique, partant de l’exemple du drame survenu au lycée Newton Descartes : "Nous disons dans notre règlement intérieur, que le port d’arme à feu est prohibé dans les établissements. Mais nous ne pouvons constater l’infraction que lorsque nous voyons l’arme à feu. Et quand l’arme quitte la maison pour se retrouver à l’école, il y a quelqu’un qui n’a pas joué son rôle !".

Et ce "quelqu’un" dont parle Arouna Toguyéni, c’est la société et la famille. Notre interlocuteur qui demeure convaincu de l’importance du rôle que doit jouer la société dans l’éducation des enfants cite un autre exemple, non moins édifiant, pour démontrer l’impuissance de l’école dans bien des cas : "Nous disons aux élèves qu’il est strictement interdit de fumer dans l’enceinte des établissements. Mais il y en a qui ont des habitudes ; ils fument allègrement hors de l’établissement". Ainsi recommande-t-il, avant que l’enfant ne vienne à l’école, la société doit faire en sorte qu’il n’ait pas la possibilité de commettre hors de l’établissement, ce qui lui est interdit à l’école. Selon Mme Evelyne Darga, directrice du Cours Marie Curie, certains parents parmi les plus aisés se permettent de donner à leurs enfants de grosses sommes d’argent (5 000 voire 10 000 F CFA) pour l’école sans se soucier de l’utilisation qu’ils peuvent en faire.

L’école de la rue...

Sur le cas spécifique du port d’arme, le règlement intérieur est on ne peut plus clair. "Il est interdit d’introduire des armes (...) et des jouets dangereux (...) dans l’établissement" (article 20). Et pourtant ! Un pistolet s’est retrouvé dans le sac d’un élève de 4e du lycée Newton Descartes. Sur ce fait précis, le directeur de l’enseignement public ne jette l’anathème sur personne ; s’il se garde d’accuser qui que ce soit, il reconnaît cependant qu’il y a eu une "défaillance", un "rôle mal joué quelque part". En plus, ajoute Christophe Ouédraogo, "l’école de la rue" y est pour quelque chose. Car la délinquance, le banditisme et autres mauvais comportements sont appris dans la rue. Et ce n’est pas tout : "Certaines chaînes de télévision et Internet véhiculent des scènes de violence et des images non recommandables pour la jeunesse."

Pour lui, les parents peinent à contrôler ces types d’image qui, pourtant, ont une influence sur les enfants. Cet avis est partagé par Arouna Toguyéni qui pense que les élèves sont de nos jours tournés vers autres choses : la télé, les jeux vidéo, l’Internet, etc., et sont tentés d’expérimenter ce qu’ils y voient. De l’avis du président de l’Union nationale des établissements d’enseignement privés laïcs, tout comme de celui du directeur de l’enseignement public, le drame du Newton-Descartes n’est imputable à une quelconque défaillance de la surveillance des élèves dans les lycées. D’ailleurs, reconnaissent-ils, aucun établissement ne peut se permettre de fouiller chacun de ses élèves à chaque fois qu’il franchit le seuil de l’enceinte de l’établissement.

Quelles solutions ?

Par le canal de la mondialisation, la violence d’un type nouveau gagne progressivement du terrain en milieu scolaire. Les adolescents, parce qu’ils sont animés d’une folle envie de s’identifier aux héros qu’ils découvrent à la télé ou avec les jeux vidéo, tombent à bras raccourcis sur tout ce qui peut leur permettre de frimer, de se faire voir, de "faire le malin", ou de montrer aux yeux de leurs camarades ce dont ils sont capables. Pour ralentir cet inquiétant élan de folie meurtrière dans notre société, le président de l’Union nationale des établissements d’enseignement privés laïcs préconise une profonde réflexion à mener par l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale, avec, en tête, les parents d’élèves.

De cette concertation, selon lui, pourrait émaner la meilleure formule pour décourager la violence de toutes formes dans la société et partant, dans les lycées et collèges. Le directeur de l’enseignement public qui est lui aussi favorable à une telle démarche, estime qu’il faut en plus, mettre l’accent sur la sensibilisation. Christophe Ouédraogo est par ailleurs convaincu d’une chose : si le jeune élève du lycée Newton Descartes avait réussi à frimer devant ses camarades avec l’arme de son père, et la ramener là où il l’avait prise sans qu’un accident ne survienne, personne au niveau de l’administration de son école, ou peut-être au niveau de sa famille, ne s’en serait rendu compte. C’est pourquoi il pense qu’il est important qu’une sensibilisation soit menée en direction de l’ensemble des élèves afin qu’ils prennent l’habitude de dénoncer tout mauvais comportement d’un des leurs. En tout état de cause, il est encore temps de s’attaquer aux causes de cette "occidentalisation" de la violence dans le milieu scolaire de notre pays. Car le plus dur n’est pas de copier les habitudes de l’Occident, mais de faire un retour en arrière lorsqu’on se rend compte que l’on s’est trompé de chemin.

Par Paul-Miki ROAMBA


Extraits du règlement intérieur

Article 2 : L’école burkinabè a pour finalitéé :

- de permettre aux jeunes burkinabè d’assimiler les valeurs spirituelles, civiques, morales, culturelles, intellectuelles et physiques de la société ainsi que les valeurs universelles, fondement de l’éducation au Burkina Faso ;
- d’assurer un développement intégral et harmonieux de l’individu ;
- de développer en lui l’esprit de solidarité, de justice, de tolérance et de paix ;
- de créer et de stimuler l’esprit d’initiative et d’entreprise ;
- d’assurer sa formation afin qu’il soit utile à sa société et capable de l’aimer, de la défendre et de la développer ;
- d’enseigner au citoyen le sens de la démocratie et de l’unité nationale.

Article 20 : Des violences

Les élèves doivent avoir un comportement correct dans l’enceinte de l’établissement. Par conséquent, il est interdit d’introduire des armes (couteaux, canifs, lance-pierres, fléchettes, armes à feu, etc.), des jouets dangereux (pétards, etc.) dans l’établissement. Les jeux violents et les bagarres sont formellement interdits. Tout contrevenant aux dispositions de cet article est sanctionné.

Article 21 : De l’usage des produits prohibés

La détention, l’usage, la consommation, la vente d’alcool, de drogue, de tabac, et d’autres stupéfiants sont strictement interdits et les contrevenants s’exposent à des sanctions.


Vers une relecture du règlement intérieur ?

La version du règlement intérieur des établissements d’enseignement secondaire du Burkina actuellement en vigueur a été adoptée par arrêté ministériel n°2003-054/MESSRS/DG/DGESG/DGESTP du 20 mars 2003, signée du Pr Laya Sawadogo, alors ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique. Elle est donc vieille d’un peu plus de 6 ans. Et n’est certainement plus vraiment en phase avec la vie actuelle des établissements scolaires, vu l’évolution très rapide de notre société. Le directeur de l’enseignement public pense que le drame du Newton Descartes et bien d’autres situations nouvelles pourraient amener le ministère à convoquer ses partenaires pour une relecture du règlement intérieur, de sorte à prendre en compte beaucoup de paramètres nouveaux dont l’utilisation du téléphone portable. Des concertations se seraient déjà tenues à cet effet.

PMR


Newton-Descartes prend de nouvelles mesures

Selon le censeur de l’enseignement général que nous avons rencontré en présence de son collègue de l’enseignement technique, l’établissement a un règlement intérieur. L’article 22 dudit règlement stipule qu’il est formellement interdit non seulement d’amener des objets dangereux au sein du lycée : armes à feu, couteau, etc. mais encore de fumer ou de boire de l’alcool. Roger Ouibga a indiqué que le règlement est lu et affiché dans chaque classe. Mieux, avant toute inscription, les parents d’élèves doivent en prendre connaissance. Evoquant le drame, notre interlocuteur dit qu’il relève en grande partie de la responsabilité des parents. "Il est intolérable de laisser une arme à portée de main d’un enfant. Il y a plus d’un millier d’élèves et nous ne pouvons pas chaque matin les fouiller", a-t-il martelé. Roger Ouibga reconnaît que l’insécurité dans les établissements prend de l’ampleur et que nul n’est à l’abri du phénomène. "Les élèves sont de plus en plus violents et beaucoup ne respectent plus les enseignants. Il y a même certains qui tiennent tête au corps professoral. Les professeurs subissent souvent leurs menaces", a-t-il renchéri. Le censeur a confié que l’administration du lycée Newton a pris des mesures pour que de tels cas malheureux ne se reproduisent plus. Une rencontre ayant regroupé les délégués de classe, le bureau de élèves, l’administration élargie aux parents d’élèves a eu lieu.

Par Gontran ZOUNGRANA


Le pistolet dans les lycées du Burkina

B. Diallo, enseignant des lycées et collèges en service au lycée Vénégré de Ouagadougou se souvient de quelques cas de menace par pistolet perpétrées par des élèves sur d’autres élèves au Burkina. Il en fait le récit suivant :

- Début des années 2000 : dans un lycée de la place, un élève de 4e apporte en classe une arme chargée de son père capitaine de l’armée. Pendant les cours, le tir part et effleure la cheville d’un élève. Quelle chance !

- Année 2008 : Un élève de 6e dans l’enceinte d’un lycée menace son camarade avec une arme parce que ce dernier courtise sa petite amie.

- Mars 2009 : Un élève tue accidentellement son camarade avec l’arme chargée de son père qui l’avait laissée dans le divan. Au vu de ces quelques cas dont il a souvenance, M. Diallo exige que soient désormais appliquées de sévères sanctions à l’encontre des élèves (et leurs parents) qui font du pistolet, un jouet dans l’enceinte des lycées :
- forte amende, condamnation avec sursis pour l’élève fautif et le père propriétaire de l’arme, au cas où il n’y a pas mort d’homme.

- forte amende, des années de prison ferme pour l’élève fautif et le père propriétaire de l’arme au cas où il y a mort d’homme.

Le Pays

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