Actualités :: Commune rurale de Pabré : Un projet de carrière divise Sabtenga

Un projet d’ouverture d’une carrière de granit par l’entreprise Kanazoé ne fait pas l’unanimité dans le village de Sabtenga. Les villageois s’opposent à leur chef, soutenu par seulement trois de ses sujets, qui est partant pour la réalisation de ce projet.

A Sabtenga, village situé sur l’axe Ouagadougou-Ouahigouya et à environ 25 km de la capitale dans la commune rurale de Pabré, un projet d’ouverture d’une carrière de granit par l’entreprise Kanazoé oppose les villageois à leur chef. Tandis que celui-ci, appuyé par deux de ses sujets, est partant pour le projet qui, selon lui, va apporter un plus au village, une large majorité de la population ne le supporte pas dans la réalisation du projet. Les chefs de file des opposants au chef du village, Naaba Kuilga, sont El Hadj Harouna Kaboré et Ambroise Kaboré résidant tous les deux à Ouagadougou.

L’enquête commodo et incommodo ouverte le 9 février 2009 et close le 10 mars 2009 par le Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB) n’a pas encore livré ses conclusions qui détermineront l’ouverture ou non de la carrière. L’enquête a demandé la notification de tout avis contraire ou non relatif au projet dans les limites de la durée de l’enquête et les frondeurs ont réagi en écrivant au maire de la commune rurale de Pabré qui est le commissaire enquêteur avec ampliation à d’autres structures ou institutions, notamment aux ministères de la Santé, des Mines, des Carrières et de l’Energie, au BUMIGEB, à l’entreprise Kanazoé... où ils marquent leur opposition au projet.

Ils ont même fait diffuser un communiqué radio à ce sujet. "Ce projet ne présente aucun intérêt pour le village. Cette carrière sera une source de maladies pour la population dont certaines habitations sont très proches du site...", relève Ambroise Kaboré, l’un des meneurs. La proximité des habitations d’avec le site qui est également un lieu sacré est en effet l’argument avancé par les opposants au chef pour rejeter le
projet.

Un lieu sacré où se déroulent les rites coutumiers

A Sabtenga où nous nous sommes rendus le jeudi 12 mars 2009, la population semblait très déterminée à empêcher l’ouverture de la carrière. "Le site est un lieu sacré. Nos ancêtres ont toujours fait les sacrifices en ces lieux et cela se perpétue de nos jours. En plus, ce site constitue le noyau du village. Nous ne pouvons donc pas admettre que Kanazoé vienne le détruire. Cela ne nous apportera que des ennuis...", a laissé entendre Sana Kaboré, l’un des notables du village. Ils sont tous convaincus que le chef du village a reçu beaucoup d’argent de l’entreprise promotrice du projet, pour accepter la destruction de ce lieu hautement culturel pour le village.
"Le chef n’a consulté personne d’entre nous. C’est lui et deux vieux dont celui chargé d’effectuer les rites coutumiers qui ont pris la décision. Nous avons été surpris de voir une équipe venue de Pabré inspecter les lieux en compagnie des acolytes du chef...", fait remarquer le vieux Tennoaga Kaboré.

Pour lui, ceux qui habitent aux environs du site peuvent se déplacer mais le fait que le site soit le lieu où les rites coutumiers se déroulent pose problèmes. "Beaucoup d’entre nous doivent leur santé, leurs biens à ces lieux. Certains ont eu des enfants en s’en remettant au granit.

Et c’est mon cas. Je ne pouvais pas avoir d’enfants. J’ai demandé l’aide au granit et il me l’a accordée. J’ai aujourd’hui 17 enfants. La destruction du granit entraînera la mort de beaucoup d’enfants du village dont les miens. Nous n’accepterons donc jamais l’ouverture d’une carrière sur ces lieux dont je porte d’ailleurs le nom (Piiga)...", soutient avec véhémence Piiga (granit en mooré) Kaboré.
Le site qui est une étendue de plusieurs hectares de granit était également, à en croire les notables du village, un endroit où les femmes venaient y mener des activités ménagères. Elles y partaient, à les entendre, pour moudre le mil ou pour produire le beurre de karité. Une visite guidée des lieux nous a permis de constater ces faits. Des traces visibles relatives à chaque type d’activités ont été en effet laissées par les femmes de l’époque.

Le maire de Pabré, Anatole Doamba

Le chef, l’un des mis en cause, était absent ce jeudi 12 mars 2009. Aussi, les deux autres refusent de dire quoi que ce soit à son absence. Ainsi, une semaine plus tard (jeudi 19 mars 2009), nous revoilà à Sabtenga. Il était 12 h 25 lorsque nous arrivions au domicile du chef. Couché sur une natte sous son hangar, Naaba Kuilga se redresse à notre vue. Tout souriant, il nous accueille avec l’air d’avoir été informé de notre arrivée. "Je savais que vous alliez venir. J’ai été en Libye pour le Mouloud mais finalement c’est en Mauritanie que j’ai fait la fête en compagnie de Mahama Kaboré. A mon retour, il y a seulement deux jours, on m’a informé que vous êtes déjà venu enquêter sur le projet d’ouverture de carrière de granit...", lâche-t-il d’emblée avant d’ajouter : "patientez quelques instants.

Je fais appeler les vieux pour m’assister car je sais que vous êtes là pour connaître la vérité sur ce qui se dit sur le projet...". Quelques minutes après, deux vieux s’amènent. Le chef procède alors aux présentations. "Lui, c’est Mahama Kaboré. Il était avec moi en Libye et en Mauritanie. L’autre, c’est Tenkuilga. C’est lui qui est chargé d’effectuer les rites coutumiers du village...", note-t-il en présentant les deux personnes âgées, tout en leur expliquant la raison de notre présence.
Tout de suite, il affirme, qu’en tant que chef du village, il a donné l’autorisation à l’entreprise Oumarou Kanazoé d’ouvrir la carrière lorsqu’il en a été informé par un jeune du village. "J’ai été vilipendé et traité de tous les noms avec les deux vieux qui sont là. Pourtant, j’ai agi pour le bien du village...", souligne-t-il.

Oui pour le projet si...

Le chef affirme qu’il a donné son autorisation pour l’ouverture de la carrière avec, au préalable, des conditions. "J’ai fait un rapport que j’ai transmis au maire de Pabré avec toutes les conditions. Si l’entreprise les accepte, je ne vois pas pourquoi je refuserai de donner mon accord...", relève-t-il. Naaba Kuilga dit avoir demandé à l’entreprise, la réalisation d’un certain nombre d’infrastructures socioéconomiques pour le village. La première d’entre elles est le dédommagement conséquent des propriétaires terriens qui vont perdre leurs terres. Les autres sont la réalisation de 20 forages, d’un barrage, d’un terrain de football, la construction d’un collège d’enseignement général, la réfection du centre social au profit du village. Le barrage par exemple, selon lui, permettra à la population, surtout les jeunes, de faire de la culture maraîchère, génératrice de revenus.

Avec le CEG, les enfants du village admis en classe de sixième n’iront plus à Ouagadougou. "Je n’ai rien demandé pour moi-même. De plus, ce que j’ai demandé va profiter à tout le monde. J’ai entendu des absurdités. On raconte que j’ai pris quinze milliards de francs CFA avec Kanazoé. Vous avez bien entendu. Quinze milliards. C’est une absurdité. Je défie quiconque de prouver que j’ai pris de l’argent avec l’entreprise...", a martelé le chef. La proximité du site d’avec les habitations est un faux argument, selon Naaba Kuilga.
"La mairie de Pabré est venue avec un représentant de la brigade territoriale de gendarmerie, un de la police départementale, le préfet de Pabré, évaluer les distances. Entre le site et le centre de santé et de promotion sociale, il y a 3,700 km, l’école est distante du site de 4,600 km.

La distance qui sépare ma cour qui se trouve être l’une des cours la proche du site est de 4,600 km. Soyons sérieux. Les nuisances que l’exploitation de la carrière pourraient causées du fait de la proximité d’avec les maisons ne tiennent pas. C’est la même entreprise qui exploite la carrière de Yagma distante de moins d’un kilomètre du CSPS de Bisghin. Cela fait plusieurs années que cette carrière a été ouverte mais on n’a jamais signalé des problèmes de nuisances...", fait remarquer le chef.
Naaba Kuilga reconnaît que le site est effectivement un lieu sacré du village.

"Le caractère sacré des lieux ne gène en rien l’ouverture de la carrière...", relève-t-il. Il est soutenu par le vieux Tenkuilga Kaboré, celui-là même qui a hérité des responsabilités de gardien des rites coutumiers. "C’est moi qui suis chargé d’effectuer tous les rites et j’affirme que l’ouverture de la carrière en ces lieux ne dérange en rien la continuité des rites.
Même de ma cour, si j’égorge une poule en invoquant le granit, les vœux vont être exaucés par les ancêtres...", relève ce dernier.
Naaba Kuilga se dit très soucieux du bien-être de la population de son village. Aussi, il veut faire le bonheur de cette population malgré elle. Mais le fait qu’une très large majorité s’oppose à sa décision ne pose-t-il pas un problème ?

"Certains de ceux qui manifestent publiquement leur opposition viennent nuitamment me voir pour me dire qu’ils ne sont pas d’accord avec les autres et qu’ils me soutiennent. Il n’y aura donc pas de problèmes...", répond le chef. Le maire de la commune rurale de Pabré, Anatole Doamba, commissaire enquêteur, que nous avons rencontré le 12 mars 2009, a, pour sa part, souligné que les conclusions de l’enquête commodo et incommodo n’étaient pas prêtes. Aussi, il lui est difficile de se prononcer.
Une rencontre entre toutes les parties, prévue le mardi 24 mars 2009, a été reportée à une date ultérieure.
C’est peut-être donc à l’issue de cette rencontre que l’on saura, qui du chef du village ou de la majorité de la population, gagnera la partie.

Etienne NASSA (paratena@yahoo.fr)

Sidwaya

Burkina : La pose de hénné, un business qui marche pour (...)
Lutte contre le terrorisme : « Il y a certaines (...)
Burkina / Concours de la magistrature : La maîtrise ou (...)
Bobo-Dioulasso : Un an de silence depuis la disparition (...)
Burkina/Coupures d’eau : Au quartier Sin-yiri de (...)
Burkina/Lutte contre l’insécurité : La direction générale (...)
Burkina/CHU Souro Sanou : La CNSS offre une automate de (...)
Burkina/Santé : Médecins Sans Frontières offre de nouveaux (...)
57e session de la Commission population et développement (...)
Burkina/Action sociale : L’association Go Paga devient « (...)
Bobo-Dioulasso : Les chefs coutumiers traditionnels (...)
Burkina Faso : Le secrétaire général de la CGT-B, Moussa (...)
Burkina : La Côte d’Ivoire va accompagner le retour (...)
Burkina/Enseignement supérieur : L’université Joseph (...)
Burkina : « Nous demandons à notre ministre de tutelle de (...)
La Poste Burkina Faso : « Malgré la crise sécuritaire, les (...)
Bobo-Dioulasso : Incinération de produits prohibés d’une (...)
Burkina/ Mesures de réponses aux pandémies et crises (...)
Burkina/ Programme OKDD : Validation d’un plan de (...)
Association Beoog-Neeré du Ganzourgou : 320 caprins pour (...)
Burkina/ Rencontre inter-réseaux 2024 : L’élimination des (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36519


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés