Actualités :: Me HALIDOU OUEDRAOGO, ANCIEN PRESIDENT DU COLLECTIF CONTRE L’IMPUNITE : "Le (...)
Me Halidou Ouédraogo

Me Halidou Ouédraogo, qu’on ne présente plus au Burkina Faso, a séjourné à Cuba du 8 décembre 2008 au 16 janvier 2009. Dans ce pays, Halidou Ouédraogo a rendu visite aux autorités politiques cubaines et a rencontré des responsables d’institutions. Il a, en outre, échangé avec les animateurs des services universitaires, sanitaires et a assisté à des rencontres commémoratives du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. A la fin de son séjour, Maître Ouédraogo a rédigé un rapport sur la situation des droits de l’homme à Cuba. Dans cet entretien qu’il nous a accordé à son domicile le 26 mars 2009, Halidou Ouédraogo revient sur son séjour au pays de Fidel Castro. Il nous parle des actions menées par le Collectif contre l’impunité et de son état de santé.

"Le Pays" : Quel est votre état physique et sanitaire après avoir séjourné 38 jours durant à Cuba ?

Halidou Ouédraogo : Je me porte beaucoup mieux en ce moment. Depuis mon accident, les choses n’ont pas été faciles. Je suis allé d’hôpital en hôpital, de clinique en clinique. Mon séjour au Centre international de récupération et de réhabilitation neurologique (CIREN) à Cuba m’a fait du bien et je sens que je peux aller mieux car j’ai bénéficié d’un traitement approprié.

Que pensez-vous de Cuba, ce pays sous embargo des Etats-Unis et la dictature de Castro depuis 50 ans ?

Cuba fascine la jeunesse et le continent africain. Quel est l’étudiant ou le cadre africain qui n’a pas eu en sa possession, dans sa chambre, un portrait de Che Guevara ou de Fidel Castro ? Quelle est l’organisation africaine qui n’a pas solidarisé avec Cuba ? Cuba va bien. C’est un pays qui est bien gouverné, en conformité avec les attentes et les intérêts supérieurs des Cubains. On ne peut pas parler de dictature à Cuba. Nous sommes arrivés au moment où Fidel Castro passait la main. Malgré l’embargo, Cuba a réussi à se tirer d’affaire. Le pays est connu pour son industrie sucrière, ses productions de tabac et de café. Il exporte des produits pharmaceutiques. Cuba s’illustre par la gratuité de son éducation, de l’école primaire à l’université. La santé y est de très bonne qualité et le réseau sanitaire est très dense en infrastructures et en services. Malheureusement, comme vous le savez, Cuba vit un blocus économique qui dure depuis l’entrée de Fidel Castro à la Havane en 1958. L’île continue de se développer et de faire face aux manques de technologies. Mais il faut reconnaître que le pays se heurte aux graves conséquences de l’embargo qui interdit les échanges et la libre circulation des personnes entre Cuba et les USA.

En tant que défenseur des droits humains, quelle appréciation faites-vous de la situation des droits de l’Homme à Cuba ?

Il faut rappeler que l’invitation pour aller à Cuba a été adressée à la Fondation pour la promotion des droits humains en Afrique et également à l’institut Sud-Nord pour l’enseignement et l’éducation aux droits civiques. J’ai bénéficié de cette invitation et je suis parti avec mon épouse. Sur place, nous avons rencontré des autorités politiques au plus haut niveau, des responsables d’institutions internationales, des membres de la société civile et j’ai pu m’imprégner des réalités cubaines. Au terme de ce voyage à Cuba, j’ai rédigé un rapport sur l’état des droits de l’Homme dans le pays que j’ai partagé avec les autorités cubaines, la société civile et que j’ai fait parvenir au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à Genève. Le rapport a été bien reçu. On peut faire deux lectures de la situation des droits de l’Homme à Cuba : celle du défenseur des droits de l’Homme que je suis et celle des institutions internationales impulsées par les Etats-Unis. Je peux dire que j’ai découvert, pour ma part, un pays qui se construit économiquement, socialement et institutionnellement.

C’est un pays qui se construit dans la difficulté et qui a su surmonter les difficultés. Il a pu faire face à un ostracisme exacerbé, un embargo imposé par les USA dès l’entrée à la Havane de Fidel Castro et de ses hommes. Cet embargo affecte le secteur économique, social et culturel. Cuba a su assurer la survie et l’alimentation à son peuple. Les gens ne meurent pas de faim. Ce ne sont pas des nécessiteux. Les coopératives marchent parfaitement. Au niveau institutionnel, Cuba a su développer une diplomatie impressionnante. 140 pays sont représentés à la Havane. Sur le plan de la santé, c’est un pays très avancé. Il y a beaucoup d’hôpitaux et de médecins à tel point que le pays exporte ses médecins dans les quatre coins du monde. L’île a proposé à l’OMS 4000 médecins pour l’Afrique. La jeunesse se forme de manière exemplaire et, à ce propos, nous avons pu visiter le centre des pionniers "Che Guevara" à 20 km de la Havane qui est un pôle d’excellence. Au niveau culturel, la jeunesse cubaine est très épanouie.

Mais nous ne pouvons pas être euphorique et passer sous silence un certain nombre de difficultés à cause de l’embargo. Sur le plan de la santé par exemple, il y a des machines qu’il faut. Cuba ne peut pas avoir accès à la technologie et au matériel de pointe. Ce pays a, par contre, mis l’accent sur la formation des ressources humaines. Par ailleurs, l’Amérique latine est très solidaire de Cuba. A l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme au Palais de la convention à la Havane où nous avons pris la parole, de nombreux pays d’Amérique latine étaient présents de même que des pays d’Afrique australe. Nous avons pu constater la solidarité autour de Cuba ; ce qui l’aide à surmonter les difficultés.

Cuba peut-elle être un exemple pour le Burkina ?

Oui, il y a des exemples dont le Burkina peut s’inspirer. Sur le plan de l’éducation, il y a des domaines qu’on peut s’approprier. L’analphabétisme est éradiqué sur l’île. Le domaine de la santé mérite réflexion et appropriation. De ce point de vue, Cuba coopère avec le Burkina. Les médecins cubains, dans nos régions et dans nos provinces, font un excellent travail. Il y a également le sport où Cuba excelle. Il y a le courage de son peuple. Nous n’avons pas à envier Cuba sur ce plan. Le peuple burkinabè a aussi du courage mais nos difficultés sont d’autres formes. Cela vaut la peine qu’on approfondisse les échanges d’expériences. Du point de vue des institutions internationales, la propagande américaine est tenace. On présente Cuba comme une dictature. Mais c’est oublier aussi la ténacité et l’organisation du peuple cubain autour de Fidel Castro, de ses dirigeants. Cuba est l’objet de propagande à tel point que cinq jeunes cubains sont présentement enfermés dans les prisons américaines et font l’objet de démarches aussi bien au niveau des Nations unies que de la société civile internationale qui demandent leur libération. Nous avons apporté notre solidarité à ces jeunes.

Au Burkina, le Collectif contre l’impunité est de nos jours un peu discret, contrairement au temps où vous étiez à sa tête. Sa dernière activité date de décembre 2008 à l’occasion du 10e anniversaire du drame de Sapouy. Que pensez-vous de son action ?

On peut relativiser vos propos. Le Collectif est un rassemblement d’organisations de la société civile qui a une plate-forme qui tourne autour de trois points à savoir l’indépendance du pouvoir judiciaire, les réformes démocratiques pour approfondir la démocratie et la lutte contre l’impunité, notamment la justice qui est demandée pour Norbert Zongo, votre confrère assassiné en décembre 1998. La mobilisation est toujours réelle. Au 10e anniversaire de cet assassinat, j’étais à Cuba mais j’ai pu suivre les informations sur TV5. C’était extraordinaire. La mobilisation était très forte, ce qui montre que cette organisation n’est pas inactive. Ce sont peut-être les méthodes de lutte qui sont susceptibles de changer. Dix ans se sont écoulés.

Les premières années, le Collectif tenait en moyenne un meeting-marche tous les mois. Le Collectif avait mobilisé au plus profond de notre pays. Cela demandait beaucoup de moyens : des moyens humains et des moyens financiers. Pour un meeting, il fallait mobiliser entre un et deux millions de FCFA. Je vous rappelle que le Collectif n’a jamais été financé par une institution extérieure. Au moment où j’étais à sa tête, il a fonctionné par les cotisations et les contributions de ses membres. Et pour des gens qui font face aux problèmes de santé et de scolarisation de leurs enfants, aux problèmes de développement de leurs villages et de leurs régions, qui paient beaucoup de taxes, ce n’est pas facile. L’argent n’est pas une chose facile à avoir au niveau du Collectif bien qu’on ait dit un certain nombre de choses. Si bien qu’il faut se réadapter, il faut corriger les façons de voir et faire en sorte de pouvoir toujours attirer l’attention des autorités sur la situation qui est à l’origine de la création du Collectif.

Les résultats obtenus vous satisfont-ils ou avez-vous quelques regrets ? Y a-t-il des chances qu’on revoie Halidou Ouédraogo un jour parmi les militants du Collectif ?

Le noeud du problème était la justice pour Norbert Zongo, l’indépendance de la justice et les réformes démocratiques. Si vous prenez le dossier Norbert Zongo, il est en train de se perdre dans le sable à tort alors que ce n’est pas un dossier très compliqué. C’est un dossier à traiter pour approfondir la démocratie. Il faut le traiter pour rassurer le peuple burkinabè, approfondir la confiance entre le peuple et les gouvernants. C’est un dossier judiciaire et on peut trouver la solution. Le Collectif a contribué à des réformes démocratiques. Il fut un moment où notre mouvement avait une quarantaine de députés au parlement contre une cinquantaine pour le parti au pouvoir. Quel est l’état de la situation actuelle ? On a régressé sur ce plan-là. Il y a un effort à faire pour rassurer les citoyens et restaurer la confiance avec les dirigeants.

C’est vrai qu’on ne peut pas être satisfait à 100%, mais il y a un minimum. Il y a beaucoup de choses à faire dans notre pays, du point de vue de la démocratie, du progrès social, etc. Je reste toujours un militant du Collectif. Je suis président d’honneur de l’Union interafricaine des droits de l’Homme. Je conduis une fondation pour la promotion des droits humains et je mène bien d’autres activités. J’ai pu séjourner à Cuba grâce à mes activités militantes. Je contribue toujours à la recherche de solutions. Mais il faut aussi tirer la leçon que nul n’est indispensable. Nous avons commencé un travail et il appartient aux Burkinabè de le poursuivre. Je suis diminué du point de vue de la mobilité, mais la tête demeure toujours et je peux contribuer d’une manière ou d’une autre. Je viens de Cuba et je vais me rendre en Guinée pour le forum de la société civile.

Ce sont des occasions dont je profite pour me soigner. Pour terminer, je profite des colonnes de votre journal pour remercier le peuple burkinabè et lui dire que ma famille et moi sommes reconnaissants de la solidarité dont nous avons bénéficiée de sa part. J’adresse également un mot aux mouvements de la société civile qui ne sont pas contre le pouvoir mais qui jouent le rôle de contre-pouvoir. C’est ensemble que nous pouvons construire le pays. Comme vous le constatez, je suis bien vivant et je me porte très bien. J’ai juste quelques problèmes de mobilité. Comme on dit souvent, la maladie vient subitement mais repart lentement. Je me remets tout doucement et je remercie beaucoup Dieu.

Propos reccueillis par Boureima OUEDRAOGO SONRE

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