Actualités :: Eboulement mortel à Boussoukoula : Faut pas ruser pas avec le (...)

Samedi 9 août 2008. Eboulement dans une mine d’or de Boussoukoula, dans le sud-ouest burkinabé. Sous les décombres, trente-quatre corps sans vie. « C’est bien fait pour leur gueule », serait-on tenté de crier, par dépit, n’eût été le bilan macabre par lequel s’est soldé l’accident. Des morts, il ne faut pas dire du mal, recommande la morale.

Tout comme elle nous interdit de rire du malheur des autres. Nous ne dérogerons pas à ces principes altruistes. Non plus, nous ne ferons entorse à l’obligation, pour tout homme, de dénoncer toute pratique source, à court ou long terme, de détresse dans la société.

La tragédie survenue à Boussoukoula procède du fatalisme ambiant, dans lequel restent, hélas, toujours plongées bien de sociétés africaines. Le sababo ou sababou, pour parler local de ce fatalisme africain, qui confine à de la pure incurie, est une cause majeure de nombre de catastrophes humaines sur le continent. Ce n’est pas de l’hégélianisme primitif, mais du réalisme, qu’il faut avoir le courage d’affronter.

Regardez, bonnes gens, la folie suicidaire avec laquelle ces millions de jeunes Africains se lancent, chaque année, sur les mers et autres océans, entassés sur des rafiots d’un hypothétique bonheur en Europe. Malgré le choc des images de ces corps ballonnés, que rejette chaque fois la mer, les candidats à l’immigration clandestine n’en démordent point. Une témérité suicidaire, qui tire sa source de la croyance selon laquelle derrière chaque tragédie se trouve la marque du destin, auquel on ne peut échapper.

Pour revenir à la catastrophe de samedi dernier, il faut, non seulement et d’abord, déplorer la mort, atroce, de tous ces orpailleurs, mais aussi regretter la persistance de certains modes d’exploitation, qui jurent avec les principes élémentaires de sécurité.

L’orpaillage, en tout cas, pour ce qu’on sait de ces conditions d’exercice dans notre pays, est une activité dangereuse. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir, autant que la mémoire nous le permet, de quelques cas récents d’accidents mortels, survenus sur plusieurs sites d’or :

en 2006 à Poura, localité située à quelque deux cents kilomètres de Ouagadougou, deux éboulements sont survenus dans la mine désaffectée de la Société de recherche et d’exploitation minière du Burkina (SOREMIB) ; l’un en juillet et l’autre en août, dont le bilan officiel faisait état de trois morts, cinq blessés et une dizaine de disparus. Pas plus tard que le 26 juillet de cette année, toujours à Poura, trois mineurs mouraient ensevelis.

Les 31 janvier et 7 février de cette année, se sont succédé deux effondrements de puits sur le site aurifère d’Epara 2 dans la commune rurale de Kyon (Boulkiemdé). Bilan : deux tués.

Et cette énumération, macabre, est très loin d’être exhaustive. Faute de moyens humains, matériels et financiers pour créer des industries extractives dans les zones aurifères du pays, l’Etat, par endroits, a fait de l’orpaillage une solution de rechange. Et du coup, l’exploitation artisanal de l’or a engendré des fourmilières humaines qui échappent à tout contrôle.

Y pullulent en effet des trafiquants d’amphétamines de tous genres, des prostituées de tous âges et de tous prix, des proxénètes au regard de tueur et, surtout, des orpailleurs s’en fou la mort. Nombre d’entre ces derniers, réfractaires impénitents à toute mesure de sécurité, insubordonnés à toute réglementation, s’adonnent dangereusement aux fouilles au mépris de leur vie et de celle des autres.

Malgré l’arrêté gouvernemental publié en juin dernier, interdisant l’orpaillage jusqu’au 30 novembre en raison des menaces d’éboulement pendant la saison pluvieuse, ces enragés de métaux précieux défient allègrement les lois de la nature, en continuant de descendre dans les galeries, que rien ne soutient de l’intérieur. Face aux risques, ils s’en remettent au pauvre bon Dieu, maître de tout destin. Seulement on ne ruse pas éternellement avec le destin. Et le drame de Boussoukoula sonne comme la rançon du fatalisme, religion dominante dans les mines d’or illégales.

Dans cette aventure calamiteuse, il n’est pas superflu d’engager la responsabilité de l’Etat, coupable, pour user d’une récrimination du Premier ministre, Tertius Zongo, de manque de suivi. Car une chose est d’édicter des lois et des réglementations, et une autre est de veiller à leur application. Pourquoi, par exemple, ne pas envoyer des agents de sécurité, le temps d’un hivernage, sur les sites ?

Surtout, ne brandissez pas l’argument de l’insuffisance en nombre des forces de l’ordre. Si on peut poster dans des domiciles privés des hommes de tenue, armés jusqu’aux dents, mais s’ennuyant à cent sous de l’heure, on doit se garder d’avancer le prétexte du manque d’effectifs lorsqu’il s’agit de veiller à l’ordre public.

Quand une puissance publique est prompte à réprimer des manifestations socio-politiques, comme on l’a constaté dans un passé récent, mais est complètement amorphe quand il est question de la sécurité d’un grand nombre de citoyens, c’est que cette puissance publique là manque à son rôle.

Alain Saint Robespierre


Listes des 34 victimes

1°) Saré Issouf, né le 21 juillet 1974 à Lergho, Garango, fils de Saré Gambila Ayouba et de Zèba Aliguéta ;

2°) Sawadogo Lassané, né en 1979 à Kouri, Ouahigouya, fils de Sawadogo Adama et de Ouédraogo Lizèta ;

3°) Amidou alias Rakoéga, sans autre précision ;

4°) Kombourga Amado, S/C Sawadogo Amado ;

5°) Korga Hamidou, S/C Madièga Didano ;

6°) Dambina Moussa, S/C Dambina Boubakar ;

7°) Tiendrébéogo Rasmané, fils de Tiendrébéogo Ablassé et de Rapai ; 8°) Kaboré Ibrahim S/C Bahiri Kassoum ;

9°) Bandé Assane, fils de Bandé Issa et de Sondé Djénéba ;

10°) Boureima, fils de Ablassé sans autre précision ;

11°) Kaboré Karim S/C Bahiri Kassoum ;

12°) Ouemdabré Madi, fils de Ouemdabré Soukary et de Ganda Nogma ;

13°) Kaboré Aly, fils de Kaboré Amado ;

14°) Tirogo Honoré, né en 1985, fils de Tirogo Albert et de Béré Franceline ;

15°) Porgo Ibrahim, fils de Porgo Ipala ;

16°) Ibrahim, sans autre précision ;

17°) Mano N’Kuéré, fils de Mano Tibandéba et de Nadenga Alfanko ;

18°) Siégo Yatiéro, fils de Siégo Amidou, S/C Mano Djanjonré ;

19°) Kaboré Etienne, né en 1982 à Obougou Kompienga, fils de Kaboré Moussa et de Ouédraogo Mamounata, S/C Zagré Aly ;

20°) Diabouga Moussa, né en 1982 à Koala, Gnagna, fils de Diabouga Bourgoudjoa et de Yarga Awa, S/C de Diabouga Soumayé ;

21°) Ouédraogo Boureima, sans autre précision ;

22°) Bitienga Bassirou, sans autre précision ;

23°) Sawadogo Laya, né à Koala, Gnagna, fils de Sawadogo Boureima, S/C de Dambina Boubacar ;

24°) Yarga Mamoudou, né à Yalgo, fils de Yarga Kiouba, S/C de Namoutougo Yéro ;

25°) Namoutougou Houmba, né en 1983 à Koala, fils de Namoutougou Samba et de Diabouga Labissi ;

26°) Kaboré Seydou, sans autre précision, S/C Tanguim Zorgho ;

27°) Sana Fatao, né à Poutenga, fils de Sana Boureima et de Balkissa, S/C Kaboré Alassane ;

28°) Sawadogo Salam, né à Zougou Zorgho, fils de Sawadogo Nomzanga et de Zénabou, S/C Kaboré Alassane ;

29°) Salogo Sayouba, né en 1981, fils de Salogo Soumaïla et de Belem Ramata ;

30°) Savadogo Oumarou, né en 1980 à Kéléguem, fils de Savadogo Tambilo et de Gangoré Hadé, S/C Savadogo Adama ;

31°) Sawadogo Philippe de Kaya, sans autre précision ;

32°) Sondé Boureima, né à Yalgo, fils de Sondé Paté, S/C de Kaboré Ousmane ;

33°) Diawary Soumayé, né à Koala, Gnagna, fils de Diawary Diakilo et de Dembina Rakua, S/C Namoutougou Yéro ;

34°) Ganamtoré Karim, né à Pouytenga, sans autre précision.

L’Observateur

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