Actualités :: Chefferie coutumière : Le “Laglé”, fief des Dim Tansoba

Le royaume mossi de Ouagadougou a toujours été caractérisé par sa hiérarchisation à l’extrême, son organisation parfaite et ses rites immémoriaux. Dans ce royaume millénaire fondé par Naaba Oubri, fils de Zoungrana, le Laglé Naaba occupe un haut rang et assume d’importantes fonctions. Nous avons choisi de vous faire connaître l’histoire d’une des provinces de l’empire moaga, avec l’aide de son premier dignitaire actuel, le Laglé Naaba Tigré, ministre de l’empereur des Mossé et député à l’Assemblée nationale.

Aussi loin que remonte la mémoire nous a dit le dignitaire de haut rang qu’est le “Laglé Naaba” (deuxième ministre du Mogho Naaba après le Wiidi Naaba), leur premier ancêtre est Naaba Rabila, fils de Naaba Kisman. C’est donc Naaba Rabila qui a posé les bases de cette province du Moogho qui a par la suite, gagné en notoriété et en prestige puisqu’il s’occupait de la guerre. Il était celui qui allait sur les champs de batailles avec le Tansoba (chef suprême des armées) et le Tapsoba qui est le Goungha Naaba. Du fait qu’il vivait à côté du Mogho Naaba, le “Laglé Naaba” lui, a été baptisé “Dim Tansoba”.

Quant au Goungha Naaba, il faut préciser qu’il est le frère du Tansoba, chef suprême des armées. Il convient de relever que contrairement à des idées reçues, le “Laglé Naaba” n’est donc pas le gardien des tombes royales. Il doit tout juste certifier la tombe de l’empereur lorsque “le soleil s’éteint”. C’est lui qui décide donc si la tombe est digne de recueillir la dépouille illustre. C’est aux Tengsoba et aux Kombèmba qu’est dévolue la mission délicate et importante de garder les tombes royales. En dehors de ses missions guerrières, le Laglé Naaba a, comme les autres ministres, des obligations coutumières auprès du Mogho Naaba. C’est ainsi qu’il se rend tous les jours à la cour royale, pour accomplir le rituel du “Yiisgu” qui consiste à présenter ses respects et ses salutations au chef suprême, en compagnie des autres ministres (le Wiidi Naaba, le Goungha Naaba, le Kaomsonghin Naaba et le Baloum Naaba). C’est ce que l’on appelle les conseils ordinaires. Tous les vendredis se tiennent les conseils des ministres après la cérémonie du faux départ du Mogho Naaba. En dehors de ces missions, d’autres appelées “Bararengma” et “Sotoosgo” lui sont dévolues par le Mogho Naaba.

Pawitraogo, l’intrépide

Telles sont entre autres, les fonctions dévolues à ces dignitaires de la cour royale que sont les “Lagl” Naaba, dont la riche généalogie s’honore de nobles fils. Sont de ceux-là, le Naaba Pawitraogo, arrière grand-père de l’actuel Naaba, fils de Naaba Yemdé qui a régné entre 1905 et 1928. Homme de défis, ombrageux aussi bien que généreux, intrépide cavalier, il a conduit les troupes de l’empire lors de la dernière guerre traditionnelle aux alentours des années 1910. Une guerre dont le Laglé Naaba Tigré dira qu’il n’est pas aisé d’en parler, comme toutes les autres guerres du reste. Cela parce que son grand-père, Naaba Anbga, lui a toujours enseigné qu’il n’était pas bon de revenir sur les faits guerriers. “Zabtinsgo ya züug wrumdu” (rappeler la guerre c’est réveiller des souvenirs douloureux), disait cet homme de paix et grand rassembleur.

Surtout que cette guerre baptisée “Rugbenga” a fait de nombreux dégâts et est l’objet de multiples interprétations. Cependant, le Laglé Naaba Pawitraogo a été digne de son nom de règne qui signifie littéralement que “les hommes de ce monde ne critiquent que les fils valeureux”. Sa valeur a été reconnue par tous, au point qu’il a eu de nombreux autres noms. Sa renommée s’est étendue à l’ensemble du royaume et, il a “éclaboussé” Laglé de sa gloire. Malgré les nombreux loups qui l’entouraient, il a su se prémunir pour régner avec justice et équité. Pawitraogo règna sous les Mogho Naaba Sigri, Kom I et Kugri. Sous le règne du Mogho Naaba Wobgo, il était prince, mais c’est lui qui a accompagné l’empereur dans son exil à Mankarga, avant de revenir à Ouagadougou.

Une vocation culturelle

Si Pawitraogo a assumé avec bravoure la mission guerrière des Laglé Naaba, d’autres chefs ont par le biais de leurs “activités” culturelles, ajouté une autre corde à l’arc de ces intrépides combattants. Il est vrai que tous les chefs coutumiers sont les gardiens de la tradition et des valeurs mossé, mais le Laglé Naaba Anbga (1928-1982) en a fait une vocation personnelle. Il s’est investi dans la défense de la culture moaga et partant burkinabè, convaincu que si l’on n’y prenait garde, avec le temps, “les gens ne sauront pas d’où ils viennent pour prétendre s’avoir où ils veulent aller”. Il fallait donc “préserver notre tradition et notre culture” et, dans cette optique, il a créé dès 1958, sa troupe de danse traditionnelle. Puis, en 1964, il écrit “Histoire et coutumes royales des Mossé de Ouagadougou”.

Entre 1971 et 1974, il publie “Les contes du Laglé”, les 50 proverbes, deux livres et des manuscrits qui existent et sont détenus par maître Frédéric Paceré Titinga. Naaba Anbga a même fait un essai de dictionnaire mooré-français dont les premiers éléments se trouvent chez le même avocat et homme de culture. Mais, la grande trouvaille de Naaba Anbga, ce sont les contes radiophoniques qui ont fait et continuent de faire le bonheur de nombreux auditeurs et téléspectateurs. Des contes pédagogiques et instructifs pour permettre aux Burkinabè de bâtir leur mieux-être, leur indépendance. Ce que rappelle fort opportunément son petit-fils Tigré en indiquant que “nous sommes aujourd’hui dans un monde-village, mais, chacun a son village d’origine, et il ne faudrait pas perdre cela de vue”.

“Nous devons nous inspirer des valeurs, de la philosophie de nos ancêtres de nos grands-parents pour bâtir notre mieux-être,” poursuit Naaba Tigré. Car, “personne ne viendra construire notre développement, notre indépendance socio-économique à notre place”. Et, Naaba Tigré de justifier avec raison la vie chère par le fait que “notre élite, nos forces vives sont en train d’aller ailleurs croyant y trouver le mieux-être”. Or, cela se fait “au détriment d’un meilleur devenir pour nos peuples”.

“Il nous faut être autonome sur les questions élémentaires notamment celles alimentaires, car, les pays qui n’ont jamais réglé ces questions alimentaires ne peuvent prétendre au développement”. Une question “fondamentale et élémentaire” posée et à résoudre selon le dignitaire moaga. Et, “nous devons tous travailler et même mourir sur le champ du travail pour notre autonomie, notre indépendance,” terminera-t-il. “La tradition est donc respectée” dans le fief des “Dim Tansoba”. Bon sang ne saurait mentir !

Boubakar SY (magnasy@yahoo.fr)
Salifou OUEDRAOGO (racinesburkina@yahoo.fr)


“Le sang ne ment pas”

Ainsi que nous l’écrivions dans notre “papier” principal, le Laglé s’est investi dans la défense de la culture burkinabè depuis le règne de Naaba Anbga (1928-1982). Un Naaba dont les hauts faits culturels ont inspiré son petit-fils, l’actuel Naaba de Laglé qui règne sous le nom de Tigré. Stèle de cinq mètres de haut érigée à l’entrée du palais et commémorant toute la lignée (elle est baptisée “Naaba Rabila Krouweog Lougri”, c’est à dire ceux qui sont issus de Naaba Rabila ) amphithéâtre baptisé Pawitraogo en mémoire de son glorieux aïeul, effigie de son grand-père Anbga et association baptisée “Belemwendé Tiiga (BELWET)” en mémoire de son père, Naaba Tigré perpétue la tradition. Une association qui en dehors de sa vocation première d’aide aux nécessiteux, a initié beaucoup d’actions culturelles. Colloques et symposiums sur la culture burkinabé, recherches ethnolinguistiques, animations culturelles et artistiques. Naaba Tigré s’investit et investit dans la culture.

L’amphithéâtre érigé en la mémoire de son aïeul Pawitraogo se veut le haut lieu de toute cette “agitation” porteuse qui veut ajouter de la terre à la terre. Et comme l’homme vit aussi de pain, cet homme multidimensionnel est aussi un généreux agriculteur dont les récoltes profitent aux populations de son fief et bien au-delà. Politique avisé, Naaba Tigré siège à l’ Assemblée nationale où il est selon certaines sources, un conseiller influent et écouté par les premiers responsables de l’institution. Son dernier combat n’est pas le moins important, lui qui à travers la culture du jatropha veut ouvrir une voie royale aux énergies alternatives.

A l’heure où le pétrole flambe, il y a lieu de le soutenir avec force car, notre survie pourrait en dépendre. Naaba Tigré, en dépit de son jeune âge est donc un sage avant l’heure. Ce qui ne saurait étonner car, il a de qui tenir. Comme quoi, “le sang ne ment jamais”

B.SY

Sidwaya

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