Actualités :: Contestations, émeutes et vandalisme itératifs : Quelques raisons (...)

Les 20 et 21 février derniers, les villes, généralement paisibles et accueillantes, de Sya et de Ouahigouya ont basculé dans la violence : biens publics et privés détruits, pneus enflammés en plein milieu des voies bitumées, barricades, interdiction d’accès de la ville aux camions à remorques et aux cars de transport de voyageurs...

Des commerçants mécontents de ce qu’ils estiment être des augmentations de frais de dédouanement et de patente en sont les auteurs. On aurait pensé à l’œuvre de forces démoniaques descendues tout droit de chez Belzébuth. En effet, ces cités, si accueillantes, ce dont témoigne du reste le cosmopolitisme de leurs populations, étaient devenues subitement méconnaissables.

Maintenant que les émeutes semblent être derrière nous, que certains meneurs sont en lieu sûr en attendant de livrer à la justice les tenants et les aboutissants de cette affaire et que le gouvernement (au moins en parole) s’affaire à trouver les solutions au coût de la vie, qui n’arrête pas de se renchérir, il est temps de se pencher sur les raisons profondes de ce déchaînement de violence.

Rechercher les explications de ce phénomène en se focalisant seulement sur des efforts d’identification des causes réelles de ce qui s’est passé peut être certes source d’enseignements intéressants.

Toutefois, il faut prendre en compte le fait que la société au sens global du terme a une histoire qui tantôt sert de rétroviseur pour éviter les travers par lesquels on est déjà passé, tantôt de source de motivation pour des actes susceptibles de permettre à l’individu et/ou à la société d’accomplir des bonds en avant.

C’est pourquoi, avant de revenir sur les cas spécifiques de Bobo-Dioulasso et de Ouahigouya, il est nécessaire de rappeler ce qui suit :

en octobre 2003, neuf militaires (deux capitaines, un caporal, cinq sergents et un soldat) ont été mis sous les verrous, en compagnie des deux présumés cerveaux d’une conspiration. Les différentes personnes arrêtées, entre le 1er et le 7 octobre, l’avaient été pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » ;

en février 2004, de violentes manifestations, qui ont parfois tourné à l’émeute, ont marqué la capitale burkinabè. De jeunes commerçants s’étaient violemment affrontés aux forces de l’ordre. Les manifestants disaient protester contre une opération de police qui a fait de nombreux blessés la veille lors d’un rassemblement de commerçants aux alentours du marché Rood Woko ; une intervention musclée dont ils accusaient le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, d’être le commanditaire ;

en septembre 2006, alors que le gouvernement était encore en vacances, les forces de sécurité avaient arrêté les contrevenants à la mesure du port obligatoire du casque, saisissant et envoyant à la fourrière mobylettes et motos. Pour récupérer son engin, tout contrevenant devait se présenter à la police ou à la gendarmerie avec le fameux casque et… casquer en plus une amende de 3 000 francs CFA ;

en décembre 2006, les militaires et les fonctionnaires de police s’affrontent. En l’absence de tout rapport officiel, il faut parler au conditionnel : tout serait parti de la mort d’un jeune soldat, occasionnée par des policiers en service la veille. Des incompréhensions naissent et une lutte s’engage, créant ainsi une ambiance délétère, surtout lorsque les militaires reçoivent du renfort ;

en décembre 2007, des militaires retraités burkinabè revendiquaient, entre autres, l’augmentation de l’âge du départ à la retraite à l’instar de ce qui a cours à la fonction publique, l’amélioration des conditions de travail de la troupe, le relèvement des pensions. Les propositions faites par le gouvernement en réponse à leurs revendications avaient été rejetées et les intéressés menaçaient de recourir à la violence.

En cinq (5) ans, avant les émeutes dites contre la vie chère, qui viennent de se dérouler à Bobo-Dioulasso, à Banfora et à Ouahigouya, le pays aura connu quatre manifestations, qui ont dégénéré en émeutes et en actes de vandalisme et une tentative de coup d’Etat.

La confiance des citoyens vis-à-vis des institutions s’érode

A n’en pas douter, cela n’est pas le fruit du hasard même si la difficulté de prévenir ce genre d’événement amène nombre de personnes à le classer dans la contingence que constituent les humains. Cela dit, venons-en aux thèmes qui sous-tendent les différentes contestations : ce sont la cherté de la vie, la gouvernance, les injustices selon les manifestants.

Qu’est-ce à dire ?

La cherté de la vie découle des choix économiques fondamentaux que nous avons tous faits en adoptant la constitution du 2 juin 1991, à savoir l’économie de marché. Seulement, il est vrai que l’Etat, dans certaines circonstances comme celles que nous vivons aujourd’hui, peut décider de sévir afin que les prix qui ne reflètent pas la politique fiscale et douanière du gouvernement soient revus à la baisse par les commerçants.

Du reste, ces derniers jours, même le Premier ministre français, François Fillon, a décidé de prendre trois mesures pour contraindre les commerçants à baisser les prix des produits alimentaires. Ce sont : la création d’une "Haute autorité de la concurrence avec des pouvoirs accrus" pour "renforcer la concurrence", "une opération coup de poing dont l’objectif est d’enquêter sur les comportements de marge" et la "vérification de l’évolution réelle des prix des produits alimentaires". Les résultats devraient être connus d’ici le 10 mars.

Quant à la gouvernance, c’est-à-dire la lutte contre la mauvaise gestion des ressources humaines, matérielles et financières, elle traduit l’incapacité des multiples institutions de la République (Justice, divers instruments de lutte contre la corruption, police, douane, gendarmerie…) malgré la volonté (en tout cas affichée) de Blaise Compaoré et de Tertius Zongo à combattre réellement la mal-gouvernance.

En outre, il convient de citer la faiblesse actuelle de l’opposition et les difficultés dans lesquelles baigne la société civile, lesquelles auraient pu, du moment qu’elles sont organisées, canaliser les énergies destructrices vers le renforcement de leurs bases sociales respectives.

Le constat est donc clair : apparemment, aucune institution n’est donc suffisamment ancrée pour inspirer confiance au citoyen et l’amener à lui afin de lui expliquer, voire d’apporter des solutions à ses préoccupations. Dès lors qu’en démocratie de telles situations surviennent, la moindre contradiction est saisie au vol par des bandes de casseurs, de vandales et de délinquants qui n’attendaient que de telles occasions pour assouvir leurs desseins diaboliques.

Même des citoyens d’ordinaire dignes peuvent être emportés par le mouvement. En effet, avec plus de 50 000 étudiants à Ouagadougou dont la majorité écrasante n’entrevoit aucune perspective d’emploi ni de situation sociale stable sans oublier les sans-culottes classiques, il ne serait pas surprenant de compter des étudiants s’improvisant, par dépit et par désespoir, casseurs lors d’une manifestation.

Comme cette chose la mieux partagée au monde qu’est le bon sens nous l’enseigne, les casses, les actes de vandalisme et les agressions physiques ne sont jamais et ne seront jamais la réponse appropriée à ce qu’on estime être une injustice, une iniquité ou un ras-le-bol en situation de démocratie ; cependant, les gouvernants doivent être davantage conscients des difficultés qu’endure la population et y apporter des solutions adéquates au plus vite, car le climat actuel n’est peut-être qu’une accalmie.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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