Actualités :: Manifestations contre la vie chère : La part d’intox

"Qui manifeste au juste dans cette affaire ? Les consommateurs contre la vie chère ou les commerçants au sujet de l’augmentation des taxes et impôts ?".

Cette question, beaucoup se la sont posée quand les mercredi 20 et jeudi 21 février 2008 des manifestations censées être pacifiques ont dégénéré en casses, en pillages, en vols, en détérioration de biens publics et privés, etc.

Théâtres de ces violences, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya et Banfora sortent du cauchemar, un peu grougi comme un ivrogne au lendemain d’une cuite. Après la gueule de bois, on fait les comptes. L’heure est au bilan.

Aux interrogations aussi. Le mouvement d’humeur a été préparé, on le sait, par des tracts, cette littérature souterraine et subversive d’autant plus dangereuse que les "informations" qu’elle véhicule sont souvent invérifiables, voire délibérément montées de toutes pièces aux fins de manipulation.

En l’espèce, et même si dans les tracts en question les auteurs n’y font pas explicitement mention, c’est la rumeur selon laquelle le gouvernement aurait augmenté le montant de certains taxes et impôts qui aurait mis le feu aux poudres.

Et les marchands d’exhiber leur feuille d’imposition où, en valeur absolue, leurs impôts ont, il est vrai, fait le saut à la perche, comme qui dirait, d’une année fiscale à l’autre. D’où la déduction, un peu trop rapide (à dessein ?), de la hausse. Le gouvernement se défend pourtant d’avoir procédé à quelque modification que ce soit. Ce qui serait vrai, en tout cas pour l’instant.

Pour la contribution du secteur informel (CSI) par exemple, on sait qu’un barême avait été fixé par une loi de l’Assemblée nationale en 1996, puis un autre en 2002. Mais celle-ci connaîtra des difficultés d’application, les syndicats notamment demandant d’y surseoir. Et de fait, l’AN demandera la suspension de ce nouveau barême, à la fois sans doute pour de nobles préoccupations sociales mais aussi pour des raisons de conjoncture politique.

C’est donc le texte de 1996 qui avait toujours cours jusqu’en janvier 2007 quand la collecte de la CSI passa des caisses du Trésor à celles des Impôts. On remit donc le barême de 2002 au goût du jour, en "l’adoucissant", dit-on, mais comme les contribuables assujettis à cet impôt étaient toujours régis par le texte de 1996, c’est cela qui pourrait être l’une des explications des hausses constatées. Mais sans doute les services compétents ont-ils manqué de pédagogie, de méthode, bref de communication.

Qui pis est, un nouveau premier ministre est là depuis quelques mois qui s’échine à nettoyer les écuries de Blaise : contrôle de l’utilisation des véhicules de l’Etat, lutte contre la corruption et la fraude sous toutes ses formes, plus de rigueur dans l’imposition, etc.

Ce qui ne fait pas que des heureux ; et parmi les mécontents, il y a sans doute les commers qui voient leurs marges bénéficiaires se réduire comme peau de chagrin parce que non seulement, en amont, à la Douane, ils auront de plus en plus de difficultés à frauder en sous-déclarant les volumes et les valeurs de leurs marchandises voire sur leur nature mais aussi, en aval, ils seront par surcroît traqués par le Fisc.

Tertius veut des sous et il compte aller les chercher là où il peut les trouver, notamment dans le portefeuille des commerçants qui, jusque-là, passaient à travers les mailles du filet des administrations douanière et fiscale par différents subterfuges.

Plus que la vie chère, ce doit être là la cause du mouvement d’humeur de l’autre jour, parasité comme il se doit par des vandales et des coupe-jarrets avec les conséquences qu’on sait.

Sinon d’où vient qu’un mercanti, quand bien même il est aussi consommateur, se préoccupe de vie chère alors même qu’il vit de la vie chère et que, de toute évidence, il ne sera pas le premier à mourir en cas de disette ? Après tout, sa raison d’être même est de faire du profit, dût-il saigner littéralement ses chalands.

Mais la violence intervenant à un moment où les prix des produits de première nécessité font le yoyo, on ne pouvait qu’y voir une relation de cause à effet.

Cela dit, l’économie fonctionnant comme un système où chacun des éléments pris isolément n’a de sens et d’importance que par sa relation au tout, les deux problèmes sont plus ou moins liés, car pour les commerçants durement fiscalisés, l’une des réactions, la plus facile et la moins coûteuse sans doute, serait de valser les étiquettes pour ne pas trop perdre au change.

Au bout du compte, c’est toujours le consommateur qui trinque, puisque les uns raisonnent bénéfice quand les autres parlent de lutte pour la survie. Tous sont peut-être couchés sur la même natte, mais, manifestement, ils n’ont pas les mêmes rêves.

C’est ça, la part d’intox de ces journées chaudes.

Il faut pourtant bien une certaine justice fiscale dans ce pays. Car tant qu’on y est, si les commerçants qui ne sont pas les plus mal lotis râlent comme de vieilles locomotives, que diront les salariés qui portent la croix de l’Impôt unique sur les traitements et salaires quand on sait par exemple qu’un fonctionnaire de catégorie A qui touche 100 mille francs et des poussières paye annuellement autour de 150 000 francs au titre de l’IUTS, coupés à la source, sans donc la possibilité de s’y soustraire comme c’est le cas pour d’autres. Alors ce n’est pas un chercheur de profit, dont on connaît du reste parfois difficilement les chiffres d’affaires, qui va se plaindre parce qu’il ne casque que 300 000 balles.

Là où les vrais-faux "miséreux" de l’autre jour peuvent avoir raison, c’est qu’il ne faut pas torturer certains (petits commerçants, salariés, etc.) et épargner d’autres, ces gros poissons du marigot économique burkinabè à la mesure desquels certains ont même voulu tailler une loi fiscale. C’est ça qui est révoltant.

Or l’évangéliste Tertius a beau vouloir déplacer des montagnes, on ne sait pas trop comment il s’y prendra pour faire cracher au bassinet de la république ces grosses légumes avec les connexions politico-militaro-économiques qu’on sait, avec ces officiers supérieurs qui sont devenus, par prête-noms interposés, des géants du BTP et, bientôt, nous dit-on, des hydrocarbures.

Ousséni Ilboudo

L’Observateur

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