Actualités :: Manifestations contre "la vie chère" : Une marche tourne à la casse à (...)

La ville de Bobo-Dioulasso a été le théâtre de manifestations de rue toute la matinée du 20 février 2008. De mémoire de Bobolais, elles ont été d’une violence jamais égalée, au regard de l’ampleur des dégâts enregistrés dans presque toute la ville. La capitale économique ressemblait à un vrai champ de bataille.

Tout est parti d’une manifestation de commerçants qui protestaient contre les patentes jugées trop élevées et la "cherté de la vie". Les manifestants scandaient des slogans dénonçant les prix élevés des produits de première nécessité. Le micro que nous leur avons tendu était littéralement pris d’assaut par les manifestants. En effet, chacun tenait à dire haut et fort son ras-le-bol par rapport à la vie chère et à l’augmentation de la patente. « Le savon, l’huile, le carburant coûtent trop cher », « La patente a triplé parce que ceux qui payaient 20 000 F CFA paient désormais 60 000 F CFA », lançaient-ils dans une cacophonie monstre. Le petit groupe de manifestants du départ a vite grossi pour devenir une véritable marée humaine qui tentait de marcher sur l’Hôtel de ville. Mais cet objectif ne sera pas atteint puisque les éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), postés aux alentours de la mairie vont les bloquer dans leur progression.

Les manifestants s’arment alors de pierres et d’autres projectiles pour affronter les policiers. Ils sont tellement tenaces que la gendarmerie est appelée à la rescousse. Une "chasse à l’homme" est alors engagée dans les alentours de la mairie, entre forces de l’ordre et manifestants qui se sont rabattus sur les feux tricolores, les panneaux de signalisation, les ronds-points, les véhicules de l’Etat et privés, les bâtiments publics. C’est ainsi que la direction régionale des douanes de l’Ouest, le bureau de douane Bobo gare, le domicile et le véhicule de fonction du directeur régional, des véhicules de particuliers stationnés en douane sont saccagés. Deux agents (le chef de subdivision de la brigade mobile et le chauffeur du directeur régional)
sont blessés.

De nombreux dégâts en ville

La furie des manifestants s’est également transportée à la mairie de Dô qui a été complètement incendiée et à l’Hôtel des finances du secteur n° 11 (division fiscale Houet III), saccagé et brûlé. Le secrétariat permanent de la Semaine nationale de la culture a elle aussi essuyé des jets de pierres qui y ont brisé la plupart des vitres. Dans les quatre coins de la ville, les pneus incendiés témoignent du passage des manifestants qui, visiblement, en avaient beaucoup sur le cœur. Ces actes de vandalisme ont été comme un exutoire pour eux.

Les plus violents ont été enregistrés sur le boulevard Eboué, au croisement de la route de Dédougou où les grilles de la Place du paysan ont servi de barricades aux manifestants. Là également l’alimentation de la station Shell a été pillée. Le gérant parle d’une perte de plus de 20 millions de francs CFA. A la Place de la femme, le monument qui s’y trouve a été incendié, de même qu’au rond-point route de Banfora où le monument représentant le président Blaise Compaoré et Kadhafi s’est effondré sous la chaleur des flammes. A la mairie de l’arrondissement de Dô, tous les documents, le mobilier et une importante somme d’argent ont été emportés. Les dégâts sont tellement importants qu’on ne saurait les quantifier pour le moment. A titre d’illustration, tous les feux tricolores (sauf à la place de la Nation et sur l’avenue Louveau à Bolmakoté) ont été saccagés.

Le maire de la commune de Bobo-Dioulasso, Salia Sanou, que Sidwaya a rencontré parle d’une manifestation spontanée puisque, dit-il, « nous n’avons aucun interlocuteur à qui nous adresser jusqu’à présent ». Seulement, depuis le 19 février, la rumeur de cette manifestation circulait en ville et hier 20 février, les boutiques et hangars du marché central et des marchés de quartiers n’ont pas ouvert. A moins que l’on n’ait minimisé l’ampleur de la manifestation au point de ne pas l’étouffer dans l’œuf.

Urbain KABORE
Et Mahamadi TIEGNA


La réaction du gouverneur des Hauts-Bassins, Mathieu Bêbrigda Ouédraogo

C’est une situation exceptionnelle du point de vue sécuritaire que nous avons vécue. Nous avons pris des mesures pour éviter les débordements au niveau de la marche qui n’a pas pu se dérouler. Nous avons assisté à des actes de violence et de vandalisme que nous déplorons. Nous sommes en train de faire le point de l’ampleur des dégâts. Nous appelons la population et tous les acteurs de la vie politique et administrative de la région à la concertation pour trouver les voies et moyens, afin de faire respecter les textes
réglementaires.

Comme vous le savez, le gouvernement est suffisamment ouvert au dialogue. Il a pris des mesures pour trouver des solutions aux différents problèmes des populations aussi bien à Bobo-Dioulasso qu’ailleurs. En tout état de cause, dans un pays organisé, dans une république, lorsqu’on perd les valeurs cardinales de la citoyenneté, personne ne peut être en sécurité. Il est bon qu’on puisse se ressourcer à ces valeurs et respecter nous-mêmes ce que nous avons choisi comme textes.

C’est cet appel que je vais lancer pour que les uns et les autres puissent emprunter ces voies afin que l’on retrouve la sérénité et que l’on puisse poser les problèmes qu’on a à poser dans les formes appropriées. Ce que nous avons vécu aujourd’hui (NDLR : hier 20 février 2008) à Bobo n’est pas une situation normale parce que les gens s’en prennent aux biens privés et publics. Il y a eu des blessés que nous sommes en train de suivre (…), mais fort heureusement, on ne déplore aucune perte en vie humaine. C’est la première lecture que nous pouvons faire des événements d’aujourd’hui.

Propos recueillis par U.K. et M.T.

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Les coulisses d’une manifestation

Un appel à la raison qui coûte cher à un expatrié

Un expatrié, à bord d’une fourgonnette frappée du sigle ETEMAFE, a appris à ses dépens qu’on ne raisonne pas une foule comme on le ferait avec un seul individu. Alors qu’il pensait pouvoir discuter avec les manifestants et se frayer un chemin parmi eux sur le boulevard Châlons-en-Champagne, à quelques mètres de la place de la Femme, il a été sommé de faire marche arrière sur-le-champ, escorté par les manifestants dont certains voulaient en découdre avec lui.
Un des pare-brise arrière de son véhicule sera même brisé. L’expatrié s’arrête, descend de son véhicule et, d’un signe de la main leur fait savoir qu’ils sont fous. Ce geste déchaîne les manifestants qui le lapident. C’est donc en trombe qu’il démarre, avec le sentiment d’avoir affaire
à des fous.

Des manifestants retrouvés et ramenés manu militari

De nombreux manifestants ont été retrouvés par les forces de sécurité et ramenés sur les lieux de leurs forfaits. Ainsi, à la mairie de Dô, des jeunes gens, une jeune fille et même un enfant ont été contraints à ramener des chaises volées qui ont été retrouvées chez eux.

Ne touchez pas à mon poteau électrique !

C’est en ces termes qu’une dame a supplié les manifestants qui tentaient d’arracher un poteau électrique pour barrer la voie à côté de la mosquée de Dioulasso-Bâ. « C’est sous ce poteau électrique que je vends de l’attiéké la nuit pour subvenir aux besoins de ma famille ». Sensibles aux supplications de la bonne dame, les manifestants ont poursuivi leur route en la dépossédant néanmoins
de son banc.


Ville morte à Ouahigouya

Bars, restaurants, cyber café, boutiques, alimentations, rien n’a fonctionné à Ouahigouya le 20 février 2008. Le grand marché de la ville et le marché externe communément appelé "le yaar des femmes" étaient orphelins de leurs occupants quotidiens.
Le rassemblement a commencé aux environs de 7 h 00 du matin. En première ligne, les femmes qui étaient plus déterminées que les hommes : "nous sommes déçues de nos hommes.
Ils ont peur de marcher..." a lancé Rakièta Ouédraogo, vendeuse de légumes au marché de Ouahigouya. C’est vers la résidence du gouverneur que les marcheurs se sont rendus, mais sans pouvoir rencontrer le premier responsable qui était bureau.

Après avoir lu publiquement leur déclaration, les marcheurs s’en sont pris aux policiers qui gardaient la résidence du gouverneur.
A 10 h 35, les élèves des différents établissements sont rentrés dans la danse. Du lycée Yadéga à la place de la Nation, les gendarmes ont dû reculer, malgré les jets de gaz lacrymogène. Une longue procession de 2 km s’est formée. La marrée humaine a pris d’assaut la gendarmerie pour réclamer la libération des élèves arrêtés. Les élèves libérés, la foule s’est dirigée à la mairie. Le bilan est amer.

Une mairie méconnaissable, le hangar servant de parking a été brûlé et les policiers municipaux chassés. Le gouverneur à travers les radios, a appelé les populations au calme, car dit-il, le gouvernement est en train de trouver des voies et moyens pour remédier à la situation. Jusqu’à 16h il n’était pas possible de trouver à manger ni à acheter à Ouahigouya. "Même les filles de joie et les mendiants ont débrayé", nous a affirmé Karim Ouédraogo, mécanicien de son état.
Les femmes étaient plus mobilisées et déterminées car ce sont elles qui menaient la marche. A la question de savoir pourquoi elles marchent, elles répondent "on ne peut plus rien payer même le sel. Nous comprenons maintenant pourquoi les fonctionnaires aiment marcher". Les marcheurs de Ouahigouya dans leur déclaration ont invité le gouvernement burkinabè à travailler à faire baisser les prix.

JVO
AIB/Ouahigouya

Sidwaya

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